Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 26 juin 2013 à 15h00
Projet de fermeture de l'usine goodyear d'amiens-nord — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, il nous est proposé, par quatre de nos collègues du groupe socialiste, de mettre en place une commission d'enquête sur le projet de fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord. Je souscris tout à fait à cette initiative.

Goodyear n'est, hélas, qu'un exemple de plus dans le saccage de notre potentiel industriel et des emplois, directs ou indirects, qui lui sont liés. Néanmoins ce dossier-là est emblématique à plus d'un titre. Il l'est par le mode opératoire qu'a choisi la direction, le même que choisissent quasi systématiquement les groupes multinationaux pour aboutir à la liquidation d'un site.

En avril 2013, nous apprenons par la voix du PDG de Goodyear que le groupe, « malgré un environnement économique difficile », selon ses propres termes, continue « à enregistrer une amélioration solide de [ses] bénéfices ». De fait, Goodyear a dégagé un bénéfice net de 26 millions de dollars au premier trimestre, et le bénéfice d'exploitation devrait atteindre, sur l'ensemble de l'année, entre 1,4 et 1,5 milliard de dollars.

Pourtant, depuis cinq ans, Goodyear multiplie les tentatives de fermeture du site d'Amiens-Nord. Motif : la production de pneus tourisme n'est pas compétitive, car les salariés picards sont trop chers et mettent en péril la compétitivité de l'ensemble du groupe. Puis, c'est le secteur agricole qui, lui non plus, ne serait plus rentable.

Ce que nous allons découvrir, c'est que la prétendue « non-rentabilité » est en réalité organisée par Goodyear. Chacun connaît le proverbe : qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. En l'espèce, il suffit de diminuer le volume de travail pour ensuite stigmatiser le manque de compétitivité d'un site. Ce que la direction du groupe a en tête, c'est la délocalisation de la production vers des contrées où la main-d'oeuvre est bon marché.

Déjà, le 29 mai dernier, un huissier de justice relève sur le site d'Amiens la présence de pneus agricoles « made by Titan », ce qui veut dire qu'une partie de la production et de la vente ont déjà été délocalisées vers les unités d'Amérique du Nord et du Sud, notamment à São Paulo.

Je disais, au début de mon propos, que le dossier Goodyear était emblématique. Il l'est aussi par la lutte des salariés d'Amiens-Nord qui, à plusieurs reprises, ont mis en échec les plans sociaux et montré qu'ils n'avaient aucune justification économique. Ainsi, au début de l'année 2009, le groupe a dû retirer son plan de 402 licenciements. En décembre 2010, un second plan de 820 licenciements connaissait un sort identique.

La commission d'enquête aura à éclairer le scénario de reprise par Titan, qui, comme je viens de le dire, avait déjà pris le relais de la production d'Amiens et se retirera en accusant les salariés picards d'en être responsables. Tout cela relève du cynisme le plus absolu et d'une partie de poker menteur !

Le refus d'examiner la reprise de l'activité par une SCOP est une autre illustration des intentions réelles de Goodyear.

Je tiens à faire observer que la méthode Goodyear est celle que pratiquent tous les groupes pour liquider des emplois et fermer des usines en France. Dans un premier temps, on diminue le volume de production du site dont on organise la mort. On se débrouille, autant que faire se peut, pour que la production, diminuée mais encore maintenue, soit de faible valeur ajoutée, à partir de quoi on se fonde sur le ratio du coût de production par salarié pour expliquer à ces derniers qu'ils ne sont pas compétitifs.

Ainsi installe-t-on dans l'entreprise un climat de crainte et de doute sur l'avenir, afin d'obtenir, non seulement que toute velléité de revendication disparaisse, mais que lorsque la nouvelle du plan social tombe, les salariés, ainsi conditionnés, se résignent en se disant : « Cela devait finir comme ça ».

Le plus souvent, il existe une phase intermédiaire : celle au cours de laquelle il est demandé des sacrifices aux salariés pour sauver le site. Ils doivent alors accepter le gel ou le recul des salaires, l'allongement du temps de travail, et renoncer aux RTT ; les intérimaires et précaires sont remerciés, de même que les plus âgés. Dans le même temps, les produits qui ne sont plus fabriqués sur place le sont sur d'autres sites, le plus souvent à l'étranger, là où la main-d'oeuvre est bon marché. Enfin, souvent, le jour où la liquidation est annoncée, la direction se débrouille pour que la nouvelle tombe comme une évidence.

J'ai vécu ce scénario dans ma circonscription, chez Continental à Clairoix. Aujourd'hui, sur les 1 113 salariés jetés à la rue, 482 sont toujours inscrits à Pôle emploi et arrivent en fin de droits.

Et la liste serait longue. En 1999, l'affaire Michelin a ouvert la voie. Cette année-là, la direction annonçait simultanément des bénéfices semestriels en hausse de 20 %, une augmentation des dividendes et la suppression de 75 000 emplois. Dès le lendemain, le cours en bourse de l'entreprise grimpait de 12 %.

En 2009, Total annonçait un bénéfice annuel de 14 milliards d'euros. Près de la moitié de ce gain était destinée à être versée sous forme de dividendes aux actionnaires. Les salariés ne bénéficient que d'une part insignifiante de ce pactole et 555 d'entre eux seront remerciés.

En 2010, les bénéfices d'Alstom s'élevaient à 1,22 milliard d'euros…

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