Intervention de Pascal Fricker

Réunion du 9 juillet 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Pascal Fricker, membre du Groupement régional des agriculteurs de Guyane :

Les conditions complexes d'installation font de moi un agriculteur pluriactif, c'est-à-dire que, parallèlement à un emploi salarié, je m'installe progressivement, depuis une demi-douzaine d'années, dans l'élevage bovin et le maraîchage.

Je vais compléter les observations des intervenants précédents en mettant l'accent sur les réalités guyanaises, à commencer par l'installation, qui ne se caractérise pas par la reprise mais par la conquête de terres sur la forêt domaniale de l'État. Cela demande des investissements considérables pour la déforestation et l'aménagement des réseaux, à la charge des agriculteurs et des collectivités. La Guyane est riche en ressources foncières qui ne sont malheureusement pas facilement accessibles. On espère que la loi d'avenir permettra d'allier les besoins en conquêtes foncières et la production d'électricité par la biomasse issue de la déforestation. Les procédés font l'objet, depuis plusieurs années déjà, de réflexions qui mériteraient d'être approfondies et de trouver un aboutissement.

Nous n'avons pas, comme nos collègues, de cultures traditionnellement dédiées à l'exportation. Tous nos efforts sont consacrés à nourrir notre population. En raison de taux de couverture assez faibles – moins de 1 % pour la volaille, par exemple –, l'essentiel des efforts porte sur l'organisation des producteurs en vue de répondre aux besoins du marché local. Notre population croît de 4 % par an et l'économie agricole a de quoi fournir du travail.

Dans cette tâche, l'agriculteur guyanais n'a malheureusement pas accès au crédit bancaire. Même s'il bénéficie d'aides – qui peuvent être significatives – de l'Union européenne ou de l'État, le préfinancement qu'il doit apporter lui-même est souvent un facteur bloquant. Des dispositifs devraient faciliter l'accès au crédit bancaire et au financement des projets agricoles et de développement de nos structures.

Compte tenu de la jeunesse de notre tissu agricole, l'encadrement technique et administratif des agriculteurs, qui ont déjà beaucoup à faire sur le terrain, est fondamental. La formation initiale existe : nous avons un lycée et des maisons familiales rurales (MFR) qui permettent de répondre aux besoins sur un territoire très étendu. En revanche, les besoins importants de formation continue sont difficiles à satisfaire en raison de l'éloignement des exploitations, parfois accessibles seulement par pirogue ou par avion. L'agriculteur pouvant très difficilement venir à la formation, c'est la formation qui devrait aller à lui. Ce volet, s'il était développé dans la loi d'avenir, contribuerait à améliorer les niveaux de production et le taux de couverture du marché, ce qui est l'objectif premier.

Partie intégrante du continent sud-américain, nous avons une carte à jouer avec la coopération. Notamment, les solutions techniques qui existent chez nos voisins mériteraient d'être étudiées et adaptées chez nous. En matière d'élevage, la piste des produits vétérinaires nous intéresse tout particulièrement, dans la mesure où ils sont produits dans ces pays avec les mêmes molécules, à des coûts nettement moindres, et sans la contrainte de dispositions légales qui ne nous permettent pas de les obtenir. En matière de grandes cultures, des projets en recherche-action, lancés depuis 2005, ont servi de cadre à des expériences d'introduction en Guyane de cultures nouvelles, en particulier la culture du maïs et du soja. Nous entretenons également une collaboration étroite avec des instituts techniques régionaux, qu'ils se situent sur le continent ou bien au sein de la Caraïbe. C'est ainsi que nous avons créé récemment, avec les collègues des interprofessions martiniquaises et guadeloupéennes, un institut technique dédié à l'élevage, institut qui doit nous aider à dégager des solutions convenant à nos climats. En fait, tout est dans la recherche de solutions permettant l'adaptation de dispositifs globaux à chacune des facettes de nos agricultures.

Je termine par la réforme annoncée du POSEIDOM. Alors que nous avons commencé à mobiliser les crédits de ce dispositif depuis trois ans à peine, nous avons des inquiétudes sur les moyens qui lui resteront alloués. Contrairement à d'autres agricultures, nous avons encore besoin du couplage à la production parce qu'elle doit croître. Nous avons besoin d'une telle impulsion pour créer des filières dynamiques et les accompagner jusqu'à ce qu'elles puissent se prendre en charge par elles-mêmes, à horizon de dix ou vingt ans.

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