Intervention de Louis-Daniel Bertome

Réunion du 10 septembre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Louis-Daniel Bertome, président de la chambre d'agriculture de la Martinique :

Mesdames, Messieurs les députés, monsieur le président, je suis particulièrement heureux d'être ici avec vous et d'être entendu par une amie avec laquelle j'ai travaillé longtemps dans des organisations agricoles : je veux parler de Chantal Berthelot. Cette audition sur les problématiques de notre agriculture me semble être une très bonne chose dans la perspective de cette loi d'avenir.

La loi d'avenir pour l'agriculture que propose le Gouvernement doit comporter un volet outre-mer. Ce volet offre l'opportunité de construire un cadre de développement plus adapté aux agricultures ultramarines, en mettant en place des règles valorisant toutes les formes d'agriculture que l'on retrouve dans les DOM. Ainsi, la chambre d'agriculture de la Martinique attend de la loi en préparation une orientation nouvelle et des leviers d'action favorisant l'implication d'un maximum de producteurs et de systèmes de production et de commercialisation, dans la perspective du maintien de nos positions à l'exportation, bien sûr, mais également et surtout, de la satisfaction de la demande alimentaire interne.

La chambre d'agriculture de la Martinique fait donc le choix de l'inclusion et de la diversité comme leviers de valorisation du potentiel agricole et agroalimentaire qui reste à exploiter. Cela suppose des outils et des mesures adaptées à la diversité des situations. Cette ambition de la chambre d'agriculture l'amène à proposer, en particulier, d'utiliser les statuts des GIEE comme des outils de la professionnalisation et de l'organisation des exploitations qui, par leur taille et leurs pratiques, sont encore en marge des politiques publiques, alors même qu'elles contribuent à l'équilibre économique et social des zones rurales.

L'intérêt d'un volet outre-mer dans la loi d'avenir serait de compléter la nécessaire politique des « filières » en cours par une politique visant la consolidation de l'ensemble des unités de production, en particulier celles qui sont aujourd'hui peu impactées par le soutien public du fait de leurs caractéristiques, et qui, pourtant, font la preuve de leur pertinence environnementale, de leur fonction de stabilisateur social, de leurs effets sur les paysages ruraux et de leur contribution à la sauvegarde de la biodiversité.

Il s'agit, en fait, de faire correspondre des politiques agricoles publiques à l'identité agricole portée aujourd'hui par la société. Cette identité agricole passe, selon moi, par une agriculture diversifiée, assurant la sécurité alimentaire de la population, des innovations agroalimentaires, une transformation artisanale, une production agricole de qualité, des produits de terroir, des pratiques agricoles non agressives pour l'environnement, et une agriculture socialement équilibrée.

Les Martiniquais ont manifesté leur intérêt pour leur agriculture, mais dans le même temps, leur scepticisme vis-à-vis du modèle unique d'agriculture intensive et exclusive qu'induisent les politiques publiques. Réconcilier le Martiniquais avec son agriculteur et son agriculture est, à notre sens, le défi que doit relever le volet outre-mer de la loi d'avenir agricole. Il ne s'agit pas de remettre en cause ce qui a été fait. Le programme de soutien public en vigueur a permis certaines réussites. Il s'agit, positivement, de favoriser l'émergence et le soutien de toutes les initiatives agricoles locales.

Du fait de l'application des règles générales qui régissent l'agriculture française et européenne, un pan important de notre agriculture est menacé de marginalisation ou de disparition. Donnons à toutes les formes d'agriculture les moyens de contribuer à la croissance agricole outre-mer, en complément des filières qu'il convient de consolider. Tel est le sens des propositions que nous avons formulées, et qui font l'objet de huit fiches thématiques :

Premièrement, pour accompagner la professionnalisation et l'organisation des exploitations de type traditionnel, doter celles-ci d'un statut juridique spécifique sur la base du concept GIEE, et favoriser le développement des marchés de producteurs.

Deuxièmement, pour sauvegarder et renforcer le foncier agricole disponible, rendre obligatoires les zones agricoles protégées, les ZAP, et taxer les réserves spéculatives. En effet, de nombreuses communes déclassent des terres agricoles sans procéder à aucune urbanisation.

Troisièmement, pour la sécurité alimentaire de la population, élargir le contrôle sanitaire des produits alimentaires importés, et instituer une certification sanitaire des exploitations.

Quatrièmement, pour favoriser l'installation, instaurer une bourse mensuelle de démarrage en cas de création d'exploitation, et créer un statut de tuteur pour le cédant volontaire à la transmission.

Cinquièmement, pour accroître l'attractivité de l'agriculture : élargir la possibilité d'affiliation à l'ensemble des productions – certains agriculteurs ou cultivateurs ne peuvent pas être affiliés à la MSA et ne peuvent donc pas avoir le statut d'agriculteurs ; mettre en place un dispositif de retraite complémentaire pour les salariés agricoles des DOM, qui sont les seuls travailleurs de France à ne pas pouvoir en bénéficier.

Sixièmement, pour favoriser l'innovation, en cohérence avec les objectifs de la politique agricole, codifier les RITA (réseaux d'innovation technique agricole), confier aux RITA décentralisés le pouvoir d'agrément et de financement des programmes d'expérimentation et de transfert.

Septièmement, pour favoriser le financement de toutes les initiatives agricoles, renforcer la capacité financière des coopératives, ouvrir les aides publiques à la commercialisation – dont le POSEI – aux organisations de marchés de producteurs.

Enfin, pour consolider les chambres d'agricultures, définir un taux spécifique de la TATFNB pour les DOM, et faire du contrat d'objectifs un outil de copilotage du développement agricole entre l'État, les collectivités territoriales et la chambre d'agriculture.

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