Intervention de Christian Eckert

Réunion du 11 juillet 2012 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert, rapporteur général :

Revenons à quelques fondamentaux. Il reste possible avec les nouvelles dispositions de faire toutes les heures supplémentaires que les besoins économiques commandent, dans le tourisme, l'agriculture et tous autres secteurs où un surcroît d'activité peut l'exiger. Vous avez tellement relevé les plafonds qu'ils ne sont quasiment jamais atteints. La vraie question est de savoir s'il appartient à l'État de « surpayer » ces heures supplémentaires, déjà majorées pour les salariés par leurs employeurs.

Le dispositif issu de la loi TEPA coûte plus de cinq milliards d'euros au budget de l'État. Je ne pense pas que dans la situation actuelle de nos finances publiques, il soit opportun de le conserver. D'après des chiffres communiqués par le Trésor, l'augmentation de revenu brut disponible qui en a résulté pour chaque ménage bénéficiaire n'est que de 1,2 % en moyenne – soit 0,3 % pour l'ensemble des ménages.

Avantage très limité, donc, pour le pouvoir d'achat, qui se paie par du chômage – car il est évident que recourir aux heures supplémentaires coûte moins cher à une entreprise que d'embaucher. Prenons l'exemple de Florange qu'en tant que Lorrain je connais bien et où j'ai même travaillé dans ma jeunesse pour payer mes études. Un haut fourneau y ayant été arrêté sans que les salariés soient licenciés, l'État y subventionne aujourd'hui des mesures de chômage partiel. Dans le même temps, l'acier qui pourrait y être fabriqué l'est dans les autres usines d'Arcelor Mittal à Dunkerque ou à Fos, où les ouvriers font des heures supplémentaires, exonérées de charges et défiscalisées. L'État paie donc deux fois pour un gain nul en termes d'emplois. Le cas est emblématique mais il y en a d'autres – je pense par exemple aux Fonderies du Poitou. Les entreprises gagnent sur les deux tableaux, mais la mesure est incohérente sur le plan économique.

Il arrive sûrement que des couples de salariés, qui gagnent quelques centaines d'euros de plus par an grâce à des heures supplémentaires exonérées de charges et défiscalisées, doivent assumer la charge d'un chômeur dans leur entourage proche. Ces gens peuvent, me semble-t-il, entendre qu'il est préférable à l'avenir, surtout en période de récession, que ces heures supplémentaires leur rapportent un tout petit peu moins, mais qu'il y ait moins de chômeurs.

Sur un an, entre 2010 et 2011 le volume d'heures supplémentaires effectuées a décru de 0,3 % – et même de 1,8 % dans le secteur de la construction. S'il y en a besoin dans tel ou tel secteur, est-ce à l'État de les encourager ?

S'agissant des enseignants, la défiscalisation et l'exonération de charges salariales représentent un coût de 319 millions d'euros. Dans toutes les académies ou presque, le nombre d'heures supplémentaires a augmenté – de 34 % en trois ans dans celle de Nancy-Metz et même de 47 % dans celle de Poitiers, comme me l'ont appris mes investigations en tant que rapporteur du comité d'évaluation et de contrôle sur la RGPP avec notre collègue François Cornut-Gentille. Mais cette augmentation, notamment dans le secondaire, est due bien plutôt à la diminution du nombre de postes, qu'à la défiscalisation. Si le métier d'enseignant est boudé dans certaines disciplines, permettez à l'agrégé de mathématiques que je suis de souligner que cette désaffection n'est pas nouvelle : il y a longtemps que les très bons matheux, plutôt que d'enseigner, s'orientent vers les métiers de la banque –, ce n'est pas seulement une question de salaire, mais aussi de conditions de travail. Celles-ci se sont beaucoup dégradées depuis dix ans : classes surchargées, alourdissement des tâches. Les décisions prises par l'ancienne majorité ne sont pas étrangères à la situation.

Pourquoi limiter le maintien des exonérations de charges patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de moins de 20 salariés ? Tout simplement, parce que ce seuil figurait dans la loi TEPA : l'exonération, normalement de 0,50 euro, y était portée à 1,5 euro en deçà de ce seuil. Vous aviez considéré que cette catégorie d'entreprises méritait un traitement spécifique. Pour une fois, nous sommes d'accord avec vous.

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