Intervention de Gilles Carrez

Séance en hémicycle du 17 juillet 2013 à 15h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Rappels au règlement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il s'agit aussi pour moi d'évoquer le déroulement de nos travaux, mais s'agissant des modalités d'application de l'article 40, qui ont fait l'objet de quelques contestations.

Je tiens à dire que j'ai appliqué au présent projet de loi, comme je le fais habituellement sur les textes à grande implication financière, les règles relatives à la recevabilité financière des amendements de l'article 40 dans la droite ligne de la jurisprudence. Je tiens à votre disposition, chers collègues, les éléments de cette jurisprudence : il s'agit de trois rapports élaborés par mes prédécesseurs, Jacques Barrot en 1994, Pierre Méhaignerie en 2006 et Jérôme Cahuzac début 2012. Il y a plusieurs principes de fond à respecter, et je me borne au strict respect de ces principes.

Je trouve donc tout à fait regrettable que certains collègues, peu nombreux heureusement, aient cru bon d'exiger par voie de presse que le président de la commission des finances applique cette jurisprudence : il le fait, tout naturellement ! Et c'est d'autant plus regrettable que s'ils ont cru bon de s'adresser à la presse, ils n'ont pas cru bon de prendre contact directement avec le président de la commission des finances. Cela ne me gêne pas tant personnellement qu'au regard des administrateurs de cette commission, qui accomplissent des dizaines et des dizaines d'heures de travail sur ce sujet. Nous recevons en effet énormément d'amendements des différentes commissions, qui consultent la commission des finances sur leur recevabilité.

Il m'a été reproché d'appliquer avec excès et sans contrôle les prérogatives qui me sont dévolues par le règlement. Je tiens à vous dire que je récuse totalement cette affirmation. J'essaye d'appliquer l'article 40 avec raison, avec mesure et avec sérieux. Je rappelle qu'il s'agit de dispositions constitutionnelles, que nous sommes donc tenus de respecter ! Je le fais à partir de critères strictement objectifs : à aucun moment n'interviennent de considérations de nature politique, je ne devrais pas voir besoin de le préciser. Je rappelle par ailleurs qu'en termes de procédure, le contrôle de la recevabilité financière ne s'analyse en aucun cas comme un contrôle de l'opposition sur la majorité, comme d'aucuns ont cru bon de l'affirmer : il s'agit de faire respecter des règles constitutionnelles qui sont applicables à toute initiative parlementaire, quel qu'en soit l'auteur. Je rappelle aussi que le président de la commission des finances exerce cette prérogative par délégation stricte du président de l'Assemblée nationale lui-même.

Je suis obligé, mes chers collègues, et je le regrette, de vous donner quelques chiffres pour que les choses soient parfaitement claires. Sur ce projet de loi ont été déposés 1 312 amendements, dont 98 ont été déclarés irrecevables, c'est-à-dire un taux final d'irrecevabilité de 7,5 %. En moyenne, sur les textes qui représentent de gros enjeux financiers, le taux se situe dans une fourchette de 10 % à 12 %. Vous voyez que le taux d'irrecevabilité est donc particulièrement bas sur ce texte. Par ailleurs, il a été dit que le président de la commission des finances aurait appliqué plus sévèrement les règles de recevabilité aux amendements de la majorité qu'à ceux de l'opposition. C'est inexact. Voici les chiffres : sur les 98 amendements irrecevables, 56 émanaient de la majorité et 42 de l'opposition. Si l'on prend en compte l'importance respective des deux bords, il est clair qu'il n'y a pas de différence de traitement. Il faut aussi comparer ces chiffres avec l'ensemble des amendements renvoyés à ma commission au titre de la recevabilité. Pour les groupes SRC, écologiste et RRDP, 222 amendements ont été envoyés pour examen et 47 d'entre eux déclarés irrecevables, soit un taux de 21,2 %. Pour les groupes UMP et UDI, 189 amendements ont été examinés, dont 42 ont été déclarés irrecevables, soit un taux de 22,2 %. Les taux sont pratiquement identiques.

J'en viens maintenant au fond. C'est le plus important.

Le premier point que nous devons tous avoir en tête, c'est que l'article 40 ne s'applique pas qu'aux dépenses de l'État mais à l'ensemble des finances publiques, qu'il s'agisse de celles de l'État, de ses opérateurs et de ses satellites, qu'il s'agisse des finances sociales ou qu'il s'agisse bien sûr des collectivités territoriales et de leurs regroupements. Selon une jurisprudence constante que je tiens, je le répète, à votre disposition, plusieurs principes fondent la déclaration d'irrecevabilité.

Tout d'abord, la création d'une charge est avérée, et donc l'amendement déclaré irrecevable, lorsqu'il est proposé d'élargir de façon significative la mission, les compétences ou les effectifs d'une structure publique, ou lorsqu'une telle structure se voit contrainte de réaliser une opération coûteuse – par exemple l'organisation d'une élection, comme cela a été le cas d'un certain nombre d'amendements sur ce projet de loi. À l'évidence, la création d'une nouvelle structure est en outre logiquement toujours constitutive de l'aggravation d'une charge financière, et les amendements correspondants ne peuvent être que déclarés irrecevables – c'est le cas de la proposition de création d'un nouvel établissement public local.

Deuxième cas de figure, un peu plus compliqué : les transferts de charge d'une entité publique à une autre. Ils sont autorisés lorsqu'ils interviennent entre organismes qui appartiennent au même niveau de collectivité. C'est un assouplissement jurisprudentiel qui date du rapport de Pierre Méhaignerie de 2006, qui permet les transferts de charge entre organismes appartenant au bloc communal. Je n'ai fait que le conforter. En revanche, les amendements ne peuvent être déclarés recevables s'ils proposent un transfert d'un niveau de collectivité vers un autre.

Il y a un troisième cas de figure : les délégations de compétences. Les amendements dont c'est l'objet ne peuvent être admis que si ladite délégation s'opère expressément au nom et pour le compte de l'autorité délégante.

Quatrième grande série d'amendements que nous avons examinés : ceux qui portent sur des fusions de structures. Ils sont a priori irrecevables parce que, même s'ils visent à faire des économies en mutualisant, ils créent une nouvelle structure. Cela étant, la jurisprudence de mes prédécesseurs, que j'ai accentuée pour préserver l'initiative parlementaire, admet des amendements qui proposent la fusion de collectivités, mais toujours au sein du même niveau : fusion de départements, fusion de régions, fusion de communes, fusion d'intercommunalités…

Enfin, le dernier cas de figure est celui des amendements qui entraînent une perte de recettes. Ils sont irrecevables, à moins d'être gagés. Nous travaillons de la façon suivante : si l'amendement n'est pas du tout gagé, il est déclaré irrecevable, s'il est mal gagé, nous prenons contact avec son auteur pour l'aider à rédiger le gage. Les quatre administrateurs qui travaillent avec moi sur l'application de l'article 40 sont vraiment à votre disposition pour aboutir à la meilleure rédaction possible, puisque nous souhaitons qu'un maximum d'amendements puissent être discutés en séance. Je ne saurais que vous inciter, vous et vos collaborateurs, quand vous rédigez un amendement, à prendre contact préalablement avec nous pour être sûr qu'il sera recevable.

Une dernière précision qu'il faut bien avoir à l'esprit : il est possible de déclarer des amendements recevables dès lors qu'ils s'inscrivent soit dans la logique du projet de loi initial ou des intentions formulées explicitement par le Gouvernement, soit dans la logique du texte adopté précédemment par le Sénat, comme c'est le cas en l'espèce, ou par la commission de l'Assemblée saisie au fond, en l'occurrence la commission des lois.

Vous le voyez : nous travaillons pour vous faciliter les choses, parce que c'est l'intérêt de tous qu'un maximum d'initiatives parlementaires puissent être reçues. Je regrette profondément ces quelques déclarations que je juge intempestives. Je les regrette moins en tant que président de la commission des finances, je le répète, qu'au regard du travail fourni par les administrateurs de notre commission. C'est un travail extrêmement difficile.

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