Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 13 juin 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement en application de l'article 50-1 de la constitution sur l'immigration professionnelle et étudiante et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Monsieur le ministre, vous avez bien compris ce que je voulais dire quand j'ai précisé que ce n'était pas une attaque personnelle. La carte « compétences et talents » est une très bonne idée qui a été gâchée. Vous avez raison de dire que c'est un échec et j'espère que vous serez plus attentif à ce que les lourdeurs administratives ne viennent pas dénaturer la volonté du Parlement. Pour une fois que je vous donne raison sur un point, ne boudez pas votre plaisir !

Une simplification des démarches administratives ne doit pas conduire au laxisme. Bien au contraire, l'exigence doit être de rigueur.

En outre, dans un contexte de difficultés budgétaires, la question du coût des frais de scolarité est une question essentielle. En France, le système d'enseignement supérieur est caractérisé par une quasi-gratuité : il n'y a pas de différenciation entre nationaux et internationaux. Il ne sera pas possible d'accroître le nombre d'étudiants étrangers sans que les établissements reçoivent une aide financière, notamment de la part du pays d'origine et des étudiants.

J'appelle donc à aller dans le sens d'un traitement des dossiers au cas par cas. Si la France a une longue tradition d'accueil, le développement d'une politique d'immigration étudiante ne doit pas laisser la porte ouverte au tout-venant. Le courage consistera à opérer une sélection des étudiants en fonction du projet d'études et de veiller au sérieux des étudiants chaque année.

Votre projet de carte de quatre ans a un côté séduisant et un côté effrayant. Un côté séduisant parce que pour la majorité des étudiants étrangers qui font correctement leur parcours universitaire, il est insupportable de devoir renouveler chaque année les formalités auprès la préfecture, formalités par définition inutiles s'ils sont sérieux et qui ajoutent à la lourdeur administrative. Mais nous savons vous et moi qu'il y a des étudiants étrangers qui ne vont pas jusqu'au bout de leur première année ou qui ont des projets pour le moins variables.

Je serai le premier à vous suivre, monsieur le ministre, si cette carte de quatre ans permet d'instaurer un filtre efficace qui distingue les étudiants sérieux de ceux qui n'ont pas encore fait leurs preuves. Mais, en ce domaine, il y a souvent une frontière délicate entre les intentions et la pratique.

Le temps me manque pour évoquer l'immigration professionnelle. Depuis quinze ans, voire vingt ans, elle est un échec. Je vous souhaite sincèrement de réussir pour notre pays. Mais chaque fois, nous avons les mêmes débats : tout le monde appelle de ses voeux une immigration choisie mais elle reste subie. Les diplômés étrangers choisissent en priorité d'autres pays que la France et c'est une main-d'oeuvre sous diplômée et sous-qualifiée qui vient dans notre pays.

En réalité, je me demande si nous n'avons pas déjà un combat de retard. Ma circonscription me donne la chance d'être chaque semaine en Asie dans des pays où l'économie est en pleine croissance, et je suis effaré par le nombre de Français diplômés de grandes écoles que j'y rencontre. Si vous allez un jour à Shanghai, monsieur le ministre, je vous invite à vous rendre dans un des trois cafés que l'on appelle les « cafés des stagiaires » : là-bas, la moyenne d'âge de la communauté française est de vingt-huit ans, elle est composée en majorité de jeunes diplômés partis avec la conviction que tout peut leur réussir.

Aussi, pour finir, je citerai ce SMS qui m'a été envoyé la semaine dernière alors j'organisais une rencontre avec les Français de Hongkong : « Je suis Maxime Lemaître, et j'ai vingt-neuf ans. J'ai fondé ma société à Hongkong. Je fais partie des finalistes des meilleures PME françaises de Hongkong, je n'ai pas de problème particulier, mis à part celui d'avoir dû quitter mon pays » – il ne précise pas si c'était sous la droite ou sous la gauche ! – « pour créer des richesses et des emplois ici plutôt qu'en France. Même si mon activité fait vivre indirectement des milliers de personnes, je trouve simplement dommage qu'à l'heure actuelle, on doive quitter son pays quand on a envie de réussir. »

Monsieur le ministre, se préoccuper de l'attractivité de nos universités n'implique-t-il pas de se préoccuper aussi du maintien de nos diplômés en France ? Je m'inquiète en effet de voir les amicales d'anciens de grandes écoles françaises exploser à l'étranger. Il ne faudrait pas que les quelques exilés fiscaux médiatiques cachent la forêt de tous les Français qui, après avoir bénéficié de la compétitivité de nos universités, vont à l'étranger profiter des chances qu'ils ont de réussir. Aujourd'hui, il n'y a plus de French dream comme disent les Américains, et il me semble qu'au-delà de nos rivalités politiques, c'est cela qu'il nous faut aujourd'hui raviver.

S'il s'agit de restaurer l'attractivité des universités, je serai à vos côtés à condition que vous arriviez, comme nous avions voulu le faire – avec succès ou pas, c'est à vous de juger –, à instaurer des dispositifs propres à faire la différence entre ceux qui veulent vraiment nous apporter quelque chose et ceux qui ne sont étudiants que par prétexte.

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