Intervention de René Dosière

Réunion du 11 septembre 2013 à 16h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière, rapporteur :

Monsieur le président, vous avez souligné que je rentrais d'une mission parlementaire de la commission des Lois en Nouvelle-Calédonie. J'indique que nous allons faire, sur cette mission particulièrement intéressante et enrichissante, un rapport d'analyse qui devrait sortir le 11 octobre, juste avant une réunion importante pour la Nouvelle-Calédonie. Il serait intéressant que nous puissions en débattre dans la mesure où il traitera des difficultés que nous avons pu découvrir sur le territoire. Pour l'heure, nous parlons d'un texte essentiellement technique, qui ne soulève aucune difficulté et est plutôt consensuel puisque réclamé par le gouvernement local.

Permettez-moi un bref rappel institutionnel. La Nouvelle-Calédonie est un territoire sui generis, c'est-à-dire qu'elle n'est plus une collectivité territoriale de la République. Certains modes de fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie dérogent à nos normes constitutionnelles et font l'objet d'un chapitre particulier de la Constitution. Ils résultent de l'accord signé en mai 1998 à Nouméa par les partenaires locaux et le Gouvernement français.

Les grandes lignes de ce dispositif sont les suivantes :

D'abord, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a une vocation parlementaire en matière de lois dites de pays, qui sont directement soumises au Conseil constitutionnel sans plus passer par l'Assemblée nationale. C'est le seul territoire de la République aujourd'hui dont l'assemblée locale a un pouvoir parlementaire, ce que l'on pourrait considérer comme un premier pas vers une république française fédérale.

Ensuite, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est constitué « à la proportionnelle », selon une formule originale qui réunit indépendantistes et non-indépendantistes.

Autre particularité, tous les Calédoniens, qu'ils soient d'origine kanak, européenne ou autre, sont français mais seuls ceux que l'on appelle « citoyens de la Nouvelle-Calédonie » ont le droit de vote aux élections provinciales : ce sont les personnes qui se trouvaient en Nouvelle-Calédonie en 1998, au moment du vote de l'accord de Nouméa. Ils constituent un corps électoral figé. Les élections provinciales sont celles qui intéressent le plus les Calédoniens puisque les compétences sont réparties entre les provinces, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie étant lui-même issu des élections provinciales. Les citoyens de la Nouvelle-Calédonie ont une priorité en matière d'emploi local : lorsque des emplois sont ouverts dans le secteur privé, à diplômes et compétences équivalents, ils leur sont attribués en priorité sans que cela soulève de problème particulier. Le Congrès a défini 200 à 250 types d'emploi dans le secteur privé pour lesquels les candidatures doivent faire l'objet de vérification. Très souvent, d'ailleurs, pour un grand nombre de postes, la qualification ou la formation n'existe pas sur le territoire, ce qui laisse toutes leurs chances aux autres candidats.

Particularité encore, les transferts de compétences effectués de la métropole vers la Nouvelle-Calédonie sont irréversibles. Certaines compétences sont anciennes. Ainsi, depuis 1945, la Nouvelle-Calédonie est souveraine en matière de fiscalité. Elle décide elle-même de ses règles fiscales, les services fiscaux dépendent du gouvernement local et aucune ressource perçue sur le territoire ne revient en métropole, comme d'ailleurs en Polynésie. D'autres compétences ont été transférées à la suite de l'accord de Nouméa. C'est le cas, en 2000, de l'enseignement primaire, par exemple. Puis, selon les termes de l'accord, progressivement, seront transférées d'autres compétences, la dernière étant l'enseignement secondaire.

Tout cela est justifié par le fait que la Nouvelle-Calédonie a vocation – ce qui ne signifie pas l'obligation – à l'indépendance ou à la souveraineté. Il appartiendra à la population locale d'en décider. En vertu de l'accord de Nouméa, il est prévu, au plus tard en 2018, la tenue d'un référendum local par lequel les Calédoniens diront s'ils veulent récupérer les dernières compétences qui leur manqueront, c'est-à-dire les compétences régaliennes : justice, police, armée. Tout le débat est de savoir comment l'accès à cette souveraineté peut se faire tout en restant dans l'ensemble français, puisqu'on n'a pas senti de volonté de rupture. En attendant, des élections provinciales auront lieu en mai 2014, qui seront fondamentales puisque les élus qui en seront issus décideront de la suite du processus.

Le texte dont nous sommes saisis a été demandé, d'une part, par le gouvernement calédonien et, d'autre part, par le comité des signataires. Ce comité, qui a vocation à suivre l'application de l'accord de Nouméa, était constitué au départ par tous ceux qui l'ont signé. Seulement, ceux-ci commencent à décéder les uns après les autres et il finit par ne plus en rester beaucoup. Par ailleurs, la situation politique s'étant un peu éparpillée dans tous les camps, on a décidé d'associer au comité des signataires des représentants de pratiquement toutes les forces politiques, ce qui représente à peu près une quarantaine de personnes. Tous les ans, le Premier ministre réunit ce comité pour faire le point. En 2012, des propositions ont été faites ; ce sont celles que l'on retrouve dans le projet de loi organique. Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a donné un avis favorable unanime à ce texte, puisque le Gouvernement a choisi de n'y mettre que les dispositions faisant consensus.

Ce texte comporte trois dispositions principales. La première donne à la Nouvelle-Calédonie la possibilité de créer des autorités administratives indépendantes, en particulier une autorité de la concurrence. Ce dispositif n'a pas été facile à mettre en oeuvre parce que le Conseil d'État avait fait remarquer, sur un avant-projet, qu'une grande partie de ce qui concernait cette autorité de la concurrence était de compétence calédonienne et que nous n'avions, par conséquent, pas à intervenir. Il a donc fallu, au Sénat, à l'initiative de la rapporteure, Mme Catherine Tasca, préciser un peu les choses. C'est l'objet de l'article 1er.

Une autre disposition permet de créer des sociétés publiques locales, à l'exemple de ce qui se passe en métropole. Les Calédoniens ont en effet demandé, pour gérer certains services publics locaux, à disposer de ce type de société où la collectivité publique – souvent la collectivité provinciale – va être actionnaire à 100 % et ne sera donc pas soumise aux règles de la concurrence. Au passage, il est curieux de créer, dans le même texte, une autorité de la concurrence et un dispositif non soumis à la concurrence.

D'autres dispositions modifient à la marge le fonctionnement des institutions, qui est, actuellement, pour le moins chaotique et un peu hésitant. Sans toucher à ce fonctionnement, on se contente d'introduire quelques précisions relatives au règlement intérieur et à certaines dispositions d'information budgétaires, déjà applicables dans nos collectivités mais pas en Nouvelle-Calédonie. Il est vrai que le statut date de 1999 et que, depuis lors, des évolutions ont eu lieu en métropole dont il s'agit de tirer les conséquences.

L'autre texte portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est un projet de loi ordinaire qui tire les conséquences ordinaires de quelques-unes des dispositions de la loi organique. Il porte également ratification de toute une série d'ordonnances relatives à la Polynésie, à Mayotte et autres. Les parlementaires ont la possibilité de présenter des amendements. C'est ainsi que notre collègue, Mme Chantal Berthelot, a pensé trouver là un vecteur pour sa proposition de loi sur l'orpaillage en Guyane. Reste à savoir jusqu'où nous pourrons aller pour enrichir ce texte.

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