Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 15h00
Respect de l'exception culturelle

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

Aux termes de la Constitution, le Gouvernement est maître de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. En supprimant purement et simplement le débat, prévu cet après-midi en séance publique, sur la proposition de résolution déposée par notre collègue Seybah Dagoma et consacrée au futur accord de libre-échange Europe-États-Unis, et en lui substituant un vrai faux débat tronqué sur l’exception culturelle, c’est à un véritable déni de démocratie, à une véritable imposture, que vient de se livrer le Gouvernement, à la fois sur la forme et sur le fond.

Sur la forme, le Gouvernement prend les parlementaires de tous les bancs pour des attardés mentaux en faisant mine de croire que la discussion sur l’exception culturelle, aussi importante soit-elle, puisse à elle seule remplacer le débat envisagé sur la totalité du traité. Le Premier ministre n’a apparemment pas eu le temps d’examiner ce dossier, ni le rapport de Mme Dagoma, pour découvrir que l’exception culturelle ne constitue que l’un des chapitres de cette négociation très complexe qui couvre l’ensemble des domaines clés de l’économie mondiale et de notre économie nationale.

Sur le fond, ce déni de démocratie est encore plus intolérable quand on sait que le commerce international est une compétence exclusive de l’Union européenne. C’est même, avec l’agriculture, l’un des très rares domaines où la politique de l’Union est proprement fédéralisée. Dès lors que le mandat sera donné, dans deux jours, au négociateur européen, M. Karel De Gucht, celui-ci aura toute liberté pour négocier au nom de l’Union et arbitrer lui-même entre les intérêts des différents États membres.

Le débat d’aujourd’hui était donc – j’insiste sur ce point, mes chers collègues – la dernière occasion pour l’Assemblée nationale de se prononcer sur ce traité avant le début de la négociation.

Il faut également savoir que ce traité ne sera pas présenté devant cette assemblée pour être ratifié. C’était donc aussi la dernière fois que la représentation nationale pouvait se prononcer sur les équilibres proposés par le Gouvernement, sur les différentes lignes jaunes et sur les problèmes que le Gouvernement entend soulever devant le négociateur.

Cette importance explique le soin avec lequel cette négociation a été suivie par l’ensemble des autres parlements dans les pays partenaires, en Europe et, bien sûr, aux États-Unis. Chacun comprend bien que les négociations commerciales entraînent des conséquences immédiates sur l’emploi et la compétitivité dans tous les pays.

Au nom du groupe UMP, je considère donc que la suppression, à la dernière minute, de ce débat par le Gouvernement revient à un scandaleux déni de démocratie. Le Gouvernement vient de piétiner les droits du Parlement. Il le fait tout simplement parce que, sur ce sujet particulier comme sur l’Europe, sa majorité est totalement divisée. Plutôt que d’affronter un débat qu’il aurait eu beaucoup de peine à contrôler, le Premier ministre a choisi de priver la nation d’un débat sur un sujet fondamental. Je le répète : c’est un scandale et une insulte pour les droits des parlementaires et de l’opposition. C’est aussi un signe inquiétant – je ne vous le cache pas – quant au mode de fonctionnement du pouvoir actuel.

Mes chers collègues, la République ne saurait pas vivre au rythme des marchandages, des amendements et des discussions, aussi respectables soient-ils, entre les différents courants du parti socialiste !

La France avait droit à un débat sur l’accord commercial entre l’Europe et les États-Unis : elle ne l’aura pas eu. En tant que parlementaire qui connaît un peu ces dossiers, je dois dire que c’est extrêmement grave. Ce n’est pas à l’honneur de ce Gouvernement.

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