Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 13 juin 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement en application de l'article 50-1 de la constitution sur l'immigration professionnelle et étudiante et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Bref, les partis extrémistes qui instrumentalisent l'immigration soit dans un sens soit dans un autre, en demandant des papiers pour tous ou pour personne, sont totalement absents à ce stade de nos débats, ce qui est tout de même étonnant – peut-être leurs membres nous rejoindront-ils plus tard.

Je préciserai ensuite, me tournant vers Sandrine Mazetier qui m'a fait l'amitié de me citer, qu'il s'agit de mon seizième débat sur l'immigration depuis vingt et un ans que je suis député : j'ai assisté aux débats sur les lois Pasqua, Chevènement, Vaillant, Debré, Sarkozy, Villepin, Hortefeux et ai été rapporteur de quatre lois relatives à cette question lors de la précédente législature et je dois dire que c'est avec beaucoup d'humilité que j'envisage cet exercice. Avant de critiquer les uns ou les autres, je fais d'abord le constat que la législation sur l'immigration professionnelle et étudiante a été un échec à droite comme à gauche. J'espère sincèrement, monsieur le ministre, que vous réussirez, mais j'avoue que j'en doute. Depuis quinze à vingt ans, nous entendons le même discours : il faut privilégier l'immigration professionnelle et se donner les moyens d'une immigration utile. En réalité, l'immigration professionnelle n'a jamais pris d'ampleur et reste très minoritaire face à l'immigration familiale.

Dans un système globalisé, où les mouvements migratoires sont toujours plus nombreux, la France doit tenir une ligne politique claire en la matière.

De toute évidence, la situation économique de notre pays ne nous permet plus d'accueillir ceux qui ne trouveront ni emploi ni logement. Inversement, nous ne pouvons pas non plus laisser la question de la formation des élites étrangères de côté : il en va de notre compétitivité et de la promotion de la francophonie. Il faut donc avoir le courage d'afficher une politique migratoire ferme et exigeante.

L'immigration étudiante et professionnelle peut présenter d'immenses avantages à condition toutefois qu'elle ne soit pas subie.

Parmi les réussites de la majorité précédente, permettez-moi tout de même de rappeler la création de Campus France, qui a permis de mieux connaître le cursus des étudiants étrangers. Nous sommes tous d'accord pour dire que la France doit attirer des étudiants étrangers ; nous sommes tous d'accord pour dire aussi qu'il faut des étudiants sérieux. Rappelons qu'à une période, les autorités ne se souciaient pas de savoir si certains étudiants étrangers, après deux ans de mathématiques, trois ans d'archéologie, un an de médecine, ne s'inscrivaient pas en lettres pour continuer d'avoir une carte. Grâce à Campus France, qui ne fonctionne pas si mal que cela, il y a désormais des avancées.

Le document préparatoire au débat que vos services nous ont fourni, monsieur le ministre, fait référence à une « maîtrise éclairée des flux migratoires ». Somme toute, l'intention est bonne mais encore faut-il examiner les modalités de mise en oeuvre que vous nous soumettrez.

En 2012, l'immigration étudiante stagne. Même si la situation de la France est honorable – notre pays se situe au cinquième rang pour l'accueil des étudiants internationaux –, elle reste perfectible. En effet, il convient d'améliorer notre système d'immigration estudiantine pour continuer d'attirer les meilleurs étudiants. C'est aussi l'occasion pour les pouvoirs publics français de lutter contre la désaffection des filières scientifiques.

Il faut reconnaître que l'immigration étudiante participe à la fois au dynamisme des universités, à notre compétitivité, et au rayonnement de la France. Les étudiants étrangers sont en effet autant d'ambassadeurs de notre pays à travers le monde qui contribuent à la promotion de notre système d'enseignement supérieur.

Eu égard à la concurrence accrue sur le marché des compétences, notre pays doit se donner les moyens d'accueillir ingénieurs et chercheurs des pays émergents. La France a besoin aujourd'hui d'étudiants qualifiés venus des puissances émergentes comme la Russie, la Chine, ou l'Inde. Or, aujourd'hui, sur les cinq premiers pays sources d'immigration étudiante, il y a quatre pays africains. Les étudiants russes ne représentent que 1,7 % des étudiants étrangers en France, comme vous l'avez souligné, madame la ministre. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire. L'objectif doit être d'attirer les étudiants au-delà des pays avec lesquels la France entretient des relations de longue date.

Malheureusement, on constate que les contraintes administratives, loin de réduire le nombre d'entrées irrégulières, sont autant d'entraves à l'immigration étudiante qui dissuadent, trop souvent, les étudiants les plus brillants d'étudier en France. Comment peut-on refuser un visa à un étudiant chinois ou russe qui présente de véritables atouts pour notre économie ? C'est aberrant !

Dans votre intervention, monsieur le ministre, vous avez souligné avec raison que la carte « compétences et talents » avait été un échec. J'ai été le rapporteur de la loi qui a permis de la créer. Elle reposait sur un dispositif simple et logique : accorder une carte de séjour à toute personne dotée d'une compétence ou d'un talent présentant un intérêt pour la France. Mais quelle n'a pas été ma surprise quand j'ai découvert que le texte du décret s'étalait sur je ne sais combien pages : c'était totalement incompréhensible !

Compte tenu de la nationalité de ma femme, je me suis occupé de certains dossiers de Russes et je peux vous dire qu'ils ont fui devant tant de complexité. J'espère que vous éviterez l'écueil tragique auquel viennent se heurter les lois que nous votons dans ce Parlement depuis des années : simples et logiques, elles font l'objet de circulaires telles qu'elles se transforment en échec. La carte « compétences et talents » a été un bide complet, il faut le dire. Ce n'est pas une attaque personnelle : les dispositifs que nous votons sont souvent paralysés en second rang.

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