Intervention de Alex Bandou

Réunion du 9 juillet 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Alex Bandou, secrétaire général de l'Union des producteurs agricoles de la Guadeloupe :

Je précise que mon organisation est affiliée à la Confédération paysanne. Je suis agriculteur en Guadeloupe où le secteur agricole est en train de s'organiser sur d'autres productions que les deux piliers que sont la canne et la banane. Historiquement, l'agriculture a été structurée selon des modèles qui ne correspondaient pas à la réalité du territoire. La charrue a très souvent été mise avant les boeufs. En Guadeloupe aussi, nous avons des abattoirs surdimensionnés qui n'ont jamais atteint les volumes de porcs et de volailles abattus pour lesquels ils avaient été conçus. La réflexion lancée aujourd'hui est une opportunité de remettre le système à plat et d'envisager une agriculture véritablement adaptée aux outre-mer.

Autonomie et souveraineté alimentaires sont des notions que nous avons très souvent mises en avant, que la désorganisation de notre agriculture ne permettait pas d'atteindre. Aujourd'hui, les filières s'organisent, tant au niveau de la viande que du végétal : des interprofessions se sont mises en place, l'IGUAVIE pour la viande, l'IGUAFLORE, pour les fruits et légumes. Si des réglages restent à faire, ces organismes fonctionnent bon an mal an. Reste que nous avons aujourd'hui l'opportunité de jeter de nouvelles bases pour une agriculture adaptée à la réalité du pays.

Les échos qui nous sont parvenus des réflexions du commissaire européen Ciolos sur le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) ont fait naître des réactions aux niveaux national et local. En Guadeloupe, l'inquiétude grandit pour nos deux piliers que sont la banane et la canne. Au fond, c'est grâce à la canne qu'il y a de la diversification sur le territoire guadeloupéen. Le dernier recensement a montré qu'en dix ans, la Guadeloupe a perdu près de mille hectares de terres agricoles par an au profit de l'urbanisation. Pour autant, la production de canne s'est maintenue à 14 000 hectares. C'est dire si elle a le pouvoir de préserver le foncier.

Quelle que soit la production qui remplacera la canne, il faut bien penser qu'on sera très rapidement en surproduction, ce qui conduira à une dérégulation du marché. Selon les derniers rapports, nous avons atteint dans le secteur maraîcher – tomate, laitue, concombre et autres – pratiquement 100 % d'autonomie. On prétend qu'en production porcine nous sommes aussi en autosuffisance. Alors que nous n'en sommes qu'aux prémices de l'organisation, nous arrivons à atteindre aujourd'hui des tonnages assez intéressants. Le souci, pour la Guadeloupe, c'est que si l'on touche trop à la structure du POSEI, on va déstabiliser la production agricole de manière générale. Pour caricaturer, on dit dans le pays que si la canne venait à être affaiblie, c'est l'agriculture qui disparaîtrait. Nous apprécions d'être consultés de manière à alimenter la réflexion dont seront issues les décisions qui se prendront à Bruxelles ou à Paris.

Autres éléments d'importance, les accords signés par l'Europe avec les pays ACP, l'Uruguay et bientôt, peut-être, les États-Unis. Si l'on peut comprendre la stratégie de l'Europe, force est de constater que ces accords ont gravement handicapé nos agricultures outre-mer. Nous produisons, en effet, les mêmes produits que ces pays voisins mais dans des conditions différentes. Notamment, le plan Écophyto, issu du Grenelle de l'environnement, prévoit la disparition, d'ici à 2018, de plus de 50 % des molécules que nous utilisons. S'il est très positif d'aller vers une agriculture propre, les accords contiennent une negative list par laquelle l'Europe s'engage à ne pas livrer dans ces pays des produits qu'eux-mêmes cultivent. Autrement dit, elle s'engage à ne livrer ni igname ni tubercule d'aucune sorte. Par contre, ces pays sont libres de déverser leur production sur le territoire européen, dont la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane constituent des postes avancés. Nous subissons les conséquences de cet accord de manière frontale, sachant que les coûts de production et les conditions de travail ne sont pas les mêmes et que les molécules qui nous sont désormais interdites sont utilisées par nos concurrents. Cette concurrence déloyale dont nous sommes les victimes, de même que La Réunion, il faudrait pouvoir y remédier par des aménagements spécifiques.

Pour finir, et pêle-mêle, nous espérons une politique de formation adéquate, tant il est vrai que les jeunes sont formés à une agriculture métropolitaine, de zone tempérée.

Il faut également travailler sur le foncier. Aujourd'hui, et de façon fort dommageable, on raisonne en termes de foncier agricole mis à disposition dans le cadre de la réforme foncière. La société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) propose, au titre de la réforme foncière, 11 000 hectares quand l'agriculture de la Guadeloupe occupe entre 35 000 et 40 000 hectares. Il faudrait raisonner sur l'agriculture de manière globale, sur tout le territoire.

Selon une étude, une autre source de difficulté d'accès au foncier réside dans la faiblesse des retraites, qui incite les agriculteurs à rester en activité, empêchant les jeunes de s'installer. Or, la Guadeloupe a un potentiel foncier de 10 000 hectares non cultivés mais qui sont bloqués dans des indivisions familiales. Dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture, peut-être pourrait-on trouver le moyen de récupérer ce foncier.

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