Intervention de Razzy Hammadi

Séance en hémicycle du 25 juin 2013 à 21h30
Consommation — Article 1er, amendements 197 705

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRazzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Avant toute chose, je veux apporter un éclaircissement pour faire preuve de méthode et de rigueur intellectuelle dans l'accomplissement de notre travail. Puisque vous m'avez directement interpellé sur le dispositif dit accéléré, sachez – nous y reviendrons le moment venu – que le rapporteur défendra un amendement pour que le doute ne puisse être permis sur l'existence d'un opt-out ou la remise en cause d'un dispositif qui est en effet équilibré, sans pour autant – comme nous l'avons vu et discuté en commission – que cela nuise à la rapidité et à l'efficacité, quand le contexte le permet.

Monsieur Lefebvre, je suis heureux que nous nous accordions aujourd'hui sur la nécessité des actions de groupe. Espérons que nous serons encore d'accord à la fin de nos débats sur l'article 1er et que vous n'aurez pas changé d'avis. En effet, le 3 juin 2011, Les Échos titrait : « Frédéric Lefebvre enterre les actions de groupe » : vous considériez alors qu'elles étaient étrangères à la tradition juridique française, quand peu avant, dans votre ouvrage, vous y étiez favorable.

Puisque le principe des actions de groupe est désormais admis, laissez-moi revenir sur le fond de votre amendement. Je me permets de prendre ici un peu de temps, car l'article 1er constitue bien l'essentiel de ce texte. Le dispositif que vous proposez est très restreint, mais surtout très imprécis. Je n'ai trouvé nulle part en effet dans le droit français « l'atteinte sensible à l'ordre public économique ». Il existe l'atteinte à l'ordre public économique, qui relève du droit de la concurrence, mais le sens de l'atteinte « sensible » m'échappe, sauf à considérer que le caractère « sensible » soit défini par le ministre de l'économie, puisque c'est à la condition qu'il veuille bien s'en saisir que l'action de groupe pourrait exister.

Résumons. Selon vous, lorsque des consommateurs lésés pour un petit dommage de cinq ou dix euros voudront lancer une action de groupe, ils devront se regrouper et interpeller M. le ministre de l'économie, qui agira selon son bon vouloir – nous ne sommes alors plus dans le droit. Or si nous créons une telle procédure, c'est pour permettre une réparation effective. Je voudrais à ce propos balayer quelques arguments sur la mise en difficulté des entreprises. Quelle entreprise peut aujourd'hui, lorsqu'elle se donne les moyens de sa compétitivité, se plaindre de ce qu'un législateur se saisisse de la mauvaise concurrence, celle qui trompe à travers les procédés anti-concurrentiels, celle qui lèse et pourrit le marché en vendant des produits défectueux en connaissance de cause ou en trompant le consommateur avec des informations pré-contractuelles biaisées ?

Au contraire, l'action de groupe participe de la fameuse montée en gamme que nécessite le made in France.

Je poursuis, monsieur Lefebvre. Le ministre de l'économie, une fois saisi, mobiliserait ses services pour « procéder aux investigations nécessaires auprès des consommateurs ». Plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de consommateurs pourraient être concernés. Une fois que le ministre aurait accepté de se saisir de l'action de groupe, il choisirait l'association agréée – pourquoi celle-ci et pas une autre ? – ; on dépenserait ainsi des millions d'euros pour que les agents de la DGCCRF ou leurs équivalents, plutôt que de traquer la malfaçon ou la tromperie économique, aillent interviewer chaque consommateur et mener les investigations nécessaires auprès de chacun d'entre eux ! On n'est plus dans la machinerie administrative, monsieur Lefebvre : c'est Kafka, pour ne pas citer Brazil.

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