Intervention de Jean-François Lamour

Séance en hémicycle du 2 juillet 2013 à 21h30
Débat d'orientation des finances publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Lamour :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un collectif et une loi de finances initiale qui ont obéré nos dernières marges de manoeuvre, la majorité socialiste est désormais seule comptable de ses choix devant les Français. L'héritage, dont vous nous rebattez les oreilles, cela ne compte plus aujourd'hui. Vous êtes responsables des mesures que vous avez prises, et notre devoir d'opposants est de pointer les insuffisances de votre politique budgétaire.

Ce que nous mettons en cause, c'est votre stratégie, ce sont des promesses faites en vue d'une élection qu'il vous fallait gagner, quel qu'en soit le prix. Aujourd'hui, ce sont nos finances publiques qui dérapent et les Français qui trinquent.

La Cour des comptes vient de confirmer ce qu'avait annoncé le président Gilles Carrez dans une conférence de presse. J'ai bien compris, monsieur le ministre, qu'elle vous avait fait beaucoup de mal, mais c'était la vérité, et le Premier ministre l'a finalement reconnu quelques heures plus tard, alors que vous aviez traité M. Carrez de menteur.

Le rapporteur général lui-même, M. Eckert, qui semble avoir pris ses distances par rapport aux prévisions du Gouvernement, table sur un déficit à 3,5 % du PIB pour 2014 au lieu de 2,9 %, c'est-à-dire 12 milliards de plus, qu'il nous faudra effacer lors des prochains exercices.

Il y a un an, en arrivant au pouvoir, cette majorité a commis deux séries d'erreurs.

Avec pudeur, on pourrait qualifier les premières de méthodologiques, ce qui ne veut certainement pas dire anecdotiques. Je veux parler d'hypothèses de croissance systématiquement optimistes, d'estimations imprudentes sur les recettes ou encore d'incertitudes savamment entretenues sur le périmètre des dépenses de l'État.

La seconde série d'erreurs est plus fondamentale, puisqu'elles ont trait au coeur des politiques publiques : une répartition déséquilibrée de l'effort de réduction des déficits, qui privilégie les augmentations d'impôts par rapport aux économies, mais aussi l'arrêt de la politique de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux et, surtout, des dépenses nouvelles à l'efficacité discutable.

Ces dépenses nouvelles, ce sont celles-là même dont la gauche candidate avait fait son slogan : les 150 000 emplois d'avenir et les 60 000 fonctionnaires dans l'éducation nationale, pour n'en citer que deux parmi beaucoup d'autres.

En loi de finances initiale pour 2014, le Gouvernement engagera ainsi 700 millions d'euros pour les 110 000 nouveaux contrats aidés censés régler le problème du chômage des jeunes, mais dont le Conseil d'analyse économique vient justement de recommander la réorientation vers le secteur marchand.

Le Gouvernement devra également budgéter près de 9 000 emplois supplémentaires dans l'éducation nationale. Je vous renvoie sur ce point aux travaux de la Cour des comptes, qui souligne dans un récent rapport que, contrairement à ce que disait notre rapporteur, le problème de l'éducation nationale n'est pas le nombre d'enseignants ou l'insuffisance de moyens. En d'autres termes, l'efficacité et l'opportunité de ces dépenses sont clairement sujettes à caution.

En fait, monsieur le ministre, l'action publique dont vous avez la responsabilité est victime d'une gestion totalement hasardeuse des priorités. J'en prendrai deux exemples, parmi les seize missions qui verront leurs crédits passer à la moulinette.

C'est notamment le cas de la mission « Culture », qui a vu son budget diminuer de plus de 2 % entre 2012 et 2013, qui a supporté un surgel de 67 millions d'euros et qui devra en 2014 subir un nouveau coup de rabot d'au moins 3 %. Le programme « Patrimoines », dont je suis le rapporteur pour la commission des finances, est clairement sacrifié, puisqu'il supporte à lui seul l'essentiel de l'effort. Or chaque fois, dans nos musées, ce sont des travaux reportés, des emplois en moins et, en fin de compte, des expositions supprimées ou des salles fermées. Chaque fois, c'est un coup porté au rayonnement culturel de la France, mais aussi et peut-être surtout à l'industrie du tourisme, élément essentiel de notre balance commerciale.

Plus inquiétante encore est l'évolution du budget de la défense. Par une ruse de Sioux, qui consistait à faire craindre une véritable apocalypse budgétaire – souvenez-vous du « Charles de Gaulle », mis sous cocon ou vendu au Brésil –, le Président de la République a cru faire accepter plus volontiers la diminution de nos capacités. Puis, le 28 mars dernier, il annonçait que l'effort de la nation pour ses armées serait le même en 2014 qu'en 2013, ce en totale contradiction avec le rapport préalable à notre débat, qui fait état d'une diminution de 1,76 % du budget de la défense, sans parler des ressources exceptionnelles mentionnées dans le rapport de M. Eckert, page 37, comme devant combler le delta. Mais nous n'avons aucune information sur ces ressources. S'agit-il de la vente de fréquences hertziennes, de la vente d'emprises immobilières, de la cession de participations dans de grands groupes ?

Sur ce point pourtant essentiel à l'équilibre budgétaire du ministère de la défense, nous n'avons pas le commencement d'une information, ce qui augure mal de l'efficacité de la mesure. On peut enfin s'étonner que l'idée de réserver à ce budget particulier un régime particulier au regard des critères de stabilité n'ait même pas été défendue par le gouvernement français lorsque la Commission européenne se penchait sur les délais accordés à la France pour revenir sous la barre des 3 %.

Ces différents constats m'amènent à la conclusion que vos priorités politiques, mesdames et messieurs de la majorité, ne sont pas les priorités de la France, et vous pouvez compter sur nous pour vous le rappeler lors de nos futurs débats.

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