Intervention de Yann Galut

Réunion du 11 septembre 2013 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYann Galut, rapporteur :

Le 25 juin dernier, notre assemblée a adopté, en première lecture, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, et le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier. Mais le Sénat a, le 18 juillet, adopté le premier de ces deux projets de loi dans une version très éloignée de celle de l'Assemblée nationale et rejeté le second ; la commission mixte paritaire, réunie le 23 juillet, n'est pas parvenue à établir un texte commun sur les dispositions restant en discussion de ces deux textes.

S'agissant des principaux points de divergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat, je vous proposerai de rétablir le texte adopté par notre assemblée ; Mme Sandrine Mazetier a fait de même pour plusieurs articles dont la commission des Finances s'est saisie pour avis.

Les positions des deux assemblées ont néanmoins convergé sur un grand nombre de dispositions du projet de loi. Le Sénat a ainsi adopté conformes près de la moitié des articles du texte de l'Assemblée – trente sur soixante-trois – et a modifié d'autres articles sans que la philosophie du texte de l'Assemblée en soit altérée. Le Sénat a ainsi voté les dispositions suivantes : l'alourdissement des peines pour le délit de fraude fiscale aggravée et la création du délit de fraude fiscale en bande organisée, à l'article 3 du texte ; l'application du statut de repenti en matière de corruption, de blanchiment et de fraude fiscale, aux articles 1er ter et 3 ; la possibilité de porter les peines d'amende encourues par les personnes morales à 10 % de leur chiffre d'affaires en matière correctionnelle et à 20 % en matière criminelle, à l'article 1er bis ; l'aggravation des peines encourues pour les faits de corruption, à l'article 1er quater ; la création d'un délit d'abus de biens sociaux aggravé, à l'article 9 ter ; la protection des lanceurs d'alerte à l'article 9 septies, dont le Sénat a approuvé le principe, mais a réduit la portée, si bien que je proposerai de redonner à cette mesure sa pleine efficacité ; les articles 4 à 9 sur les saisies et confiscations, tous adoptés conformes ; la création d'un registre des trusts dont M. Éric Alauzet fut à l'origine, à l'article 3 bis B ; l'encadrement de la politique transactionnelle de l'administration fiscale, à l'article 3 bis F, et celui des prix de transfert – dispositif que notre assemblée avait voté à l'initiative de Karine Berger et Sandrine Mazetier –, à l'article 11 bis D.

Par ailleurs, le Sénat a complété le projet de loi par dix-sept nouveaux articles destinés à renforcer les moyens d'action des administrations fiscale et douanière, dont certains sont parfaitement compatibles avec le texte adopté par l'Assemblée nationale, et que Mme Sandrine Mazetier et moi-même proposerons à la Commission de conserver – le cas échéant en améliorant leur rédaction.

Cependant, et sans remettre en cause ni l'utilité ni l'importance des articles votés par le Sénat, les positions de nos deux assemblées sont très éloignées sur les articles qui constituaient le coeur des textes proposés par le Gouvernement et adoptés par l'Assemblée nationale, ce qui explique l'échec de la commission mixte paritaire. Il y a, entre nos deux textes, quatre points de divergence majeurs.

La première divergence porte sur l'article 1er, qui prévoit la possibilité pour les associations de lutte contre la corruption de se constituer partie civile. Le Sénat a supprimé cet article en invoquant une possible privatisation de l'action publique. La position du Sénat me paraît difficilement compréhensible pour des faits dont la dénonciation est rarissime puisqu'ils ne causent pas de victimes directes – ou alors qui s'ignorent. De plus, la défiance exprimée à l'égard des associations anti-corruption existantes me paraît totalement infondée, car celles-ci accomplissent un travail de grande qualité pour sensibiliser l'opinion publique au phénomène de la corruption et pour promouvoir la probité des agents publics et des élus. Je proposerai donc à la Commission de rétablir intégralement l'article 1er.

La deuxième divergence a trait à la création du procureur de la République financier que le Sénat a rejetée, préférant étendre les compétences du parquet et du tribunal de Paris. La solution privilégiée par le Sénat ne répond ni à la nécessité d'une autonomie des moyens dédiés à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, ni au besoin d'incarnation de la lutte contre ces infractions. Je vous demanderai donc de rétablir le texte de l'Assemblée instituant ce procureur financier, en reprenant toutefois une modification pertinente qu'avait introduite la Commission des lois du Sénat – avant que les articles ne soient supprimés en séance publique – concernant les modalités de désignation des magistrats instructeurs et du siège qui seront chargés de l'instruction et du jugement des affaires suivies par le procureur de la République financier.

La troisième divergence porte sur la faculté de recourir aux techniques spéciales d'enquête en matière de fraude fiscale en bande organisée, de grande délinquance économique et financière, et d'abus de biens sociaux aggravé : le Sénat a supprimé l'article 16 qui prévoyait cette possibilité, alors qu'elle est indispensable pour que la justice puisse agir efficacement contre une délinquance qui s'est considérablement complexifiée et internationalisée. Je vous proposerai donc de rétablir une telle possibilité.

Enfin, la quatrième divergence concerne les articles 10, 10 bis, 10 ter et 10 quater qui autorisent les administrations fiscale et douanière à se fonder sur des preuves d'origine illicite dans le cadre de redressements ou d'enquêtes administratives. Le Sénat a fortement restreint la portée du texte adopté par l'Assemblée nationale, au point de le priver d'une bonne partie de son intérêt : Mme Sandrine Mazetier, au nom de la commission des Finances, proposera de rétablir le texte de l'Assemblée nationale, démarche qui recueillera évidemment mon soutien.

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