Intervention de Daniel Bilalian

Réunion du 3 octobre 2012 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Daniel Bilalian, directeur général adjoint de France Télévisions, chargé des sports :

J'ai appris beaucoup de choses aujourd'hui de Sami El Gueddari. Peut-être s'est-on trompé sur la manière de mettre en lumière les exploits des athlètes handicapés ? Je me demandais s'il ne fallait pas qu'ils s'intègrent parmi les valides, à l'instar de Pistorius. D'ailleurs, il y a deux ans, aux championnats du monde d'escrime à Paris, les assauts entre handicapés s'intercalaient entre les assauts entre valides. Aujourd'hui, un athlète handicapé plaide pour l'émancipation, c'est-à-dire pour un traitement distinct et différent. En même temps, attention à ne pas multiplier les compétitions au risque d'en faire baisser la valeur sportive. Il ne faudrait pas qu'elles deviennent des réunions amicales entre gens en difficulté. Ces remarques sont fort intéressantes et montrent qu'il ne suffit pas vouloir bien faire pour faire bien.

Par principe, France Télévisions n'en fait jamais assez et je ne reviendrai pas là-dessus. Vous me demandez de ne pas faire la course à l'audimat. Alors, je ne dois pas retransmettre les Jeux olympiques ? La prochaine fois, je diffuserai un concert à la place ! Je plaisante à moitié, mais ce reproche m'agace au plus haut point. Autant dire à la SNCF de ne pas desservir les grandes lignes qui transportent pourtant des millions de voyageurs. On connaît le sort des petites lignes : on les supprime !

Nous avons diffusé les Jeux paralympiques trois heures par jour en différé, en présentant des compétitions multiples. La difficulté pour nous, c'était d'être présents tout le temps. C'est pourquoi nous diffusions l'après-midi des finales, avec les explications adéquates, avec reprise le soir et rediffusion le matin sur France Ô. Par ailleurs, nous avons retransmis en direct les cérémonies d'ouverture et de clôture ainsi que la finale du cécifoot, qui opposait la France au Brésil. À Sotchi, nous ferons les efforts correspondant aux moyens que nous aurons. Le groupe France Télévisions n'est pas indifférent aux demandes d'économies qui lui sont faites.

En matière de sport, on parle des droits, jamais des coûts de production. Cet hiver, l'annulation au dernier moment d'un match du tournoi des Six nations nous a coûté 130 000 euros, indépendamment des droits. Les contrats passés avec les vendeurs comportent des clauses strictes sur le nombre de caméras, de loupes, de ralentis auxquelles il est impossible de déroger, si bien qu'entre retransmettre un événement en direct ou le diffuser en condensé, il y a quelques millions d'euros d'écart… France 4 aurait peut-être pu faire plus pour les Jeux paralympiques, mais il est question d'en faire une chaîne pour enfants. Un tel choix serait lourd de conséquences pour notre service des sports parce que cette chaîne diffuse 250 heures de sport par an, dont des disciplines en devenir telles que le football féminin. Quand on réunit 200 000 à 300 000 spectateurs sur la TNT, c'est un bon score, mais, avec une telle audience sur France 2 ou France 3, je ne resterais pas longtemps à mon poste. Sans le créneau de France 4, tout serait remis en cause, au détriment des sports en devenir. Outre que je devrais rompre les contrats qui me lient aux vendeurs. La TNT permet des expériences que les chaînes classiques ne permettent pas.

Oui, j'ai parlé d'animateurs, mais ils sont aussi journalistes, comme moi. Sans doute celui qui m'a fait cette remarque n'est-il pas un spectateur fidèle parce que l'émission qui a mis en relief le scandale du handball et des matchs truqués, c'est Stade 2, en diffusant dimanche dernier une enquête extrêmement fouillée. Et nous parlons de dopage quand nous retransmettons le Tour de France. Je me souviens d'une étape à Strasbourg, il y a deux ans, dont la plupart des favoris avaient été exclus. J'ai demandé à nos reporters de faire une émission consacrée au dopage en présence de Christian Prudhomme, le directeur du Tour. Quand il y a des problèmes, nous en parlons. Je suis avant tout journaliste, et ma conscience m'incite à parler des problèmes, même s'ils remettent en cause les contrats que j'ai signés.

Quant à la publicité, il est certain que, si nous avions pu compter sur elle après 20 h 30, les Jeux de Londres nous auraient peut-être rapporté de quoi combler notre déficit. Malheureusement, la décision s'imposait à nous. Alors que les Jeux d'Athènes nous avaient rapporté 13 millions d'euros de recettes publicitaires, avec des spots après 20 heures 30, nous avons tout de même perçu 9 millions d'euros de recettes publicitaires, grâce à Londres, parce que 40 millions de Français ont regardé les Jeux. Il y a également eu 20 millions de visites sur le site Internet de France Télévisions, ce qui n'est pas négligeable.

Par ailleurs, nous avons été taxés de « chauvinisme », terme que j'ai en horreur. Quand je regarde les athlètes français, je suis patriote, pas « chauvin ». Il faut bannir ce mot de notre vocabulaire. En anglais, il n'existe pas. D'ailleurs, la veille de l'ouverture des Jeux, nous avons passé un documentaire sur Usain Bolt qui, que je sache, n'est pas français, hélas pour nous !

À propos de la diversité, là encore, nous ne faisons pas assez, certes, mais le privé, lui, fait du football, du football et éventuellement du football. Et le reste, c'est toujours du football. Cette année, nous avons diffusé les Jeux olympiques ; au mois de novembre, nous ferons les championnats du monde de natation en petit bassin à Chartres, puis, en février, les championnats du monde de ski à Schladming. L'été prochain, nous couvrirons les championnats du monde d'athlétisme et de natation en grand bassin, plus le Tour de France. Mais vous devez comprendre que si France Télévisions ne diffuse pas les grands événements, les spectateurs ne regarderont pas les sports en devenir. Par exemple, un amateur de volley achètera L'Équipe pour suivre les résultats du volley, mais, s'il ne trouve pas ceux du football, il n'achètera pas le journal. De même, la SNCF ne peut pas se désintéresser des grandes lignes même si elle doit assurer les plus petites. Le groupe France Télévisions considère que, sans les événements principaux, il ne serait pas en mesure de mettre en valeur d'autres sports, ce qu'il est le seul à faire, même s'il ne fait pas de bons scores d'audience.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion