Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 11 juillet 2012 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Une politique économique doit s'apprécier en fonction de la conjoncture. Si, comme dans les années 1950, la France connaissait le plein emploi et une pénurie de travailleurs, on pourrait à la rigueur subventionner les heures supplémentaires, ce qui permettrait d'accroître la production et de redistribuer les revenus – ce qu'il était du reste inutile de faire il y a soixante ans car les heures supplémentaires venaient spontanément. Dans une situation de fort chômage, en revanche, cette mesure est une arme de destruction massive. Il ne s'agit pas là d'une question idéologique, mais économique.

Subventionner les heures supplémentaires n'a aucun effet global sur le revenu national. En effet, en situation de fort chômage, lorsque le taux d'utilisation des capacités de production est très faible – il est actuellement inférieur de 4 points à la moyenne – et que leur activité est limitée par la demande, les entreprises recourent aux heures supplémentaires subventionnées sans embaucher en contrepartie. C'est là ce que les économistes appellent un « effet de substitution » : le pouvoir d'achat gagné par ceux qui ont un emploi est perdu pour ceux qui sont au chômage.

Monsieur Bertrand, l'essentiel de l'augmentation du revenu national tient à la création d'emplois. On constate en effet que les périodes de forte croissance du revenu disponible sont celles où la France a créé beaucoup d'emplois. Ainsi, entre 1997 et 2002, le revenu disponible a augmenté en moyenne de 3 %, et de 2 % par ménage ou « unité de consommation ». Dans les années où la France a créé peu d'emplois, comme dans les cinq dernières, la croissance du revenu disponible par ménage a été nulle, et très faible par unité de consommation.

Une politique économique ne se juge pas dans l'absolu. Or, dans la conjoncture actuelle, la politique menée par le précédent gouvernement, perdante en termes d'emploi, est complètement inadaptée.

J'en veux pour preuve la situation de l'Allemagne : au plus fort de la crise, en 2009, alors que la France dépensait 4,5 milliards d'euros pour subventionner les heures supplémentaires, l'Allemagne recourait massivement au Kurzarbeit, ou chômage partiel. Le taux de chômage, qui était à l'été 2008 de 7,5 % dans les deux pays, est aujourd'hui de 6 % en Allemagne et de 10 % en France. Les Allemands, qui abordent rarement les problèmes économiques d'un point de vue idéologique, mais le font avec pragmatisme, ont appliqué une politique adéquate et réduit le temps de travail. Celui-ci est en moyenne plus long de deux heures en France, avec 38 heures contre 35,5 heures, tandis que l'Allemagne a traversé la crise sans augmentation du chômage.

Je suis convaincu que, dans l'avenir, les cours d'économie citeront votre politique comme un exemple d'erreur économique – pas dans l'absolu, je le répète, mais au regard de la conjoncture.

En supprimant la subvention aux heures supplémentaires, le Gouvernement mène aujourd'hui une politique pertinente. Cette suppression n'aura aucun effet négatif sur le revenu disponible et aura un effet positif, même s'il est modeste, sur l'emploi – je rappelle à ce propos que les subventions accordées par le précédent gouvernement ont entraîné la perte de 90 000 emplois.

La TVA sociale serait peut-être justifiée elle aussi dans certaines conjonctures, mais elle est de même absurde dans la situation actuelle, où le problème est celui de la croissance de la demande. Les deux premiers articles du projet de loi de finances rectificative que nous examinons sont au contraire d'une totale efficacité économique.

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