Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 16h00
Hommage à aimé césaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour adopter une proposition de résolution en hommage à Aimé Césaire, poète engagé en politique unanimement salué comme l’une des grandes consciences de la deuxième moitié du XXe siècle. Aussi est-ce avec enthousiasme et humilité que les députés du groupe RRDP s’associent à cette proposition de résolution présentée par Serge Letchimy et les membres du groupe SRC, dont l’examen est un moment d’émotion.

Nous célébrerons, ce mercredi, le centenaire de la naissance d’Aimé Césaire, le 26 juin 1913 à Basse-Pointe en Martinique. Nous, mais peut-être aussi le monde entier. Car le monde entier célébrera le centenaire de sa naissance comme un témoignage universel de la conscience non moins universelle qu’il fut et qu’il porta. Cet anniversaire donnera lieu à des manifestations aux quatre coins du monde.

À ce propos, il n’est pas vain de rappeler que les écrits du poète comme les écrits politiques sont aujourd’hui étudiés au Japon, en Inde, en Afrique, aux États-Unis, en Amérique latine et ailleurs en Europe, parfois bien plus qu’en France. Si nous sommes réunis dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour lui rendre hommage, si nous allons le célébrer ponctuellement, peut-être est-ce aussi l’occasion de nous interroger sur la transmission de son témoignage et sur l’héritage que nous devons porter et transmettre aux générations suivantes dans les programmes de l’éducation nationale et dans nos universités.

Les messages d’Aimé Césaire s’inscrivent dans le contexte particulier de la Collaboration puis de la décolonisation.

Même si nous ne devons pas relâcher nos efforts, le combat contre toutes les formes de racisme a remporté beaucoup de victoires depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Je pense à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, adoptée à Paris au palais de Chaillot le 10 décembre 1948 par les cinquante-huit États-membres de l’Assemblée générale de l’ONU. Elle fait d’ailleurs écho aux textes du jeune Aimé Césaire, tant le Cahier d’un retour au pays natal, paru dans la revue Volontés qu’ Esclavage et colonisation et le Discours sur le colonialisme. Je ne suis pas une spécialiste d’Aimé Césaire – j’ai lu bien peu de ses textes –, mais je suis frappée par le parallèle existant entre son postulat du fondement de l’universalité de la condition humaine et ce grand texte qu’est la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Permettez-moi de vous relire ici trois points considérants de de son préambule : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ; considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme ; considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression. »

Ce texte date de 1948, comme les premiers écrits de Papa Césaire, et suffirait presque à lui seul à dire que chaque être humain a droit au respect égal de sa dignité.

Pourtant, n’a-t-on pas encore entendu récemment que toutes les civilisations ne se valent pas ? Ou encore que les misérables candidats à l’immigration navigant sur des embarcations de fortune au péril de leurs vies devraient être renvoyés sur leurs bateaux ? Nous le voyons, certains combats ne sont jamais définitivement gagnés. Chacune et chacun d’entre nous doit lutter, et d’abord contre soi-même, pour maintenir une vigilance sans faille, ne pas trébucher et tomber dans les amalgames, les stigmatisations et les préjugés sur l’infériorité des êtres humains issus d’une culture différente de la nôtre. J’ai retrouvé dans un article quelques exemples de racisme ordinaire, ou « racisme soft » comme on l’appelle parfois. Lorsque l’on parle des conflits en Afrique, on parle de « conflit ethnique » ou de « guerre interethnique ». Or, dans des situations identiques ou très similaires en Occident, utilise-t-on de tels mots ? Jamais je n’ai entendu parler de conflit ethnique en Belgique !

Lorsque les critiques artistiques s’expriment au sujet des oeuvres d’art africaines, relevant d’un art dit « premier » et « primitif », ils parlent de « naïveté des formes » et de « profusion de couleurs ». Mais pour décrire Picasso, qui s’inspire directement de ces oeuvres, ils parlent de « génie dans la déconstruction des formes ». Ce que nous enseigne Césaire, mes chers collègues, c’est d’abord une telle prise de conscience. Le message d’Aimé Césaire, comme vous le voyez, n’a rien perdu de son actualité.

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste salue l’initiative de Serge Letchimy et votera avec enthousiasme mais aussi avec émotion une proposition de résolution qui nous invite, ce qui est toujours utile, à repenser l’universalité de notre condition humaine.

1 commentaire :

Le 03/11/2013 à 04:25, Jérémy THIRY-CESAIRE (Consulting / Business) a dit :

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Très bien, merci pour lui.

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