Intervention de Gaby Charroux

Séance en hémicycle du 17 juillet 2013 à 15h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaby Charroux :

Vous nous avez dit, madame la ministre, que le texte adopté au Sénat avait connu des avancées importantes, qui répondaient aux attentes des maires des Bouches-du-Rhône : j'en prends acte pour demander aussitôt : lesquelles ?

Parmi ces avancées, on nous explique que tous les maires seront représentés au sein du conseil de métropole. Mais c'est déjà le cas : la loi du 16 décembre 2010 le prévoit expressément. L'article 30 B constitue une compensation de plus donnée au maire de Marseille, seul sénateur des Bouches-du-Rhône favorable à la métropole. Avec cet article, nous allons avoir, au sein du conseil de métropole, une surreprésentation de la ville de Marseille, qui va disposer de plus de représentants en cette enceinte – plus de 44 % des conseillers, me semble-t-il – qu'elle n'a de conseillers municipaux. Ce conseil va devenir une structure tentaculaire de 238 membres.

D'ailleurs, le sénateur UMP Bruno Gilles a déclaré : « Les neuf amendements que nous avons présentés ont presque tous été votés. Ce n'est pas si mal que cela, on n'aurait peut-être pas obtenu autant avec un gouvernement de droite. »

S'agissant du foncier, vous dites que le plan local d'urbanisme sera élaboré au niveau des conseils de territoire, en étroite collaboration avec les communes. Mais dans la réalité, c'est le conseil de métropole qui le votera et les communes en seront dessaisies, ce qui est inacceptable, d'autant que nul ne sait ce que seront réellement les conseils de territoire, leurs limites et leurs moyens.

S'agissant de l'aménagement et de la construction de logements sociaux, je suis effaré d'entendre que toutes les communes des Bouches-du-Rhône feraient preuve d'égoïsme alors que la plupart d'entre elles dépassent de beaucoup le seuil minimal de logements sociaux fixé par la loi.

Enfin, le Sénat a supprimé la disposition relative aux vingt millions d'euros de bonus en dotation. Quand bien même nous les réintroduirions aujourd'hui, on perçoit à quel point ce choix serait fragile.

Dans tous les cas, au vu des besoins de développement de Marseille et de son aire urbaine, au vu aussi des trois milliards d'euros de dette cumulée de la ville de Marseille et de la communauté urbaine de Marseille, cette somme donne la mesure du désengagement de l'État.

Il reste une métropole coûteuse, inefficace, illisible, sans moyens, à la gouvernance complexe et rejetée par les maires et les citoyens ; vaste programme !

En réalité, comme l'ont dit les collègues qui m'ont précédé à cette tribune, nous avons face à nous un projet de centralisation qui va éloigner les centres de décision des citoyens.

C'était déjà l'esprit de la loi du 16 décembre 2010 que nous avons combattue ensemble. Il faut à présent abroger cette loi et la gauche, à l'origine des lois de décentralisation, doit faire face à ses responsabilités politiques en renforçant le rôle des communes, la démocratie de proximité, les services publics locaux et la coopération intercommunale fondée, comme le prévoit la loi, sur des coopérations utiles, efficaces et volontaires.

Il faut s'attaquer sur le fond au problème de Marseille, dont les populations subissent à la fois les politiques d'austérité qui sont menées dans ce pays depuis trop d'années, la désindustrialisation du port de Marseille, de la vallée de l'Huveaune ou de l'Estaque, cher à mon ami Henri Jibrayel, les mauvais choix urbains et sociaux opérés à la fin des années soixante et le refus de coopération.

Et surtout – surtout –, Marseille a besoin de la solidarité nationale, de l'investissement de l'État, pour connaître l'essor qu'elle mérite. La solidarité départementale est quant à elle déjà acquise grâce aux règles de péréquation horizontale imposées aux EPCI existants.

Arrêtons donc de nourrir les fantasmes utilisés comme arguties depuis des mois. La sécurité, ou plus précisément son absence ? La métropole réglera le problème. L'emploi ? C'est la métropole qui réglera le problème. Le logement ? C'est encore la métropole qui réglera le problème. Les transports ? C'est toujours la métropole qui réglera le problème… J'ai même entendu dire que le chômage à Marseille serait lié à l'absence de métropole. Je pourrais bien le croire si Marseille était la seule ville de France à souffrir du chômage, mais il me semble, hélas, que ce n'est pas tout à fait le cas.

On disait aussi que la métropole permettrait de hisser Marseille au niveau de Gênes et Barcelone ; quelle confusion ! Gênes dispose d'une seule ligne de métro, qui dessert seulement huit stations, tandis qu'à Barcelone, le taux de chômage est supérieur à 25 %. Je ne suis pas certain qu'il soit de l'intérêt des Marseillais de se « hisser » à cette hauteur-là !

Marseille connaît un retard considérable en matière de transports – il a été dénoncé encore récemment par la maire de secteur des quinzième et seizième arrondissements –, mais tandis qu'elle double ses lignes de métro par des lignes de tramway, des quartiers entiers demeurent isolés. À l'échelle départementale, ce n'est pas la métropole qui réglera cette question. Elle ne pourra se régler qu'avec le réseau ferroviaire qui relève de la compétence de la région et qui subit les politiques d'économies drastiques de la SNCF sur le réseau TER.

J'ai bien peur que l'on ne fasse croire aux populations de Marseille et du département des Bouches-du-Rhône qu'il suffit de créer une nouvelle structure pour régler, d'un coup de baguette institutionnelle, les problèmes quotidiens. Ceux-ci relèvent non pas de choix structurels mais de choix politiques ambitieux et résolument ancrés à gauche.

En matière d'emploi, de logement, d'environnement, d'infrastructures, de politique industrielle ou de fiscalité locale, ce sont les choix du Gouvernement qui détermineront l'évolution économique et sociale.

Nous sommes, dans le département des Bouches-du-Rhône, porteurs de propositions – Mme la ministre les connaît bien – que nous défendrons au cours de ce débat malgré le peu de temps qui nous est accordé.

En premier lieu, au vu du chamboulement institutionnel qu'elle provoque et des réticences qui ont été exprimées à son encontre, nous souhaitons que la création de la métropole soit soumise à un référendum.

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