Intervention de Gérard Bapt

Séance en hémicycle du 2 juillet 2013 à 21h30
Débat d'orientation des finances publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après la présentation, en avril dernier, du programme de stabilité pour 2013-2017, la tenue, aujourd'hui, de ce débat d'orientation des finances publiques illustre l'approche de plus en plus globale de nos finances publiques, qui incluent les dépenses de l'État, mais aussi celles des collectivités territoriales et de la sécurité sociale.

Néanmoins, les finances sociales occupent une place à part dans la mesure où les dépenses résultent essentiellement de prestations légales et où les partenaires sociaux jouent un rôle important dans la gestion des régimes.

Le 6 juin dernier, la présentation de la Commission des comptes de la sécurité sociale a montré que les mesures votées en 2012 ont permis un redressement important des finances sociales au cours de cette même année, mais que l'augmentation du chômage en 2013 contrarie cette trajectoire en affectant les recettes de la sécurité sociale.

Le rapport préparatoire à notre débat, transmis par le Gouvernement, révise l'objectif de solde structurel pour fin 2013 à moins 2 % du PIB, compte tenu de la conjoncture économique, dans la ligne, néanmoins, du programme de stabilité. Malgré tout, il s'agit d'un niveau jamais atteint depuis l'année 2000. Rappelons que la Cour des comptes avait estimé le déficit structurel pour 2011 à 3,9 % : un effort de 1,9 point du PIB a donc été réalisé.

Pour 2014, le Gouvernement prévoit la poursuite de l'effort structurel, à un rythme moins rapide – un point de PIB –, mais porté à 70 % par des économies sur les dépenses. Les administrations de sécurité sociale doivent participer à cet effort structurel à hauteur de 5 milliards d'euros en 2014.

Grâce à d'importants efforts structurels en recettes et en dépenses, les comptes sociaux ont été sensiblement redressés en 2012.

Faut-il rappeler que notre majorité avait alors hérité d'une situation des comptes sociaux très dégradée ? C'est grâce aux mesures prises à l'été 2012, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, que l'exécution des comptes 2012 a finalement été conforme aux objectifs de la loi de financement qui avait été votée sur des hypothèses trop optimistes par la majorité précédente.

Les dépenses de santé ont été bien maîtrisées en 2012, avec une sous-exécution de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie de 860 millions d'euros.

Mais en 2013 l'atonie de la masse salariale freine le redressement des comptes. Malgré cela, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse à la fin de 2013 devrait tout de même se stabiliser quasiment au même niveau qu'en 2012, à 13,3 milliards d'euros ; rappelons qu'il aurait atteint 26 milliards d'euros si aucune mesure de redressement n'avait été prise en 2012.

Du fait de la révision des perspectives de croissance, les recettes seraient inférieures de 3,4 milliards d'euros aux prévisions initiales.

Mais la révision du taux d'inflation prévisionnel de 1,75 % à 1,2 % aurait, elle, un effet positif côté dépenses : la moindre revalorisation de certaines prestations indexées au niveau de l'inflation. En outre, les dépenses d'assurance maladie bénéficient par répercussion de la sous-consommation de 2012.

Au total, les dépenses pourraient être inférieures d'1 milliard d'euros en 2013, et peut-être même davantage d'après le rapport de la Cour des comptes publié le lendemain de la présentation de mon rapport en commission.

J'en viens aux perspectives pour l'année 2014. Même si la courbe devait s'inverser, ce que je souhaite, le niveau des recettes prévu dans la programmation pluriannuelle ne pourra pas être rattrapé tout de suite. C'est pourquoi les perspectives ont été revues dans le programme de stabilité présenté en avril dernier. Ainsi, l'objectif de déficit des administrations de sécurité sociale au sens européen du terme – il inclut les dépenses d'assurance chômage, la CADES et le fonds de réserve des retraites – est maintenant de 0,5 % du PIB.

Parallèlement, le report à 2015 de la date à laquelle la France devra présenter un déficit public effectif inférieur à 3 %, autorisé par la Commission européenne, nous permettra de ne pas prendre de mesures susceptibles d'empêcher la reprise économique. En revanche, il n'autorise aucun relâchement de l'effort structurel de réduction du déficit, effort qui doit être mené avec un souci constant de justice, afin de préserver notre modèle social, et qui doit concerner principalement les dépenses.

L'ensemble des prestations sociales devrait être ramené à un taux de croissance de 2,4 % entre 2014 et 2017, pour des mesures d'économies de l'ordre de 5 milliards d'euros. C'est un effort important, mais une partie des réformes est déjà engagée.

Pour la branche famille, la réforme du quotient familial, le gel et la modulation de l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant et la suppression de la majoration du complément de libre choix d'activité doivent permettre de réaliser des économies de plus de 1,2 milliard d'euros en 2014, et ce en tenant compte du financement d'une partie du plan pluriannuel contre la pauvreté. On pourrait aller plus loin, monsieur le ministre du budget, en travaillant sur la modulation des barèmes dans le but de renforcer la dimension redistributive de la politique familiale ; je pense notamment au complément de libre choix du mode de garde. Enfin, la Caisse nationale des allocations familiales a encore des progrès à faire du côté de la gestion de ses systèmes d'information : le recours à des appels d'offre ouverts et impartiaux devrait permettre de dégager des économies substantielles.

En ce qui concerne les retraites, une économie d'environ 1 milliard d'euros est d'ores et déjà assurée pour 2014 par l'accord signé par les partenaires sociaux en mars 2013 sur les retraites complémentaires AGIRC et ARRCO, qui prévoit une sous-indexation des pensions pendant trois ans ainsi qu'une augmentation des taux de cotisations. Par ailleurs, la réforme en cours de discussion avec les partenaires sociaux doit permettre de ramener les régimes de retraite à l'équilibre en 2020, ce que la loi de 2010 n'a pas assuré. Un effort de 7 milliards d'euros sera nécessaire.

Concernant la branche maladie, la croissance de l'ONDAM devrait être ramenée à 2,6 % en 2014 – elle était de 2,7 % en 2013 – et même à 2,4 % compte tenu de l'effort de 300 millions d'euros mentionné par le Gouvernement dans son rapport préparatoire à notre débat pour tenir compte de l'impact favorable du crédit d'impôt compétitivité emploi sur le coût des soins, en demandant un effort sur leurs tarifs aux cliniques et aux établissements privés qui en bénéficieront. Un effort de 0,3 point d'ONDAM représente 500 millions d'euros par rapport à 2013, mais environ 3 milliards d'euros par rapport à la tendance naturelle de l'augmentation des dépenses de santé.

La sous-exécution de l'ONDAM en 2012 et, vraisemblablement, en 2013 montre que cette maîtrise des dépenses de santé est possible. Quelques pistes d'économies pourraient néanmoins être explorées.

Il y a encore des progrès à faire en matière de lutte contre les actes et prescriptions inutiles, contre les hospitalisations injustifiées, et en matière d'efficience hospitalière.

Même si les dépenses de soins de ville sont mieux maîtrisées que celles de l'hôpital, je ne crois pas qu'il faille faire peser les efforts uniquement sur le secteur hospitalier ; il faut plutôt réinvestir dans l'organisation de l'offre de soins, notamment dans les zones de faible densité.

En ce qui concerne l'hôpital, la « stratégie nationale de santé » vise à structurer le système de santé autour de la notion de parcours de soins, en donnant sa juste place à l'hôpital. Cela devrait permettre de réaliser des économies grâce à une meilleure gestion des lits entre hôpital, soins de suite, hospitalisation à domicile et établissements médico-sociaux. L'amélioration de la gestion des lits passe aussi par une rationalisation et une harmonisation des systèmes d'information hospitaliers, ainsi que par l'extension à l'ensemble des établissements des innovations dans le domaine de la e-santé telles que les logiciels « Trajectoire », qui concerne la gestion des transferts entre le secteur hospitalier et le secteur de soins de suite et de réadaptation, ou « PTAH », qui concerne la logistique hospitalière.

Une meilleure organisation des urgences, grâce à la mise en place des maisons de garde et à l'amélioration de la permanence des soins, permettrait de réaliser des économies substantielles sur des structures très coûteuses.

En matière de médicament, il faut travailler sur les règles de fixation du prix du princeps : lorsqu'il existe un générique, ce prix doit être proche de celui du générique ; pour les nouvelles molécules, il doit être fixé en fonction non pas du service médical rendu mais de l'amélioration de ce service par rapport à l'existant. Il faut appliquer le même principe de convergence des prix dans chacune des classes thérapeutiques, en commençant par les antihypertenseurs et les statines.

Côté recettes, je rappelle que la contribution de 0,3 % sur les pensions imposables créée dans la loi de financement pour 2013, et affectée exceptionnellement cette année au fonds de solidarité vieillesse, devra être affectée en 2014 à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

En matière de niches sociales, je souhaite que soit revue la situation des travailleurs frontaliers à l'occasion de l'arrivée à échéance de la convention franco-suisse en 2013. J'attends avec attention le rapport de la mission conjointe de l'IGAS et de l'IGF sur ce sujet. J'attends également le rapport de l'IGAS concernant la complémentaire santé et les niches sociales qui sont consacrées aux seuls contrats collectifs.

En matière de taxes comportementales, l'action sur l'alcool et le tabac doit être poursuivie, dans l'esprit du rapport du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale et des travaux du professeur Reynaud.

Enfin, un chantier d'une autre ampleur doit être ouvert : celui de la simplification des recettes de la sécurité sociale, préconisé par le même Haut Conseil. Si la clarification du financement n'est pas de nature à apporter de nouvelles recettes, elle permet néanmoins de rendre les prélèvements plus facilement acceptables par les assurés, car plus de lisibilité c'est aussi plus d'acceptabilité.

Je terminerai par la question de la dette. Comme cela avait été prévu par la réforme des retraites de 2010, les déficits de la branche vieillesse sont repris chaque année jusqu'en 2018 par la Caisse d'amortissement de la dette sociale. En revanche, rien n'est prévu pour les autres branches, dont les déficits dits « de trésorerie » s'accumulent. Faut-il que ceux-ci soient repris également par la CADES ? Dans ce cas, est-il préférable d'augmenter les recettes de la CADES ou d'allonger sa durée de vie ? Faut-il plutôt envisager que les déficits soient repris par l'État ? Voilà des questions auxquelles il nous faudra trouver une réponse.

Quoi qu'il en soit, la question du poids de la dette risque de se reposer plus rapidement que nous ne l'avions prévu en raison du changement de cap de la Réserve fédérale américaine et de son effet sur les taux d'intérêt.

Pour conclure, la maîtrise des déficits relève plus que jamais du salut public, tant pour notre système de protection sociale que pour notre souveraineté nationale. Si la commission des affaires sociales peut s'accorder unanimement sur cet objectif, les moyens pour le réaliser seront l'objet des débats à venir, notamment à l'occasion de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Le groupe SRC sera pour sa part fidèle au rendez-vous, messieurs les ministres.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion