Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du 3 juillet 2013 à 21h30
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur -interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au parlement européen — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée débute aujourd'hui l'examen de deux projets de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec un mandat de parlementaire national ou européen.

Notre majorité honorera ainsi l'engagement de campagne n° 48 du chef de l'État. Le cumul est une spécificité française, qui concerne aussi bien les parlementaires que les élus locaux, et qui résiste malheureusement aux alternances politiques. Pourtant, je considère qu'il s'agit là d'une tradition néfaste qu'il nous faut enfin corriger.

Ainsi, nous allons abolir une pratique quasiment aussi vieille que notre République et permettre le renforcement du rôle du Parlement, avec des députés et des sénateurs exclusivement consacrés à leur mandat ainsi qu'à leur mission législative et de contrôle.

Cette réforme marque une nouvelle étape dans la revalorisation du Parlement. En 2008, nos collègues de l'opposition avaient souhaité modifier la Constitution. Ils voulaient notamment moderniser les institutions, en particulier renforcer les pouvoirs du Parlement, en accord avec les recommandations du Comité pour la modernisation des institutions de la Ve République, comité présidé par M. Balladur, et ils avaient raison !

Ce comité affirmait que « le renforcement du Parlement par le biais d'attributions nouvelles et de méthodes de travail mieux adaptées aux exigences de la démocratie n'a de sens que si les membres du Parlement sont mis en mesure d'exercer pleinement la mission que le peuple leur a confiée. ». Il ajoutait : « dans ces conditions, il est apparu au comité qu'afin de donner aux parlementaires la possibilité d'exercer la plénitude des fonctions que leur mandat leur confère, l'on devait s'acheminer vers l'interdiction du cumul des mandats et des fonctions ». M. Sarkozy, pourtant si proche de M. Balladur, comme sa majorité UMP, ont bien vite envoyé aux oubliettes cette proposition…

Pour justifier votre opposition à cette réforme, mesdames et messieurs de l'opposition, vous invoquez régulièrement l'argument selon lequel le cumul des mandats est le garant d'une articulation entre l'échelon local et le niveau national, qui permet aux parlementaires de connaître la réalité du terrain.

Cette justification n'est qu'un artifice, un rideau de fumée, d'autant qu'aujourd'hui, les moyens modernes de communication permettent de répercuter instantanément l'information à tous les citoyens, y compris aux parlementaires.

De plus, nous avons tous une permanence locale, où nous recevons nos concitoyens pour parler de leur situation et de leur vie quotidienne. Nous rencontrons des dizaines d'élus locaux chaque semaine lors de nos déplacements en circonscription. Disons les choses, arrêtons l'hypocrisie : aujourd'hui, beaucoup de ceux qui cumulent le font pour asseoir leur pouvoir, pour ancrer leur domination, pour ne pas laisser émerger de nouvelles têtes.

Dégagés d'autres responsabilités, les parlementaires auront plus de temps à consacrer à ces échanges avec leurs administrés. Ils seront aussi plus disponibles pour rencontrer les élus locaux et partager leurs expériences, entendre leurs difficultés. Ces enseignements seront plus riches que ceux qu'ils tirent de l'exercice de leur propre mandat local.

Quand nous aurons des parlementaires qui ne seront plus en situation de cumul, ce seront des parlementaires qui exerceront pleinement leur fonction législative et de contrôle, qui s'investiront davantage, qui maîtriseront davantage leurs dossiers, qui seront donc plus performants pour les défendre et moins soumis aux hauts fonctionnaires ou au Gouvernement.

Ainsi, l'adoption de ces projets de loi va permettre un rééquilibrage entre les pouvoirs, au détriment – et c'est plutôt rare sous la Ve République – de l'exécutif, en particulier du Gouvernement. C'est, à n'en pas douter, une excellente nouvelle.

Grâce à cette mesure, nous allons aussi rattraper notre retard sur les démocraties qui nous entourent. Notre pays reste l'un des derniers États européens à accepter cette pratique du cumul des mandats. Dans les autres démocraties européennes, le cumul n'existe quasiment pas, en voici deux exemples :

Au Portugal, le cumul entre mandat de député et fonction de maire ou de vice-président d'un exécutif municipal est interdit, quelle que soit la taille de la commune.

En Grande-Bretagne, si aucune incompatibilité n'existe entre le mandat parlementaire et les fonctions de maire élu ou de conseiller de comté, de district ou de paroisse, la coutume interdit cette pratique, et seulement 3 % des membres de la Chambre des Communes cumulent avec un mandat local.

La France va donc suivre le chemin tracé par nos voisins. Je crois que le Gouvernement et la majorité s'honorent en respectant cette promesse de campagne. Cette mesure du non-cumul, largement souhaitée par nos concitoyens, contribue à répondre à la crise de confiance.

Je suis venue à la politique sous l'impulsion de Pierre-Joël Bonté, président du conseil régional d'Auvergne, trop tôt disparu. C'était un ardent partisan du non-cumul des mandats, qui se l'est toujours appliqué à lui-même. Je terminerai donc cette intervention en le citant : « On ne peut pas mener correctement de front deux mandats importants. Ou alors on triche : on ne va pas au fond des dossiers, on fait surtout de la représentation. Le cumul, c'est la facilité pour soi et la médiocrité pour les électeurs. »

Mes chers collègues, offrons le meilleur à nos électeurs : un parlementaire à temps plein !

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