Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 17 juillet 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

C'est avec une satisfaction particulière que je prends aujourd'hui la parole, au moment de finaliser le débat parlementaire sur la régulation de la finance.

Il faut rappeler que cette loi prend racine dans la crise financière de 2008, une crise qui est venue ponctuer trois décennies de dérégulation croissante au cours desquelles les transferts financiers se sont accumulés, du travail vers le capital mais également des générations actuelles vers les générations futures, au point de mettre en danger l'action publique, l'économie et la situation des ménages.

Le point d'orgue de cette dérégulation est atteint fin 2008, avec la crise des subprimes. Nous ne pouvions espérer que les acteurs économiques deviennent d'eux-mêmes vertueux après cette crise. Souvenez-vous de celles qui avaient précédé : celle de 2006-2007, quand le prix du blé et des céréales double, voire triple, le prix du blé passant de 100 à 250 euros la tonne ; la crise du pétrole en 2007-2008, lorsque le prix du baril de pétrole est multiplié par deux, passant de 40 à 80 euros. Suite à ces crises, le système est resté inchangé et s'est écrasé contre le mur des subprimes. C'est donc au politique d'imposer sa loi au marché.

L'impact négatif de ces crises sur les comptes publics et sur l'emploi a profondément altéré la confiance de nos concitoyens envers les banques et a conduit le Président de la République à prendre un engagement fort lors de son discours du Bourget pendant la campagne présidentielle. C'est cet engagement que nous concrétisons aujourd'hui.

Avec ce projet de loi, nous affirmons notre volonté de reprendre la main sur le système financier, de lui donner des règles, notamment en renforçant les moyens de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Cette autorité nous permettra de prévenir toute nouvelle crise et, le cas échéant, de ne pas faire porter sur le contribuable et le petit épargnant la résolution des crises bancaires. Nos objectifs sont clairs : protéger leur épargne, protéger les contribuables, protéger l'économie.

C'est à la gauche et aux Écologistes qu'il revenait d'agir concrètement. Il faut le dire, si l'opposition avait été aux manettes, il ne se serait rien passé. Le peu de mobilisation de sa part pour cette loi en témoigne. Quand on vous a entendus, chers collègues de l'opposition, c'était pour proclamer qu'il ne fallait surtout rien faire, sous prétexte de protéger l'économie, et que nous allions fragiliser l'industrie bancaire. Pire, vous vous êtes opposés à l'obligation faite aux banques par cette loi de transmettre les informations concernant leurs filiales dans le monde.

Pour notre part, nous aurions souhaité une vraie séparation, solution qui apparaissait comme la plus sûre. C'est un autre chemin qui a été choisi par le Gouvernement. Nous souhaitons vraiment qu'il soit efficace. Le chemin choisi consiste à filialiser les activités spéculatives. Beaucoup ont raillé la mesure, arguant du peu d'activités filialisées. Mais si, aujourd'hui, ces filiales sont de petite taille, c'est parce que les banques ont cessé les activités les plus risquées pour leur propre compte, alors qu'elles représentaient une part importante de leur activité avant la crise : elles sont passées de 15 % à 1 % de leur activité totale.

L'objectif de cette filialisation est de faire en sorte que ces pratiques restent marginales afin que, le calme revenu, les banques ne reprennent pas leurs mauvaises habitudes. Pour nous assurer de l'effectivité de cette filialisation, nous avons, en collaboration avec le Gouvernement, renforcé les barrières entre la banque et ses filiales. Ainsi Karine Berger et Laurent Baumel ont-ils mené un travail minutieux sur les activités méritant d'être filialisées et, notamment, la tenue de marché pour compte propre. Le Sénat a adopté des amendements intéressants permettant de s'assurer que les calculs de ratio de division des risques sont opérants dans le cadre de cette nouvelle construction et empêchant ces nouvelles filiales de prendre des risques inconsidérés.

Aurions-nous pu aller plus loin ? Certainement ! Il nous semblait important d'inscrire dans la loi la participation des créanciers seniors à la résolution bancaire, tout en sacralisant en droit français la préservation des placements en deçà de 100 000 euros, comme cela est inscrit en droit européen et a été mis en application à Chypre. John Vickers lui-même, répondant à l'une de mes questions, lors d'un duplex avec la commission des finances, nous a dissuadés d'agir seuls dans cette voix et nous a recommandé d'adopter ce dispositif de manière conjointe avec nos voisins européens

De même, nous aurions souhaité que le Gouvernement soit plus ferme avec les banques, leur interdisant la distribution de bonus et de dividendes lorsqu'elles se trouvent en procédure de résolution. Mais nous ne sommes pas à la fin de l'histoire. L'Europe pourra faire évoluer significativement ce sujet.

La deuxième lecture aura été l'occasion pour le Gouvernement de proposer l'échange automatique d'informations à l'échéance de 2015 conjointement avec les objectifs européens. En effet, entre la première et la deuxième lecture, deux événements importants se sont produits : la déplorable affaire Cahuzac et la crise chypriote. Ces événements ont, une fois encore, mis au grand jour les dérives financières des banques, auxquelles ce texte a justement l'ambition de s'attaquer, et leur rôle nocif lorsqu'elles couvrent l'évasion fiscale, ce qui rend d'autant plus pertinentes les opérations de transparence qu'il initie. Ces deux événements ont symbolisé l'importance d'agir et ont contribué à une accélération de nos réformes.

De nouveau, ce sont des crises politiques et économiques qui ont permis une prise de conscience française et européenne. On peut le regretter ou s'en réjouir, mais ce sont les crises qui nous font progresser si l'on sait saisir les opportunités.

J'en veux pour preuve ce qui s'est passé sur la question de la transparence bancaire. Cette disposition, qui est une première mondiale, est le fruit d'un riche débat qui arrive lui-même après des années de batailles menées notamment par les ONG.

Ainsi, avec le groupe SRC et le soutien du Gouvernement, les Écologistes ont fait adopter en première lecture un amendement faisant entrer dans la loi la transparence des activités bancaires pays par pays. C'est une première, mais certains ne trouvaient pas cet amendement assez ambitieux, certains avaient peur qu'il ne représente la conclusion avant l'heure du débat européen. C'est exactement le contraire qui s'est produit : non seulement il n'a pas empêché l'Europe d'aller de l'avant mais il a donné une impulsion permettant au Sénat, se fondant sur le travail du Parlement européen, d'inclure des critères que la France n'osait pas s'imposer seule.

Ces dispositions, qui représentent un pas en avant majeur dans la lutte contre les paradis fiscaux, auront trouvé un complément avec les dispositions intégrées dans le cadre de la loi relative à la fraude sur les lanceurs d'alerte ou la transparence des trusts.

En quelque mois, avec ces deux lois, nous aurons agi davantage que pendant les quinze dernières années.

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