Intervention de Jean-Philippe Nilor

Réunion du 10 septembre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Nilor :

Je vous remercie, Messieurs, d'avoir accepté de participer à notre débat et je salue la richesse de vos interventions. Mais au-delà du constat, j'aimerais que vous analysiez les causes profondes des difficultés que rencontrent nos agricultures ultramarines.

Ma question va peut-être choquer certains d'entre vous, mais quel est l'intérêt, du point de vue parisien, de développer l'agriculture dans nos régions ultramarines ? On peut légitimement se poser cette question car le développement de l'agriculture ne peut être une exigence que d'un point de vue local.

Certes, les difficultés d'installation auxquelles sont confrontées les jeunes agriculteurs peuvent être attribuées au fait que les vieux ne veulent pas quitter leurs terres, mais ils ne peuvent faire autrement compte tenu du faible montant de leur retraite. La retraite des exploitants non salariés n'est pas calculée de la même manière qu'en métropole : elle ne se base pas sur le revenu déclaré mais sur la surface réelle pondérée. Ce système nous est préjudiciable. De nombreux parlementaires sont intervenus pour le dénoncer, mais à ce jour rien n'a changé.

Je suis intervenu personnellement sur la question des retraites des salariés agricoles en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion – le système est moins défavorable en Guyane. Aux termes de l'article 73 de la Constitution, il ne relève pas du droit commun mais de la dérogation. Quoi qu'il en soit, je constate que lorsqu'une disposition nous est défavorable, elle nous est imposée. Monsieur le président, ces questions doivent être posées avec force au Gouvernement.

Les difficultés liées à l'installation des jeunes agriculteurs viennent également de la structure de la propriété du foncier. En Martinique, une grande partie des terres agricoles est détenue par un petit groupe de personnes et ne sont donc pas facilement accessibles sur le marché, et le manque de terres n'est pas dû uniquement aux indivisions et aux friches mais à la floraison de panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles. Le développement des énergies alternatives est un choix politique qui ne doit pas se faire au détriment de l'agriculture. Pourquoi celle-ci est-elle toujours le parent pauvre des politiques publiques ?

La prééminence de monocultures d'exportation ne favorise pas non plus l'accès des jeunes agriculteurs. La canne et la banane sont des cultures qui doivent être préservées, faute de mieux, mais une agriculture basée sur les matières premières, sans transformation, donc sans valeur ajoutée, et exportée vers la métropole, est une agriculture fragile. De surcroît, elle rend plus difficile l'accès à la terre pour les jeunes exploitants qui choisissent une filière de diversification.

Vous proposez de développer les circuits courts. Mais existe-t-il réellement une alternative au développement des importations ? Dans les grandes surfaces, les produits agricoles sont majoritairement des produits importés, soit de la Caraïbe ou du Costa Rica, soit de France, voire d'Europe. Certaines filières peuvent-elles être structurées de manière pérenne ? Existe-t-il des perspectives en matière de transformation de nos productions agricoles ?

Je pense, pour ma part, que mis à part les produits uniques, qui font l'objet d'une promotion exceptionnelle ou qui n'existent pas sur les autres continents, nous serons forcément en concurrence avec des pays qui produisent à des coûts très inférieurs aux nôtres et ne respectent pas les mêmes règles. Face à cette réalité, la transformation des produits pour leur apporter de la valeur ajoutée me paraît inévitable.

En bref, au-delà des discours, des postures et des intérêts particuliers, l'agriculture a-t-elle un avenir en outre-mer ?

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