Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 2 juillet 2013 à 21h30
Débat d'orientation des finances publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, que peuvent espérer les Français pour l'année 2014 ?

Les hypothèses de croissance du Gouvernement sont tout à fait irréalistes. Pour l'année 2012, la croissance a été nulle, alors que vous prévoyiez qu'elle serait de 0,3 %. Pour 2013, vous avez imaginé une croissance de 1,2 %, puis de 0,8 %, puis de 0,1 %. Malgré ces ajustements, vous persistez en surestimant volontairement les prévisions de croissance, puisque le consensus s'établit entre -0,1 et -0,2 %. Pour 2014, cela continue : vous aviez tablé sur 2 %, avant de revenir à 1,2 %, alors que tous s'accordent sur 0,7 %. Vous n'êtes pas en phase avec la réalité.

Le Haut conseil des finances publiques le souligne d'ailleurs dans son avis : « un léger recul du PIB en 2013 et une croissance sensiblement inférieure à 1,2 % en 2014 ne peuvent pas être exclus ». Que cela est joliment dit ! Vous commettez la même erreur que vos prédécesseurs qui, depuis plus de quinze ans, ont presque toujours surestimé les taux de croissance, parfois même d'un point !

En outre, vous prévoyez 2 % de croissance chaque année à partir de 2015, alors que selon le HCFP, la prévision d'une croissance effective de 2 % dès l'année 2015 paraît incertaine. En effet, la Commission européenne, comme beaucoup d'économistes, évalue la croissance potentielle de la France autour de 1 %. Comment l'économie française pourrait-elle brutalement passer de 1 % à 2 % de croissance potentielle, en l'absence de tout facteur structurel explicatif ? Je n'aurai pas la cruauté de rappeler ce que disaient certains augures du parti socialiste sur le taux de croissance.

La France est dans une situation économique très difficile car votre politique a affaibli les mécanismes mêmes de la croissance – c'est, je pense, la principale critique que l'on peut lui adresser.

En taxant à outrance les ménages et les entreprises, à hauteur de 28 milliards d'euros en 2013, vous avez découragé le travail, le risque et l'investissement, et pénalisé le rendement du capital.

Vous expliquez que la majorité précédente a augmenté de 35 milliards en cinq ans les prélèvements obligatoires. C'est exact, monsieur le ministre, mais vous les avez augmentés de 28 milliards en une année et demie ! Ne vous étonnez donc pas des conséquences dramatiques d'une telle hausse sur l'activité économique. D'ailleurs, le rendement réel des obligations net de prélèvements est à présent proche de zéro, et on est mieux traité lorsque l'on dépose son argent à vue. Mais ce n'est pas le Livret A qui relancera l'économie française !

Vous avez aggravé la perte de rentabilité de nos entreprises, dont le taux de marges était déjà l'un des plus faibles d'Europe. Comment penser qu'elles investiront plus en France ?

De surcroît, le taux de prélèvements obligatoires s'est élevé à 45 % en 2012, battant le record de 1999. Toujours en hausse, il atteindra 46,3 %, voire 46,4 % en 2013. Dans le programme de stabilité, le Gouvernement indique qu'il continuera d'augmenter en 2014 pour atteindre 46,5 %, alors même que Didier Migaud a estimé qu'il serait contreproductif d'augmenter encore sensiblement ce niveau.

La France est devenue médaille d'argent des prélèvements obligatoires en 2012, dépassant la Suède. Elle talonne désormais le Danemark. Au rythme actuel, nous devrions remporter la médaille d'or en 2014, au plus tard en 2015. Elle vous sera décernée, messieurs les ministres.

Tout cela n'est pas sérieux, et constitue un nouveau reniement du Gouvernement qui avait pourtant promis que les impôts n'augmenteraient pas après 2013. Le Président de la République a d'ailleurs maintenu cet engagement hier matin, en promettant de ne pas « alourdir la pression fiscale des Français ». Comment croire une telle promesse alors même que la Cour des comptes et le rapporteur général du budget chiffrent les nouveaux impôts entre 12 et 14 milliards pour l'année 2014 ?

Bien loin de la stabilité fiscale, les hausses d'impôts seront légion en 2014. Nous avons été prévenus de la hausse de TVA de 6 milliards au 1er janvier 2014, et des 6,6 milliards qui seront nécessaires pour arriver au niveau des mesures one shot prises en 2013, que je vous rappelle : disparition de la « petite rétroactivité » prévue par plusieurs mesures comme la niche Copé, la déductibilité des charges financières et la limitation de l'imputation des déficits antérieurs ; disparition de mesures de trésorerie temporaires – prélèvement sur les entreprises d'assurance et élargissement du cinquième acompte ; acompte sur l'impôt sur le revenu pour l'imposition des intérêts et dividendes. Tout cela n'était valable que pour 2013, et il faudra retrouver ces presque 7 milliards sous la forme d'autres impôts pour 2014. Nous vous avions prévenus !

Le Gouvernement a également annoncé de nouvelles recettes fiscales, parmi lesquelles 2 à 3 milliards provenant de la lutte contre la fraude fiscale – cela ne mange pas de pain, mais encore faut-il les réaliser – 2 milliards provenant de la réduction des niches fiscales, une taxe européenne sur les transactions financières – mais qui produit beaucoup moins qu'annoncé – ainsi que la nouvelle taxe de 75 % sur les hauts revenus qui, par parenthèse, fait que certaines grandes entreprises françaises envisagent de délocaliser leur siège et leurs cadres supérieurs : ce serait une performance ! Encore faut-il que cette taxe soit déclarée constitutionnelle, et vous aurez du mal à expliquer pourquoi l'on taxe certains hauts revenus sans taxer les revenus du capital à due concurrence. Quoi qu'il en soit, j'espère qu'une nouvelle fois le Conseil constitutionnel invalidera votre mesure.

N'oublions pas non plus le nouvel abaissement du quotient familial, cher à notre rapporteur général, ainsi que la série de mesures qui affectera la politique familiale, à hauteur de 1,2 milliard d'euros.

Enfin, le rapporteur général lui-même a suggéré dans son rapport des pistes supplémentaires d'imposition, telles que la taxation de l'assurance-vie, l'augmentation des taux de TVA votés l'an dernier ou la fiscalité écologique. Il serait d'ailleurs intéressant, messieurs les ministres, que vous nous précisiez vos intentions en la matière, ainsi que vos positions par rapport aux suggestions du rapporteur général.

Dans le même temps, le Gouvernement ne fait pas preuve de suffisamment de rigueur en ce qui concerne les réductions de dépenses. Sur les 10 milliards promis l'an dernier, 7 milliards à peine ont été réalisés selon la Cour des comptes, et cela en partie grâce à des mesures prises par la précédente majorité.

En effet, la Cour des comptes constate qu'une partie des économies en 2013 « repose sur l'effet des mesures prises sous la législature précédente dans le cadre de la RGPP, en particulier des réductions d'effectifs opérées en 2012. Les mesures nouvelles, identifiables dans la loi de finances pour 2013, n'expliquent que partiellement les autres économies de dépenses. » En d'autres termes, en 2013, petit braquet en matière de dépenses !

Pour 2014, vous parlez d'une révolution historique et d'une réduction de 100 millions de la dépense brute de l'État. Mais dois-je vous rappeler que les dépenses brutes de l'État s'élèvent à 385 milliards ? 100 millions, ce n'est rien ! D'autant que, selon la Cour des comptes, le dérapage budgétaire devrait se situer dans une fourchette de 2 à 6 milliards selon que l'on est optimiste ou pessimiste.

Aux dires du rapporteur général, la dépense publique continue d'augmenter en volume plus rapidement que la croissance. En 2012, l'ensemble des dépenses publiques – État, sécurité sociale et collectivités territoriales – ont progressé en volume de 0,9 %, tandis que la croissance était nulle ; en 2013, elles progressent dans les mêmes proportions – entre 0,9 et 1 % – avec une croissance légèrement négative – -0,1 ou -0,2 % selon les dernières prévisions. Je rappelle qu'entre 2002 et 2006, le différentiel entre la croissance de la dépense en volume et la croissance de la richesse nationale était de l'ordre de 0,6 point, ce qui veut dire que vous êtes 60 % au-dessus de ce qui se faisait juste avant la crise…

Nous voyons bien que le différentiel entre l'augmentation en volume des dépenses publiques et l'augmentation en volume de la richesse nationale ne se réduit pas. On constate une augmentation continue du poids de la dépense publique dans la richesse nationale : 56,6 % en 2012, 57 % en 2013, pour une croissance nulle ou négative. Pour 2014, le rapporteur général prévoit une augmentation de la dépense en volume de 0,4 % pour une croissance en volume de 0,7 % de la richesse nationale, soit en fait une baisse extrêmement faible.

En outre, nous vous avions indiqué, lors du débat sur le projet de loi de finances initiale pour 2013, que vous ne pourriez pas tenir la masse salariale sans baisser les effectifs, et ce même en gelant le point d'indice – ce que vous avez fait après avoir dénoncé la manière d'agir de la précédente majorité… Nous vous félicitons donc de ne pas avoir tenu la promesse faite à vos électeurs sur la stabilisation des effectifs.

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