Intervention de Patrick Sellin

Réunion du 10 septembre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Patrick Sellin, président de la chambre d'agriculture de Guadeloupe :

Merci, monsieur le président Fruteau, pour votre invitation, à laquelle nous avons répondu avec enthousiasme. Et merci à tous, en vos grades et qualités.

L'équipe que j'ai l'honneur de présider est animée par la volonté de lutter contre le chômage, qui affecte 70 000 personnes sur le territoire de la Guadeloupe. Nous avions d'ailleurs intitulé notre liste « L'agriculture pour tous ». En effet, nous estimons qu'aujourd'hui l'agriculture est un des rares secteurs qui peut favoriser l'insertion sociale, créer de la richesse, et, par là même, s'attaquer au fléau du chômage. Pour autant, la mission de la chambre d'agriculture – et nous y sommes très attachés – consiste à défendre l'intérêt du monde agricole et à l'accompagner dans sa diversité.

En premier lieu, la diversité des modes de commercialisation et de stratégie de création de valeur ajoutée : elle passe par l'organisation des professionnels et par les circuits courts – moyen, qui sont bien à même, selon nous, de valoriser nos produits locaux.

En second lieu, la diversité des systèmes de production et des orientations technico-économiques : les productions traditionnelles de cannesucre et de banane sont « le poteau-mitan », c'est-à-dire le pivot de nos exploitations. Il convient de les maintenir et leur maintien passe, notamment, par cette loi d'avenir.

En troisième lieu, la diversité des acteurs de territoires : celle-ci est due à l'existence de petites régions naturelles et donc à la faiblesse de la taille des exploitations. Il faut en tenir compte. La notion de « petite exploitation agricole » qu'on a en tête dans l'hexagone ne s'applique pas chez nous, où les surfaces sont encore plus petites.

En dernier lieu, la pluriactivité des exploitations.

La chambre d'agriculture souhaite que la diversité, la richesse et les caractéristiques des DOM soient reconnues, notamment, par la loi d'avenir agricole, et que cette reconnaissance se traduise dans les choix de développement, les mesures d'accompagnement, et dans le respect d'un certain nombre de règles communes.

Les entreprises agricoles de Guadeloupe n'ont rien à voir avec celles de l'hexagone. Les surfaces sont faibles, ce qui rend leur exploitation complexe. Pour certains, ce n'est pas une situation porteuse d'avenir, mais nous y croyons fortement. Nous avons un combat à mener dans le domaine social, particulièrement contre le chômage.

Madame la rapporteure, vous nous avez interrogés sur les structures agricoles. Sachez que nous voulons faire des GIEE (groupements d'intérêt économique et écologique) un élément moteur de l'accompagnement des petites exploitations qui se trouvent en dehors des organisations professionnelles, en raison de leur taille modeste et de leur faible production. Celles-ci en ont besoin pour vivre et pour résister, dans un contexte social fort difficile.

Nous devons par ailleurs nous préoccuper de la protection de la production locale. Nos régions ont passé des accords de partenariat économique mais, dans certains domaines, nous ne sommes pas compétitifs. Nous ne pouvons pas utiliser les mêmes produits que nos partenaires. D'un côté, nous n'avons pas accès à certaines molécules. De l'autre, nous nous sommes engagés dans une dynamique de produits propres. Nous attendons donc un signal fort du législateur, quel que soit d'ailleurs ce signal. Ce pourrait être, par exemple, la mise en place d'une mention « produit pays », lequel se différencierait des produits de la zone.

Il faut clairement renforcer le rôle des chambres d'agriculture, en liaison avec les caractéristiques de nos régions. Si les fonds CIOM (Comité interministériel de l'outre-mer) ont favorisé le développement rapide des structures chargées de procéder à des transferts d'innovation, l'absence de moyens des organismes chargés d'assurer un encadrement technique à proximité ou de faire de la vulgarisation n'a pas permis de stopper la diminution de la production agricole – pour la production bovine, le taux de couverture du marché est passé de 56 à 45 % ; et pour la production de volaille, de 33 % à 1 %.

Il faut également sécuriser le financement des chambres d'agriculture. Nous aurions aimé que la taxe TATFNB (taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties), qui représente environ 20 % de notre budget, soit revue en faveur des DOM.

Nous nous préoccupons aussi de l'installation des jeunes. Celle-ci est conditionnée par le départ des anciens. Or, chez nous, les anciens ne partent pas car, une fois à la retraite, ils ne touchent que 500 à 600 euros – et au mieux 650700 euros par mois. Il faut donc mettre en place un dispositif favorisant le départ des anciens, et, par la même, l'installation des jeunes. C'est une condition sine qua non. Cela suppose, à notre avis, de prendre des mesures spécifiques.

Nous vous proposons de vous inspirer de la réforme foncière qui a été menée précédemment en Guadeloupe, et qui s'est appuyée sur la mise en colonat des petites parcelles et sur l'institution d'une indemnité de retraite volontaire, l'IRV, visant à libérer le foncier.

Tous les jeunes n'ont pas la vocation de devenir chefs d'exploitation agricole. Reste que nous devons encourager l'installation des jeunes agriculteurs et aider les anciens à partir, par exemple en leur versant une aide qui viendrait s'ajouter à la retraite actuelle – que l'État n'est pas en mesure d'augmenter dans la situation que connaissent aujourd'hui les caisses. Après tout, au moment de la réforme foncière, le système s'est avéré efficace. Évidemment, la Guadeloupe n'est pas extensible, et il ne faut pas compter trouver indéfiniment des surfaces de 1 000 ou 2 000 mètres carrés. Par ailleurs, il conviendra de respecter les PLU des communes et prévoir un encadrement juridique

Mesdames et Messieurs, telle est la dynamique dans laquelle s'inscrit la chambre d'agriculture de Guadeloupe.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion