Intervention de Bernard Debré

Réunion du 26 juin 2013 à 9h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Debré :

Très ancien, le système électoral parisien se caractérise par son extrême complexité. Au moment de la réélection de Bertrand Delanoë, les Parisiens interrogés affirmaient voter pour lui ; pourtant, on n'élit pas le maire de Paris en votant dans un arrondissement, et cette ambiguïté antidémocratique demeurera aux prochaines élections municipales. Non seulement les électeurs ne savent pas pour qui ils votent, mais ils se trompent également en pensant que les maires d'arrondissement détiennent tous les pouvoirs. On leurre donc les électeurs en les empêchant de voter pour la candidate à la mairie de Paris, et en leur faisant élire des maires d'arrondissement sans réel pouvoir.

Notre amendement reprend une proposition de loi que j'avais déposée en août 2007 ; à cette époque, en l'absence de raison constitutionnelle de modifier le mode de scrutin à Paris, elle n'a pas été retenue. Avec la loi du 17 avril 2013, le Parti socialiste a souhaité changer le nombre de conseillers de Paris, mais cette tentative grossière – on retirait des conseillers de Paris dans trois arrondissements de droite pour les transférer vers trois arrondissements de gauche – a heureusement été censurée par le Conseil constitutionnel. Les dispositions antérieures ayant elles aussi été déclarées contraires à la Constitution, Paris se retrouve face à un vide législatif.

Après avoir envisagé de fusionner les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements – ce qui aurait bouleversé la ville –, vous avez finalement opté pour une mesure qui ne tient pas compte des futures évolutions démographiques des différents arrondissements. Comme l'a souligné Philippe Goujon, le 17e arrondissement comptera, dans les semaines et les mois à venir, au moins 12 000 électeurs supplémentaires ; et les autres arrondissements connaîtront également des modifications. En lieu et place d'une loi pérenne, capable de durer vingt ou trente ans, vous ne proposez donc qu'une mesure conjoncturelle qui favorise à nouveau la gauche. Nous avons peut-être agi de même lorsque nous étions au pouvoir, et vous l'aviez alors dénoncé avec force ; permettez-moi donc de dénoncer à mon tour votre attitude qui tranche avec les principes de morale et de transparence dont vous vous réclamez.

En 2008, Bertrand Delanoë a été élu par 35 861 électeurs du 18e arrondissement ; seuls 3 % de Parisiens ont donc directement voté pour une liste sur laquelle figurait son nom. Plus choquant encore : Bertrand Delanoë a remporté sa première élection tout en étant minoritaire en voix. Peut-on dès lors encore parler de démocratie ?

Il ne faudrait pas, dites-vous, changer les règles à un an de l'élection ; c'est pourtant ce que vous faites. Nous voulons, affirmez-vous, modifier la répartition des conseillers de Paris ; mais c'est le Conseil constitutionnel qui vous y oblige. En revanche, contrairement à ce que j'ai entendu dire, nous ne voulons pas supprimer les mairies d'arrondissement.

Les mesures que nous proposons cherchent à rendre la législation plus claire et plus démocratique : Paris doit devenir une commune, afin que le maire de Paris et son équipe de 163 conseillers – représentant peu ou prou les arrondissements – soient élus au suffrage direct. Les Parisiens pourront alors enfin voter pour leur maire, choisissant entre Nathalie Kosciusko-Morizet et Anne Hidalgo. Prétendre que ce mode de scrutin ne serait pas démocratique, c'est douter du caractère démocratique du suffrage universel. Une autre élection permettra d'élire les maires d'arrondissement et leurs équipes, dont les membres pourront d'ailleurs également appartenir à l'équipe du maire de Paris.

Votre proposition de loi contient une coquille révélatrice. L'exposé des motifs de l'article 2 évoque en effet « deux conseillers d'arrondissement » alors qu'il s'agit en fait de deux conseillers de Paris. Cela montre bien le caractère confus et antidémocratique du dispositif.

Notre amendement n'a aucun caractère partisan. Il pourrait en effet se révéler favorable à Nathalie Kosciusko-Morizet comme à Anne Hidalgo, puisque personne ne peut aujourd'hui prévoir le résultat d'un vote direct des Parisiens et des Parisiennes. Il représente simplement une avancée démocratique dont on peine à comprendre en quoi elle vous gêne.

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