Intervention de Benoît Hamon

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 16h00
Consommation — Présentation

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation :

Il est urgent de responsabiliser davantage les prêteurs, tout en les informant mieux de la réalité de l’endettement de l’emprunteur. Ainsi, 207 700 dossiers de surendettement ont été déposés par an en moyenne au cours des cinq dernières années, dont 35 % à 40 % de dépôts successifs. Au 31 décembre 2012, 772 000 ménages étaient en cours de désendettement, c’est-à-dire avaient bénéficié d’une procédure de traitement du surendettement.

Malgré cette progression du surendettement, l’accent mis sur le traitement des situations de surendettement et l’absence de politique globale de prévention est régulièrement dénoncé depuis de nombreuses années, notamment par la Cour des Comptes.

C’est pourquoi, en conclusion de la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale des 10 et 11 décembre 2012, le Premier ministre a pris l’engagement de mettre en place un registre national des crédits aux particuliers, dans l’objectif de lutter contre le surendettement par la responsabilisation des prêteurs.

Comme annoncé par le Gouvernement et à la suite d’un travail juridique approfondi avec le Conseil d’État, le Gouvernement a présenté un amendement à ce projet de loi qui a pour objet de créer un registre national des crédits aux particuliers. Ce registre renforcera la prévention du surendettement, en confiant la responsabilité aux prêteurs de s’informer de l’état réel d’endettement en matière de crédits à la consommation des personnes souhaitant souscrire un nouveau crédit à la consommation.

Le crédit à la consommation est présent dans 87 % des cas traités en commission de surendettement, avec en moyenne 4,6 crédits par dossier. Les statistiques du fichier national des incidents de remboursement montrent également que le crédit à la consommation est le crédit à risque qui génère le plus d’incidents. Un registre centré sur les crédits à la consommation est donc tout à fait pertinent en termes de prévention du mal endettement et du surendettement ; il est ainsi proportionné à l’objectif poursuivi.

La création du RNCP subordonne l’octroi des prêts à la consommation à sa consultation. Les prêteurs seront informés de l’existence et de la date d’octroi de crédits du même type. En ce sens, le registre enverra un « signal d’alerte impartial ». Une accélération du nombre ou du volume des crédits à la consommation d’une même personne devra alerter le prêteur.

La mise en place du registre contribuera donc à une meilleure évaluation des risques par les établissements de crédits. La présence d’informations positives permet en effet aux créanciers de mieux mesurer leur exposition au risque en fonction des emprunts déjà contractés auprès d’autres créanciers.

À tous ces égards, le registre constitue un nouvel instrument dans la lutte contre le surendettement. Il sert ainsi un objectif d’intérêt général économique et social qui se rattache à la lutte plus générale contre l’exclusion. Ce dispositif équilibré assume la conciliation entre l’efficacité dans la lutte contre le surendettement et la protection des libertés individuelles.

Si ce fichier ne saurait seul, je le répète, constituer la solution au problème du surendettement, il sera un point central de notre politique en la matière. Le Gouvernement a également prévu de mettre en oeuvre, notamment dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, d’autres dispositions comme, par exemple, la mise en place de « Points Conseil Budget ».

Ce faisant, avec le registre national des crédits aux particuliers, nous réalisons le voeu des dizaines d’associations caritatives – le Secours populaire, le Secours catholique, Crésus, mais aussi beaucoup d’autres – qui ont réclamé cet outil pour les aider à lutter efficacement contre le surendettement. C’était un engagement du Premier ministre, c’était un engagement du Président de la République : ce registre sera mis en place, si vous le décidez, mesdames et messieurs les députés.

Mais il faut aller plus loin dans le renforcement de l’alternative au crédit renouvelable. Cette forme de crédit doit être remise à sa place, c’est-à-dire faciliter la petite trésorerie des ménages. Pour les achats d’un montant supérieur à mille euros, le crédit renouvelable n’est pas la meilleure des formules. Il faut développer le crédit amortissable. C’est pourquoi nous allons contraindre les établissements de crédit, notamment sur les lieux de vente, à proposer systématiquement un crédit amortissable en alternative au crédit renouvelable, le plus souvent adossé à une carte de fidélité liée.

Un mot sur ces cartes confuses, distribuées dans le commerce, qui associent carte de fidélité et carte de crédit. Grâce aux propositions du Gouvernement, enrichies par les contributions parlementaires, et je veux saluer le travail de la commission des finances et du rapporteur pour avis Laurent Grandguillaume, nous allons neutraliser les dangers de ces cartes confuses. Nous comptons sur les effets conjugués de la création du registre des crédits, de l’engagement des établissements à prévoir une carte de fidélité nue quand il existe une carte de fidélité liée à une carte de crédit, et de l’obligation de proposer un crédit amortissable pour les achats de plus de mille euros.

En matière de crédit, un travail important a été effectué avec le Parlement pour faire en sorte que, demain, nous puissions interdire les hypothèques rechargeables, dispositif dangereux pour les emprunteurs qui peuvent engager leur bien immobilier pour garantir un crédit à la consommation.

Il s’agit aussi de redonner du pouvoir d’achat aux Français. La loi prévoit ainsi de renforcer considérablement l’effectivité de la législation sur les délais de paiement. Comme Pierre Moscovici l’a abondamment développé, je n’insisterai pas, mais je veux saluer le travail très important d’Annick Le Loch sur toutes ces dispositions qui aménagent la loi de modernisation de l’économie.

J’insiste sur un point, car nous avions eu des demandes de la part des producteurs dont vous vous êtes fait l’écho, madame Le Loch. Il s’agit d’inscrire une clause de renégociation obligatoire des prix dans les contrats portant sur certains produits alimentaires. Quand, dans l’élevage, les marges des agriculteurs sont intégralement dévorées par une augmentation du prix des matières premières, il faut pouvoir introduire une clause de renégociation des prix arrêtés entre le producteur et le distributeur. C’est ce que nous ferons, en réaffirmant par ailleurs le principe des conditions générales de vente comme socle de la négociation commerciale. Il est important d’avoir un instantané qu’on puisse vérifier et à partir duquel les autorités chargées de contrôler la qualité des négociations commerciales pourront travailler. Il est clair que, sur ces points, nous allons pouvoir prendre des mesures qui iront à la fois dans l’intérêt des consommateurs et dans celui des producteurs : cela démontrera que ces intérêts ne sont pas toujours conflictuels.

Dans ce cadre renouvelé, les pouvoirs de l’État régulateur seront renforcés. Sans sanctions réelles, l’autorégulation ne suffit pas, l’affaire de la viande de cheval en a administré la preuve. Le projet donne donc aux services de l’État des compétences et des pouvoirs accrus pour sanctionner plus rapidement, plus efficacement et de manière plus dissuasive les infractions aux règles du code de la consommation.

Les manquements qui faisaient l’objet de contraventions pénales seront désormais sanctionnés par des amendes administratives, ce qui nous évitera les classements sans suite : là encore, le Gouvernement renforce l’effectivité du droit. Il a d’ailleurs accepté, à l’initiative du rapporteur M. Hammadi, de renforcer la phase contradictoire en laissant deux mois, au lieu d’un seul, aux professionnels pour présenter leurs observations. C’était une manière d’entendre leurs remarques.

Les pratiques délictuelles seront plus sévèrement sanctionnées. Des cas récents de tromperie économique ont montré que de telles pratiques ne risquaient pas seulement de menacer la vie d’une entreprise, mais d’altérer la confiance des consommateurs et d’abîmer des filières entières. On l’a vu avec la viande de cheval, ce sont à la fin les salariés et les consommateurs qui paient l’addition. Il était logique que nous renforcions le niveau des sanctions. La multiplication par dix de l’amende relative aux fraudes majeures, ainsi que l’application d’un pourcentage du chiffre d’affaires pouvant aller jusqu’à 10 %, apparaissent comme des réponses à la fois proportionnées aux dommages causés aux consommateurs et à la filière dans les cas d’infraction les plus graves, mais aussi aux montants des bénéfices indus. J’entends ici ou là que ce serait excessif, c’est déjà, je le rappelle, le droit commun en matière de pénalité dans le champ du droit de la concurrence.

Ce projet de loi renforce également la protection des consommateurs en matière de vente à distance, qui représente 45 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour l’année 2012. Nous avons souhaité mieux protéger les consommateurs. Parmi les mesures, il y aura l’allongement de sept à quatorze jours du délai de rétractation pour les consommateurs et l’obligation de remboursement sous trente jours des pénalités courant après cette période.

Enfin, nous sommes soucieux de nous orienter vers une consommation responsable et génératrice d’emplois de proximité. Je veux ici saluer le travail remarquable de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale et du rapporteur pour avis M. Bricout, qui nous ont apporté, à travers bon nombre d’amendements, leur contribution sur ce sujet.

Nous voulons favoriser l’émergence d’alternatives au prêt-à-jeter. Le développement de modes de consommation plus responsables constitue non seulement une nécessité, mais aussi une demande de la part des consommateurs. Consommer mieux est une démarche citoyenne et volontaire, pour laquelle le consommateur s’érige, à raison, en acteur éclairé.

Comment consommer de manière plus durable sans savoir si un appareil défectueux peut être simplement réparé au lieu d’être remplacé ? Par ce projet de loi, nous renforçons l’information sur les garanties, mais aussi sur l’existence et la disponibilité réelle de pièces détachées nécessaires à la réparation d’un produit. Les vendeurs seront tenus de fournir aux consommateurs les pièces indispensables à l’utilisation d’un produit pendant la période indiquée par le fabricant ou l’importateur durant laquelle ces pièces sont disponibles.

Mieux informé, le consommateur pourra orienter ses achats vers des produits plus durables. Ces mesures feront du caractère réparable des produits un critère d’achat des consommateurs.

Un mot sur les indications géographiques protégées que nous allons étendre aux produits manufacturés.

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