Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 26 juin 2013 à 9h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Le Gouvernement échoue dans tous les domaines, sauf dans le tripatouillage électoral. En la matière, c'est la première fois qu'il est pris la main dans le pot de confiture par le Conseil constitutionnel qui a jugé que « le rapport du nombre des conseillers de Paris à la population de l'arrondissement », tel que le prévoyait l'article 30 du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral, « s'écarte de la moyenne constatée à Paris dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ». De fait, il s'agissait de diminuer le nombre de conseillers des arrondissements tenus par la droite pour augmenter celui des arrondissements tenus par la gauche.

Plutôt que de présenter son propre texte, le Gouvernement a utilisé la facilité qui consiste à passer par une proposition de loi du président de la commission des Lois. En tout état de cause, la majorité ne s'attendait sans doute pas à devoir réactualiser l'actuel tableau des conseillers de Paris.

Bien sûr, depuis 1982, Paris a connu des évolutions démographiques, et politiques. Les électeurs, par exemple, ne perçoivent plus les mairies d'arrondissement de la même façon qu'au moment de leur création. Reste que l'on se demande pourquoi les évolutions démographiques n'ont été prises en compte qu'une seule fois à Marseille, en 1987, et jamais à Lyon. Nous sommes logiquement amenés à penser que cette proposition de loi n'est motivée que par votre crainte de perdre la mairie de Paris, d'autant que vous n'avez sans doute pas choisi la meilleure candidate pour conduire vos listes…

La commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution aurait pu être consultée, bien qu'elle soit d'abord compétente pour l'élection des députés et des sénateurs : nous y aurions gagné en objectivité. Surtout, la nouvelle répartition conduira, si l'on se réfère à la situation politique actuelle, à l'attribution automatique de trois à cinq sièges supplémentaires pour la gauche, petit matelas opportun au vu de résultats qui s'annoncent serrés. La manoeuvre est au demeurant la même que pour les élections sénatoriales et le futur redécoupage des circonscriptions des députés.

La nouvelle répartition est de surcroît promise à l'obsolescence. S'il est regrettable qu'aucune modification ne soit intervenue entre 1982 et 2013, il n'est pas moins regrettable que celle qui nous est proposée ne tienne aucun compte de projets d'urbanisme en cours comme celui de la zone d'aménagement concerté (ZAC) des Batignolles, où sont attendus 12 000 nouveaux habitants – soit presque l'équivalent d'un siège de conseiller – alors même que la population du 17e arrondissement est stable depuis trente ans, ou celui du site de l'ancien hôpital Laennec dans le 7e arrondissement.

La proposition de loi, enfin, aurait pu clarifier l'élection du maire de Paris. L'article L. 261 du code électoral dispose que « la commune forme une circonscription électorale unique » : seuls les membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille sont, par dérogation, élus par secteur. On pourrait dire, en caricaturant un peu, que le maire de Paris actuel n'a été élu que par 3 % des Parisiens, c'est-à-dire par 35 861 électeurs du 18e arrondissement. Dans cet arrondissement comme dans d'autres, pourtant, beaucoup d'électeurs auraient pourtant aimé voter directement pour Bertrand Delanoë, comme ils voudront voter pour Nathalie Kosciusko-Morizet. Le système actuel modifie le sens du résultat final – mais c'est évidemment ce que vous souhaitez. Quoi qu'il en soit, un système électoral identique à celui des autres communes françaises serait plus clair et plus logique. Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes défavorables à la proposition de loi.

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