Intervention de Gérard Bally

Réunion du 11 juin 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Gérard Bally, délégué général d'EURODOM, association de promotion des territoires ultramarins :

J'ai souhaité me présenter devant vous accompagné d'un certain nombre de représentants des filières d'exportation et de diversification afin de vous offrir un éclairage le plus complet possible de la situation de l'agriculture outre-mer et de vous faire part de nos réflexions en matière de développement agricole.

En 1993, lorsque l'Acte unique a ouvert les frontières de l'Europe, nombre de nos productions, en particulier les filières animales de La Réunion, la banane et le rhum, existaient en dehors de tout assistanat. L'organisation nationale du marché de la banane rapportait beaucoup d'argent à l'État français. La banane de Guadeloupe et de Martinique partageait le marché français avec la banane d'Afrique. Les importations de « bananes dollar » étaient organisées chaque année par un organisme unique et les bonis du Groupement d'intérêt économique de la banane (GIEB) étaient versés au Trésor. Le marché était protégé, mais nous n'étions pas subventionnés.

Lorsque survenait un cyclone, il y avait plus d'argent en réserve qu'il n'en fallait pour financer la réparation des dégâts causés par cette calamité. En 1969, les filières animales de La Réunion ont créé une interprofession qui fonctionnait de manière remarquable. Mais dès le 1er janvier 1993, le dispositif, n'étant pas compatible avec la libre circulation des biens imposée par l'Union européenne, a été abandonné. Nous sommes alors devenus des assistés. La Commission européenne nous a contraints à accepter des subventions substantielles, voire très substantielles en ce qui concerne la banane, pour combler la différence entre nos coûts de production et ceux de nos concurrents directs sur le marché européen.

Les générations se sont succédées à la Commission européenne et dans les administrations nationales et aujourd'hui, on nous reproche d'être des assistés qui profitent des deniers publics et on nous demande de nous restructurer et de redéfinir notre mode de développement.

S'il y a une chose dont chaque personne présente autour de cette table est dépourvue, c'est bien du complexe de la subvention. Il était utile de le rappeler. Il est assez désagréable d'expliquer à des commissaires européens que nous avons toujours besoin de ce différentiel puisque les coûts de production dépendent toujours en grande partie de la main-d'oeuvre et que celle-ci, dans les pays concurrents de la banane communautaire, est rémunérée 20 ou 30 fois moins bien que dans nos régions.

L'assistanat n'a donc jamais été pour nous une condition première pour produire, commercialiser et créer des emplois, mais nous avons été projetés dans un système qui nous soumet à des paradigmes différents.

Nos deux grandes cultures d'exportation sont le rhum et le sucre, issus de la canne à sucre, et la banane dont nous exportons chaque année plusieurs centaines de milliers de tonnes. Grâce aux subventions qu'elles reçoivent, ces cultures destinées à l'exportation résistent bien. Elles créent beaucoup d'emplois et nous ont permis de mettre en place des cultures de diversification animales et végétales.

Influencés par la Commission européenne, en particulier le commissaire Ciolos, le ministre de l'agriculture et un certain nombre de hauts fonctionnaires qui s'interrogent sur l'avenir agricole de nos régions, nous en sommes arrivés à considérer la diversification comme une perspective considérable de développement que nous n'avons pas suffisamment exploitée au cours des dernières décennies.

Depuis que je travaille à Bruxelles, c'est-à-dire depuis 25 ans, nous avons produit dans nos régions des cultures que nous avons ensuite abandonnées : c'est le cas des aubergines, avocats, limes, melons, tomates, agrumes, carottes, oignons, fleurs et ananas. Ces dix productions ont été exportées, pour certaines dans des volumes considérables – entre 50 000 et 80 000 tonnes pour l'ananas et l'aubergine, mais cette dernière a été victime d'une maladie et nous ne disposions pas des produits phytosanitaires qui auraient permis de préserver sa culture ; pour ce qui est de l'avocat, nous avons été pris en tenaille entre les productions d'Afrique du Sud et d'Israël.

La production de la lime a été victime de la concurrence de l'île de la Dominique et des pays latino-américains, celle du melon de la concurrence de très nombreux pays et la tomate a été atteinte d'une maladie. Elle est toujours cultivée en Guadeloupe et sous serre à la Martinique. À La Réunion, les carottes et les oignons cultivés sur place couvraient 90 % des besoins en produits frais, mais ils ne sont plus produits localement.

Les fleurs coupées ont totalement disparu du paysage industriel de Martinique et de Guadeloupe depuis les fameux règlements « cocaïne » pris en 1989 pour aider les pays latino-américains à lutter contre les cultures liées à la drogue. Ensuite l'ouverture des frontières a entraîné la disparition d'un certain nombre de produits.

En dépit de ces quelques échecs, la diversification se porte très bien, tant dans les filières de production animale que végétale, et assure l'approvisionnement en produits frais de nos régions avec des taux de couverture tout à fait acceptables, contrairement à ce que l'on entend dire ici ou là.

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