Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 9h30
Déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Alors pourquoi requérir auprès des ménages ce que nous n’osons imposer aux entreprises ? Cette dichotomie est étonnante. D’un côté, on donne 20 milliards d’euros aux entreprises par le biais d’un crédit d’impôt – en utilisant donc de l’argent qui ne leur appartient pas, et nous y étions favorables – sans contrepartie réelle. De l’autre, on propose aux ménages de débloquer la participation et l’intéressement qu’ils ont accumulés – c’est-à-dire leur argent –, mais en les obligeant à fournir des justificatifs. Nous ne sommes pas certains que cela soit bien accepté par les Français. N’est-il pas paradoxal d’appeler à une politique de la demande au niveau européen tout en privilégiant les entreprises au détriment des ménages au niveau national ?

La plupart des interventions dans le cadre de nos débats reposent sur l’hypothèse sous-jacente que toutes les formes d’épargne ont la même relation à la consommation. On aurait tort de croire que la transformation d’une épargne peu liquide – l’épargne salariale – en épargne liquide – l’épargne sur livret – n’a pas d’effet positif sur la consommation. Peut-être qu’à très court terme, en effet, l’épargne débloquée ne se traduira pas par un surplus de consommation. Cependant, même placée sur des livrets, elle viendra augmenter l’épargne liquide des ménages, qui ressentiront alors moins le besoin de constituer une épargne nouvelle, et qui pourront alors consommer davantage, non par à-coups sur une période de six mois, comme ce type de mesures les y incite, mais de façon plus lisse et plus continue.

Enfin, comme nombre de nos collègues l’ont souligné, il n’est pas certain que la consommation de biens durables favorise la production française. On pourrait même penser que c’est la consommation de biens courants et de services quotidiens qui pourrait être la plus à même de relancer la croissance. Or les Français n’utiliseront pas l’épargne débloquée pour des biens et services courants s’ils doivent conserver chaque facture !

Vous l’aurez compris : nous avons des doutes sur l’opportunité d’ajouter cette condition, même si son effet réel sera limité. En effet, au vu de la rédaction actuelle du texte et au-delà des bonnes intentions, on peut douter que l’obligation de conserver les factures sera respectée. Le texte n’indique pas combien de temps ces documents devront être gardés, ni même à quel moment les achats devront être réalisés. Si le déblocage est effectif au 30 décembre 2013, faut-il absolument que les achats aient lieu le 31 décembre, c’est-à-dire à la date butoir fixée pour ce dispositif ? Pourront-ils être réalisés en 2014 ? Peut-être pourriez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le rapporteur. Dans tous les cas, le manque de détails sur cette disposition minore grandement son impact réel.

Cet écart entre la volonté affichée et la précision législative pour concrétiser cette volonté fait écho à la référence au secteur automobile, qui n’a qu’une très faible valeur normative. D’ailleurs, pourquoi cette référence ? Pourquoi vouloir à tout prix orienter les achats des ménages vers ce secteur particulier ? Certes, l’industrie automobile française est importante, mais toutes les voitures achetées en France ne sont pas fabriquées dans notre pays, loin de là ! Beaucoup d’autres produits sans rapport avec l’automobile sont fabriqués en France !

Comme vous, monsieur le rapporteur, nous regrettons de devoir garder cette mention dans le texte final. Il aurait fallu pouvoir modifier une nouvelle fois le texte. Il aurait fallu au moins deux lectures de cette proposition de loi dans chaque chambre. Bref, il aurait fallu que le Parlement légifère, mais il ne le peut pas.

La multiplication des textes dont la portée législative est douteuse et le changement incessant de calendrier nous obligent, une fois de plus, à adopter des textes dans la précipitation. La loi relative à la mobilisation du foncier public a été invalidée en raison d’une erreur de procédure. Je pense aussi au projet de loi de finances pour 2013, que les sénateurs de la majorité ont dû repousser afin d’assurer son adoption avant la fin de l’année.

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