Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du 9 juillet 2013 à 18h45
Commission des affaires économiques

Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif :

Sans doute le rapport de M. Thierry Tuot, conseiller d'État auquel le Premier ministre a confié une mission de réforme du code minier, vous aura-t-il permis de connaître l'état de la réflexion du Gouvernement sur le sujet. Avant d'en présenter les grandes lignes, je resituerai le contenu des innovations juridiques qu'il propose dans le contexte de redressement productif qui les motive.

Nos importations de matières premières et de produits de consommation intermédiaire étant excessives, nous nous heurtons à un déséquilibre de notre balance commerciale. En outre, les ressources dont nous disposons ne sont plus exploitées depuis des années en raison de l'évolution de la législation. Nous butons donc sur des obstacles assez déterminants face auxquels les acteurs miniers finissent par se décourager. Enfin, la France s'est montrée incapable, au cours de ces dernières années, de faire la synthèse entre la préoccupation environnementale et la préoccupation économique dans l'exploitation des ressources du sous-sol, qui sont tout à fait importantes pour la souveraineté nationale : le fait pour nos industries de dépendre – tant en termes de prix que de quantités – de métaux et de terres rares provenant de l'étranger pose un véritable problème. Nous assistons en effet aujourd'hui à une lutte mondiale des grands États-nations et des grands États-continents pour capter cette ressource – raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité lier la réforme du code minier à la redécouverte de cette activité, considérée comme étant d'intérêt national pour l'exercice de notre souveraineté économique.

Il s'agit en outre d'une source d'activité économique de long terme dont l'exploitation, après s'être largement développée après-guerre, a cessé d'être rentable dans les années 1970-1980. Or, ces conditions d'exploitation se sont avérées insatisfaisantes du point de vue environnemental puisque certains des dégâts issus de l'exploitation minière n'ont toujours pas été traités à ce jour. Étant moi-même originaire d'un pays minier, j'ai pu mesurer les conséquences de l'exploitation du charbon à Montceau-les-Mines en Saône-et-Loire ou de celle de l'uranium et du manganèse dans le Morvan. Il est donc impératif de concilier l'utilité économique et la préservation de l'environnement. L'exploitation des mines est redevenue rentable du fait de la montée du prix des matières premières : ce qui n'était plus exploité à dix centimes l'unité de mesure peut désormais l'être à deux centimes. Les conditions de rentabilité d'exploitation ayant changé, il s'agit désormais d'une activité économique durable parfaitement compatible non seulement avec les besoins de notre économie mais aussi avec nos préoccupations environnementales.

Dans le cadre d'une communication en conseil des ministres, Delphine Batho et moi-même avons donc déterminé plusieurs orientations à la faveur de cette réforme ; c'est désormais Philippe Martin qui reprendra le flambeau après le travail remarquable accompli par son prédécesseur.

Cette réforme est prioritaire pour le Gouvernement : le code minier ayant vieilli, il est devenu trop inefficace pour assurer une protection suffisante de la population et de l'environnement et pour favoriser l'investissement minier. Il nous fait donc perdre sur les deux tableaux : non seulement il ne nous protège pas, dans la mesure où l'autorisation finit toujours par tomber, quelles que soient les conditions de l'exploitation, mais en outre, il décourage l'investissement minier. Le nombre d'années de procédures dilatoires est si important en effet pour parvenir à une décision que même si cette dernière n'est jamais amendable, elle est toujours tardive, rendant les délais d'investissement hors de portée des investisseurs. Ces délais, proches d'une petite dizaine d'années, comme nous l'expliquait encore récemment un investisseur australien, sont insensés ! Non seulement ils font excessivement peser le débat sur un territoire, mais ils ne règlent aucun problème. Et de toute manière, l'autorisation est accordée : car le droit minier, fort ancien – il date de 1956 –, ne parvient pas à concilier les objectifs contraires. C'est pourquoi nous souhaitons le moderniser.

Cette réforme est menée conjointement par Philippe Martin, Victorin Lurel et moi-même. Un groupe de travail réunissant l'ensemble des parties intéressées – associations de protection de l'environnement, fédérations professionnelles, organisations syndicales, élus et experts – a été créé sous la présidence de M. Thierry Tuot. C'est après s'être réuni que ce groupe a proposé de grands axes de réforme du code minier.

S'agissant des orientations de la réforme proprement dites, nous maintenons tout d'abord le grand principe selon lequel le sous-sol est un bien commun de la nation que les pouvoirs publics doivent valoriser en tenant compte de la raréfaction des ressources et de la nécessité de respecter nos exigences environnementales. Nous souhaitons en deuxième lieu assurer dans le code minier la participation du public, telle que définie à l'article 7 de la Charte de l'environnement, de valeur constitutionnelle. En troisième lieu, nous proposons de prendre en compte dans les procédures d'instruction la sécurité des travailleurs et la protection effective de l'environnement et des ressources, tout en limitant strictement dans le temps les procédures d'autorisation préalable.

La réforme sera donc de type gagnant-gagnant : pour l'investisseur puisque les procédures seront plus simples et plus brèves ; pour l'environnement, du fait de la participation du public – soit une discussion active entre l'ensemble des parties – et de la possibilité d'amender et de modifier le titre au cours de la procédure, mais non une fois celle-ci achevée.

Si n'avons pas encore rédigé d'avant-projet de loi, nous pourrions avancer sur ce dossier dès la rentrée de septembre puis présenter un texte au Parlement au début de l'année 2014.

S'agissant des innovations juridiques qui pourraient voir le jour, nous proposons premièrement l'élaboration d'un schéma national de valorisation du sous-sol : les informations dont nous disposons à ce sujet sont en effet fort anciennes et n'ont guère été actualisées. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a accompli un travail important à cet égard dans les années 1950, 1960, 1970 et 1980, mais plus modeste au cours des 25 dernières années. Ce travail mérite donc d'être mis à jour. Dans la mesure où cela représente un certain coût, il serait bon que le Gouvernement en fasse un investissement collectif. De nouveaux usages sont en effet apparus au cours de ces dernières décennies pour de nouveaux métaux et notre industrie de transformation des métaux rares et des alliages place la France, avec les groupes Imerys et Eramet, à l'avant-pointe de la production d'acier et de métaux très spéciaux. Nous avons par conséquent la capacité d'utiliser des ressources existant dans notre sous-sol, dont nous ne faisons que déduire ou deviner la teneur et qui demeurent actuellement inexploitées.

Deuxièmement, nous préconisons que la procédure de délivrance de l'autorisation d'exploitation soit co-conduite par une instance chargée d'assurer, en association avec l'exploitant, l'évaluation de l'intérêt du projet à l'aide d'expertises libres, mais aussi en association avec le public et les élus, et proposant des recommandations à l'autorité compétente. Il s'agit en d'autres termes de faire en sorte que la délivrance d'un titre d'exploitation fasse l'objet d'une négociation avec l'environnement sociétal immédiat du site sur lequel il porte. Au lieu de passer en force pour délivrer un titre après enquête publique, criailleries, pétitions, menaces de recours et débats de toutes sortes, et de se voir exposé à des recours pendant plusieurs années au terme desquels le titre est finalement autorisé, nous pourrions mettre à profit ces années pour rapprocher les points de vue. Il suffirait ainsi d'expliquer que l'exploitation des ressources en question est d'intérêt national, qu'un opérateur est intéressé et pourra créer entre cinquante et cent emplois, et qu'un investisseur développera de l'activité économique et améliorera les infrastructures. L'objectif est de trouver un compromis et de prendre en compte les intérêts du lieu, pour éviter, par exemple, la pollution visuelle si un patrimoine touristique se situe à deux kilomètres du site d'extraction. Sur des questions aussi concrètes, nous préférons la stratégie de négociation en amont au harcèlement et aux procédures juridiques en aval, qui, finalement, ne règlent rien mais autorisent tout.

Troisièmement, nous souhaitons utiliser la juridiction administrative comme système de purge définitive des problèmes – à l'image du système en vigueur dans le cadre de la procédure pénale. En ce domaine, on a en effet laissé pendant des années les juridictions au fond traiter des questions de nullité de procédure, qui emportaient la nullité de l'ensemble, cinq à huit ans après les faits, qui étaient alors souvent prescrits. C'est pourquoi, il y a une quinzaine d'années, le législateur, bien avisé, a décidé de purger les problèmes de procédure – compétence de l'autorité saisie, participation effective des personnes nommées en vue de l'enquête publique – dans le cadre d'un recours préalable assez simple. Dans le domaine qui nous occupe, un tel dispositif sécurisera juridiquement le titre délivré, et par conséquent l'opérateur lui-même, une fois les problèmes de procédure purgés, et évitera que l'on puisse en permanence rouvrir les débats.

Quatrièmement, nous proposons d'améliorer les dispositifs d'indemnisation des dégâts de l'après-mine, tels que les affaissements qui portent atteinte aux biens individuels. Ceux-ci posent en effet de nombreux problèmes, puisqu'il n'y a plus ni opérateurs ni responsabilité. Nous souhaitons par conséquent créer un fonds de solidarité nationale.

Se pose cinquièmement et enfin la question du partage des revenus avec les territoires concernés et donc de l'adaptation de la fiscalité minière aux intérêts territoriaux. Ce point n'est pas neutre, tant une fiscalité uniforme et indifférenciée est susceptible de tuer une activité économique minière – par essence très coûteuse puisqu'il est parfois nécessaire de dépenser des centaines de millions pour obtenir un résultat et donc rentabiliser le processus. La question de la redevance sera débattue dans ses principes, afin de définir un mécanisme optimal. En effet, la Constitution nous interdit de fixer un niveau d'imposition en dehors de la loi de finances.

Telles sont les conditions dans lesquelles nous proposons de faire évoluer le code minier. Il va de soi que les parlementaires des deux commissions concernées à l'Assemblée nationale seront consultés sur notre avant-projet, avant même que le projet de loi ne soit déposé.

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