Intervention de Louis-Daniel Bertome

Réunion du 10 septembre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Louis-Daniel Bertome, président de la chambre d'agriculture de la Martinique :

Faute de temps, je ne répondrai pas à toutes les questions posées par M. Nilor, mais je suis à sa disposition pour aborder tous les sujets qu'il a évoqués dans le cadre de la préparation de la loi d'avenir pour l'agriculture.

Nous avons tous des projets pour notre agriculture. Lorsque j'ai démarré mon activité agricole, un ancien m'a rappelé que les gens se nourrissaient trois fois par jour et qu'il était préférable que nous leur fournissions nous-mêmes les produits de leur alimentation… L'agriculture dont nous avons hérité est basée sur un certain nombre d'équilibres qu'il est nécessaire de conserver parce qu'ils permettent la fourniture de produits agricoles à nos populations et contribuent à l'équilibre de la balance des paiements. Contrairement à beaucoup de nos voisins de la Caraïbe, qui sont indépendants et responsables de leur situation, nous sommes en mesure de financer ce que nous importons par ce que nous exportons – nous réalisons même un excédent – même si nous ne produisons pas de riz, de lentilles ou de haricots rouges qui sont pourtant une base de notre alimentation.

Un certain nombre de nos handicaps est lié au fait que nous nous trouvons dans le concert français et européen qui nous impose des normes très différentes de celles qui régissent la production de nos voisins. À Sainte-Lucie, par exemple, les bananes sont produites avec des procédés qui nous sont interdits. À Saint-Domingue, il existe une production de bananes bio, or elles sont beaucoup moins saines et moins propres que les bananes de Martinique car elles sont produites avec des techniques et des produits interdits chez nous. Mais je préfère cultiver dans les conditions qui sont les nôtres car notre production est sécurisée.

Je m'occupe du foncier en Martinique depuis trente ans. Je connais des agriculteurs qui ont acheté des terres et maintenant qu'ils sont à l'âge de la retraite, ils ne veulent pas les libérer, préférant demander au maire de les déclasser. S'ils agissent ainsi, c'est parce que le montant de leur retraite est insuffisant. Un homme qui possédait une grande exploitation me disait récemment qu'il ne pouvait pas partir à la retraite car il ne percevrait que 700 euros par mois. Il a vendu quelques parcelles et conservé dix hectares qu'il continue à exploiter.

Nous pouvons sans doute développer des activités sur les terrains dont nous disposons, à condition de faire en sorte que tous les agriculteurs soient les bénéficiaires des politiques publiques. À la chambre d'agriculture, nous nous battons depuis longtemps pour cela et je suis heureux de voir que mes collègues des autres DOM mènent la même bataille, y compris ceux de La Réunion – où seulement 20 % des agriculteurs sont concernés par les politiques publiques, 80 % d'entre eux ne recevant aucune aide. Il faut que tous les agriculteurs puissent vivre, et pour cela il convient de les aider, tout au moins ceux qui s'organisent pour vendre sur les marchés locaux, par exemple, ou pour constituer une association. Or, actuellement, ceux qui sont groupés en association ne perçoivent aucune aide. Ce sont pourtant ceux-là qui ont besoin d'aide. Nous ne pouvons continuer à perdre des agriculteurs simplement parce que nous n'avons pas voulu les aider.

Nous avons fait un certain nombre de propositions en ce sens. Actuellement, l'aide à l'installation s'adresse aux agriculteurs âgés de moins de 40 ans. C'est dommage, car beaucoup souhaitent s'installer après avoir suivi un parcours professionnel ou après avoir cherché une terre pendant dix ans. Lorsqu'ils s'installent, on refuse de les aider parce qu'ils ont plus de 40 ans ! Je souhaite que la loi instaure un système qui permettra d'aider les agriculteurs à s'installer, même s'il n'est pas financé par les fonds européens. Un certain nombre d'agriculteurs doivent défricher leur terrain, ce qui fait que pendant une période qui peut aller jusqu'à cinq ans, ils ne perçoivent aucun revenu. Si nous ne les aidons pas, ils ne peuvent pas rester dans l'agriculture.

Nous avons de nombreuses propositions à vous faire, mais il faut que nous sortions de la stricte réglementation destinée aux grandes cultures de pays tempérés, qui est peu adaptée à nos petits territoires et à nos difficultés spécifiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion