Intervention de Jean-Christophe Cambadélis

Séance en hémicycle du 3 octobre 2012 à 15h00
Ratification du traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Cambadélis :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire – chaque mot a son importance – s'inscrit dans un mouvement d'organisation du processus décisionnel des pays de la zone euro, en cours depuis la fin des années 2000.

Il constitue une des pièces du puzzle de la solidarité et de la souveraineté européennes. En cent jours seulement, les engagements de campagne de François Hollande ont été tenus et le travail de conviction du chef de l'État auprès de ses partenaires européens a payé.

Le Président de la République ne voulait pas d'une « règle d'or » inscrite dans la Constitution. Le Conseil constitutionnel lui a donné raison. Il voulait un pacte de croissance pour faire contrepoids au pacte de stabilité. Il l'a arraché au sommet de Bruxelles des 28 et 29 juin. Il revendiquait la création d'une taxe sur les transactions financières. Il l'a obtenue. Il a exigé d'inscrire la question de la spéculation sur les dettes souveraines des États à l'agenda européen. La BCE achètera de manière « illimitée » la dette des pays en difficulté. La France a eu gain de cause : l'intégration solidaire est en marche. La gauche voulait mettre fin au « Merkozy ». C'est chose faite ! Voilà qui plaide pour l'approbation du traité européen.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous proposer quatre raisons de voter ce texte, même si beaucoup de choses ont déjà été dites.

La première, c'est qu'il correspond à une nécessaire solidarité, qui s'appuie sur des engagements précis. Les aides apportées depuis 2009 aux États en difficulté – Grèce, Irlande, Portugal – ne sont pas des aides européennes issues du budget européen. C'est regrettable, mais c'est ainsi. Elles ne sont pas non plus des mutualisations de la dette, et elles ne proviennent pas davantage d'un rachat de la dette par la BCE. On peut le regretter. Ce sont des aides financées sur les fonds des autres États membres de la zone euro – notamment de ses deux principaux acteurs, l'Allemagne et la France, dans un cadre bilatéral ou au sein du FESF, et demain du mécanisme européen de stabilité.

Dans ce contexte, les payeurs ne disposent pas de fonds infinis. Les gouvernements des États aidants ne peuvent s'engager – notamment en apportant des fonds de garanties au MES afin que celui-ci puisse emprunter sur le marché international – que s'ils ont l'assurance que les États aidés entreprendront de remettre en ordre leurs finances publiques.

La solidarité dans le domaine des aides versées s'appuie sur les engagements pris de diminuer les dépenses. De quel droit le Gouvernement français, par exemple, prélèverait-il des fonds sur les impôts qu'il collecte pour les prêter à des partenaires sans que ceux-ci s'engagent à les rembourser ? Et comment ces derniers pourraient-ils rembourser si leurs dettes ne diminuaient pas ?

J'entends les critiques, et je les partage. Mais puisque nous voulons faire de la politique sur ce sujet, je pose la question : où en seraient les mouvements populistes dans les pays contributeurs si les pays débiteurs n'avaient pas pris d'engagements en termes d'économies et de redressement ?

Par ailleurs, où en serions-nous si les pays de la zone euro n'étaient pas intervenus – certes avec retard – depuis 2009 aux côtés de la Grèce, du Portugal et de l'Irlande ? Où ces derniers auraient-ils trouvé les moyens de financer les retraites, les dépenses publiques et les investissements « non compressibles » ?

On peut, on doit s'interroger sur les rythmes du remboursement, sur la méthode et les objectifs de la politique d'austérité continentale instaurée par M. Sarkozy et Mme Merkel. On doit affirmer avec force que les exigences drastiques demandées aux peuples grec, espagnol et portugais n'ont pas débouché sur la réduction des dettes mais sur la récession. Mais on ne peut critiquer le fait qu'un mécanisme d'aide nécessite, en contrepartie, des engagements précis.

Le TSCG participe à la constitution d'un contrôle concerté et réciproque des priorités budgétaires des États membres de la zone euro. Il facilite l'instauration de la démocratisation des choix économiques en Europe. Certes, il n'en jette que les bases. Mais il devrait permettre, à l'avenir, de discuter ensemble des choix budgétaires nationaux, pour éviter, précisément, que les stratégies nationales des plus forts empêchent une utilisation optimale et stratégique des dépenses nationales.

Nous devons tout autant dialoguer avec les États qui connaissent des déficits excessifs – la France en fait partie – qu'avec ceux qui constatent des excédents et refusent de relancer leur consommation intérieure. Cette démarche, initiée par le MES et par le TSCG, conforte la solidarité entre États européens. En combinant leurs efforts, ils voient leur poids international renforcé.

Ainsi, le traité MES prévoit l'inclusion de « clauses d'action collective » dans tous les titres émis par les États de la zone euro à compter du 1er janvier 2013. Ces clauses, déjà pratiquées par un certain nombre de pays, dont les États-Unis, ont pour objectif de faciliter un accord entre l'emprunteur souverain et ses créanciers du secteur privé. Il s'agit notamment d'organiser en amont la représentation et la prise de décision des détenteurs d'obligations. Cela permettra d'éviter les difficultés que la Grèce a rencontrées à l'été 2011 lorsqu'elle a eu recours à cette opération.

La deuxième raison de voter ce texte est que la nécessaire remise en ordre des finances publiques ne dépouille pas les gouvernements nationaux de leurs capacités à agir, contrairement à ce que certains affirment. Le TSCG n'impose pas des règles mécaniques et définitives de bonne gestion financière et budgétaire. Dans son article 3, il impose à ses signataires de tendre à l'équilibre, voire à l'excédent budgétaire. Mais enfin, ce n'est pas une grande nouveauté ! Cet objectif figure déjà dans la version de 1997 du pacte de stabilité et de croissance ! Je ne voudrais pas être cruel, mais tous ceux qui ont participé au gouvernement de la France depuis cette date le savaient et l'ont accepté. Il ne faut pas qu'ils s'en offusquent aujourd'hui.

Par contre, deux voies sont mentionnées dans le TSCG pour intégrer au droit national le respect de l'exigence d'équilibre budgétaire : une révision constitutionnelle ou une loi organique. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a opté pour la seconde, choix validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 août 2012.

Il convient d'ailleurs de souligner que le gouvernement Fillon, sans prendre la peine de demander au Conseil constitutionnel de vérifier la conformité à la Constitution du TSCG, avait choisi l'inscription dans le marbre de la Constitution desdites règles d'équilibre,…

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