Intervention de André érick Eugénie

Réunion du 26 juin 2013 à 16h15
Délégation aux outre-mer

André érick Eugénie, trésorier de Canne-Union, Association des planteurs de canne à sucre de la Martinique et rapporteur-animateur de la commission de relance de la filière canne-sucre-rhum de la Martinique :

La Martinique n'exporte plus de sucre. Sur les 182 usines qui existaient au début du siècle, une seule subsiste. Datant du début du XIXe siècle, elle a été modernisée grâce à des fonds publics et produit aujourd'hui 3 000 tonnes de sucre, alors que les besoins de la population – toutes consommations confondues – sont d'environ 6 000 tonnes.

La culture de la canne, la deuxième à la Martinique après la banane, occupe 3 900 hectares, dont 40 % de la production sont livrés à l'usine du Galion – qui achète la totalité des cannes dont elle a besoin aux planteurs – et 60 % sont destinés à la distillerie pour la fabrication du rhum AOC.

La canne représente 3 900 emplois directs et indirects à la Martinique et la filière joue un rôle important dans l'économie de l'île. Une étude réalisée par les professionnels montre qu'en 2012, la canne a reçu 9 millions de subventions mais qu'elle a rapporté à l'économie martiniquaise et nationale autour de 120 millions d'euros.

Cependant la production martiniquaise connaît de graves difficultés dues aux catastrophes climatiques que nous subissons sans relâche depuis neuf ans, depuis le cyclone Dean en 2007, les inondations de 2009, qui ont valu à la Martinique une déclaration de catastrophe naturelle, le cyclone Tomas en 2010, jusqu'aux pluies qui ont arrosé l'île du 1er janvier au 31 décembre 2011. L'année 2012 semblait bien partie mais le deuxième semestre a été caractérisé par une terrible sécheresse et la récolte 2013 est la plus mauvaise récolte que nous ayons jamais connue. C'est la raison pour laquelle l'usine du Galion, qui aurait besoin de 90 000 tonnes de canne, n'en a reçu que 41 000 tonnes et qu'elle est portée à bout de bras par les assemblées et les collectivités locales.

Les distilleries, quant à elles, produisent du rhum AOC destiné à l'exportation. Le rhum est un produit à grande valeur ajoutée, mais, cette année, les distilleries ne recevront que 140 000 tonnes de canne au lieu des 160 000 tonnes attendues. Globalement, l'île a besoin de 240 000 tonnes de canne, or elle n'en produira cette année que 181 000 tonnes.

En plus des catastrophes climatiques, la production de la Martinique est également confrontée au manque de matières actives pour lutter contre les herbes, bien que la canne soit une culture très propre. Dans les années 1960, nous avons engagé une lutte biologique contre un insecte, le borer, qui causait d'énormes dégâts dans les plantations. Nous avons réussi à l'éradiquer et aujourd'hui nous n'utilisons ni nématicide ni fongicide. En 2009, en application du principe de précaution et dans le respect du plan Ecophyto 2018, toutes les molécules que nous utilisions ont été supprimées. Depuis, nous subissons l'infestation des mauvaises herbes, notamment les graminées, qui ravagent les champs de canne. Or, sur les neuf molécules dont l'autorisation a été donnée pour la canne, aucune ne permet de lutter contre les graminées. La seule possibilité serait de procéder à leur extirpation – en embauchant des personnes pour le faire. Vous imaginez les charges qui seraient liées à une telle opération et l'impact psychologique de cette dernière. D'autant qu'il faudrait procéder à un arrachage massif, ce qui nous amènerait à demander aux pouvoirs publics d'abaisser les coûts de la main d'oeuvre.

Tous ces handicaps découragent les acteurs de la filière. Le Premier ministre est attendu en Martinique : j'espère qu'il recevra la délégation qui se présentera devant lui pour évoquer ces difficultés.

Nous attendons beaucoup de la recherche, notamment de la recherche variétale. Nous entretenons depuis trois ans des liens très étroits avec eRcane, le laboratoire de recherche de La Réunion, dont le directeur, M. Bernard Siegmund, nous a conseillé des variétés qui s'étaient très bien adaptées à La Réunion. À la Martinique, en dépit des difficultés liées au relief, 80 % des cannes sont coupées à la machine. Si nous pouvions avoir des cannes plus résistantes, nous pourrions obtenir aisément de gros rendements au moment de la récolte. Nous espérons aussi obtenir des variétés qui nous permettront, grâce à des méthodes alternatives, de disposer d'autorisations de mise sur le marché provisoires de désherbants comme l'Asulox. Mais, depuis le scandale du Chlordécone, ces autorisations sont très difficiles à faire valider. Nous n'avons pas oublié que le Chlordécone a été catastrophique pour les sols martiniquais mais nous n'acceptons pas d'être sacrifiés au nom du principe de précaution. Nous mettons beaucoup d'espoir dans la recherche et nous espérons infléchir la courbe de notre productivité, qui est passée de 62 tonnes à 50 tonnes par hectare.

En dépit de ces difficultés, la production de canne est incontournable car la diversification n'a pas toujours donné de bons résultats.

En ce qui concerne le rhum, nous sommes en conflit avec la Commission européenne qui exige le remboursement de sommes qui représentent deux fois le chiffre d'affaires de la production de rhum des DOM. Nous espérons que les discussions en cours trouveront une issue favorable.

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