Intervention de François Asensi

Séance en hémicycle du 3 octobre 2012 à 15h00
Ratification du traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'Union européenne est dans l'impasse. Elle traverse une de ses plus graves crises, c'est un constat partagé. Cette crise est celle de la finance folle, de la spéculation et de la dérive bancaire.

Prétendre que nous sommes dans la crise du fait du surendettement des États est une contre-vérité ! Ce mensonge est au coeur de la règle d'or.

Il y a urgence à sortir des aveuglements idéologiques qui nous ont conduits à cette débâcle économique et sociale.

Les députés communistes, républicains, du Parti de gauche, profondément attachés à l'idéal européen de paix et progrès, sont pleinement engagés dans cette bataille.

Non, l'Europe économique ne souffre pas des dépenses, si utiles, de ses États membres. Elle souffre de sa soumission au capitalisme financier et à ses logiques spéculatives.

Non, l'Europe politique ne pâtit pas de l'expression démocratique des citoyens européens. Elle pâtit d'une construction coupée des peuples, véritable monstre technocratique.

Endossée aussi bien par les sociaux-démocrates que par les libéraux-conservateurs, cette tragique erreur de diagnostic nous conduit à l'Europe de la misère et du chômage de masse ! Ce n'est pas une formule, dans un continent où 115 millions de personnes sont menacées de pauvreté ! Où plus de 50 % des jeunes Espagnols ou des jeunes Grecs sont au chômage !

À mauvais diagnostic, mauvais remède.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance n'est pas une cure salutaire, mais une potion si amère qu'elle risque d'anéantir l'économie européenne, de nourrir la défiance des peuples et de faire le jeu des pires nationalismes.

Votre règle d'or est une arme antidémocratique, antisociale et antiéconomique. Le traité que nous examinons aujourd'hui n'a rien d'anecdotique, contrairement à ce que prétend le Gouvernement depuis plusieurs semaines, avec l'aide du Conseil constitutionnel. Si tel était le cas, pourquoi un tel entêtement de la part de l'Allemagne ? Pourquoi un tel empressement du Gouvernement, qui engage la procédure accélérée pour couper court au débat avec les Français ?

Les dirigeants européens tentent de masquer les véritables enjeux de ce texte, rendu complexe à dessein. Mais les citoyens ne sont pas dupes.

Premièrement, ce traité bafoue la souveraineté du peuple français.

Deuxièmement, il transfère l'élaboration du budget de la nation aux institutions européennes et à leurs experts non élus.

Troisièmement, il vide de sa substance parlementaire notre assemblée.

Quatrièmement, il s'oppose au caractère social de notre République et détricote le programme du Conseil national de la Résistance.

Ce traité dicte à notre pays ses orientations politiques fondamentales, grave dans le marbre les politiques d'austérité et place les budgets nationaux sous tutelle et sous sanction. Il remet ainsi gravement en cause les fondements constitutionnels de notre démocratie, de notre République. Je m'attacherai à vous en convaincre en défendant cette motion de rejet préalable.

Chaque jour, la construction européenne aggrave un peu plus son déni démocratique. Une Europe sans les peuples, voilà le projet que vous semblez défendre ! Le traité d'austérité européen en est le dernier avatar. Le principe de souveraineté du peuple, inscrit à l'article 3 de notre Constitution, devient une formule plus qu'une réalité. Quitte à déranger, je tiens à rappeler que la crise démocratique en Europe a des racines profondes et des acteurs bien identifiés. En 2005, les peuples français et néerlandais ont repoussé le traité constitutionnel. À l'époque, nous avions gagné ensemble, monsieur le ministre des affaires étrangères !

Ce non à l'Europe des marchés financiers et à la concurrence libre et non faussée n'a pas été écouté. Nous payons encore le prix de cet autisme. À peine deux ans plus tard, en effet, le traité de Lisbonne reprenait les mêmes dispositions, de l'aveu même de son rédacteur, Valéry Giscard d'Estaing. Pour assurer le succès de ce passage en force, interdiction était faite aux États membres d'organiser un referendum sur ce texte. L'Irlande, seul pays constitutionnellement tenu à une consultation de son peuple, a dû s'y reprendre à deux fois pour parvenir à son adoption, en exerçant un chantage indécent en faveur du oui. En France, l'abstention de la majeure partie des députés socialistes et écologistes au Congrès de Versailles a permis à la droite de faire adopter ce traité. Ce fut une véritable forfaiture !

Après tant de scrutins foulés aux pieds, comment s'étonner de la défiance des citoyens à l'égard de la construction européenne ? Comment expliquer autrement le désamour des Européens et en particulier des Français envers l'Union ? Pour notre part, nous avons toujours défendu une même position. À chaque étape majeure de la construction européenne, le peuple doit être associé et consulté. Ses choix doivent être respectés. C'est le sens de la proposition de loi constitutionnelle de mon ami Marc Dolez, prévoyant que tout traité modifiant en profondeur nos institutions soit soumis aux Français.

Depuis 2005 et la trahison de la souveraineté populaire, jamais les Français n'ont été consultés sur l'orientation de l'Union européenne. Depuis ce péché originel, l'Europe avance contre les peuples. Il existe un principe républicain, simple et basique, auquel nous tenons : ce que le peuple a fait, seul le peuple peut le défaire. La souveraineté du peuple est inaliénable et les parlementaires ne peuvent être une nouvelle fois les censeurs du peuple. Le Conseil constitutionnel, garant de ce principe, aurait dû déclarer ce traité budgétaire européen incompatible avec notre Constitution.

La constance de notre position tranche singulièrement, disons-le, avec les engagements reniés de la social-démocratie. Comment accepter que le déni démocratique orchestré par M. Sarkozy et Mme Merkel se poursuive dans notre pays après l'élection d'un Président de la République de gauche ? Qu'il est loin, le temps où celui qui est aujourd'hui Premier ministre défendait une motion appelant à la consultation des Français, par référendum, sur la ratification du traité de Lisbonne ! Le référendum, disait-il, « est une exigence démocratique. Parce que l'Europe le vaut bien. Parce que c'est le droit des Français ». « Je ne veux plus, ajoutait-il, de cette Europe obscure, de cette Europe honteuse. Je veux une Europe au grand jour. »

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