Intervention de Claude Guibal

Réunion du 10 juillet 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Claude Guibal, journaliste à France Culture, ancienne correspondante de Radio France en égypte :

Le sort des femmes n'a rien d'une question annexe : c'est un problème de citoyenneté, qui concerne la moitié de la population. S'il est exact que la situation des femmes connaît une régression, simultanément, leur cause progresse. Régression, sous l'effet des tentatives d'islamisation des Frères musulmans et de l'action des députés salafistes à l'Assemblée ; progrès, car un nombre considérable de femmes lutte au premier plan, jouant un rôle moteur dans le débat politique, dans l'action sociale et dans l'activité économique du pays.

On a beaucoup parlé des viols et des agressions sexuelles, mis en lumière par les attaques visant des femmes journalistes. Le harcèlement sexuel est un phénomène très ancien en Égypte. Dès les années 1990, lorsque j'y suis arrivée, plus de 90 % des femmes se plaignaient d'agressions sexuelles quotidiennes – de réflexions, de mains baladeuses à des gestes beaucoup plus violents ; et je confirme leur expérience. Ce phénomène a souvent été attribué au contexte socio-économique, au recul de l'âge du mariage, à la frustration sexuelle, dans un pays extrêmement conservateur. Mais, à partir de 2003 ou 2004, le harcèlement et le viol sont devenus une arme politique, un moyen d'intimidation destiné à limiter l'accès de la société à l'espace public. Ainsi, lors d'une fête de l'Aïd, toutes les femmes qui avaient emprunté certaine rue du centre-ville, qu'elles soient voilées, en niqab, tête nue, jeunes ou vieilles, avaient été assaillies par des hordes d'hommes ; la police n'avait rien fait, le gouvernement avait nié ; le message était clair : « Tout le monde à la maison ! » Les agressions sur la place Tahrir relèvent de la même stratégie de dissuasion. Mes amis déconseillent à leurs filles d'aller manifester, comme les maris à leurs femmes. Lorsque Caroline Sinz, journaliste à France 3, a été agressée, j'ai reçu un appel téléphonique d'un ami salafiste qui s'inquiétait de savoir si c'était moi la victime. Détrompé, il s'exclame : « Al-hamdoulillah ! Tu comprends maintenant pourquoi je te dis que les femmes doivent rester à la maison ! Tu connais mon amitié pour toi : je ne veux pas qu'il t'arrive une chose pareille ! »

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