Intervention de Éric Alauzet

Réunion du 11 octobre 2012 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet, Rapporteur spécial :

J'ai, pour la première fois, l'honneur de présenter ce rapport sur la sécurité alimentaire, sans avoir pu, hélas, procéder à toutes les auditions que j'aurais souhaitées. Je n'ai en effet rencontré que le directeur de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansès), ce qui limite un peu ma perception du dossier.

Depuis plusieurs années, mon prédécesseur l'avait déjà souligné, la direction générale de l'alimentation (DGAL) peut être considérée comme une administration exemplaire, tant dans sa gestion que dans ses demandes de crédits. Son budget représente aujourd'hui 0,13 % des crédits de l'État, soit un peu plus d'un demi-milliard d'euros, en augmentation de 4 %.

Elle assure la transcription et la mise en oeuvre de la réglementation européenne, la traçabilité de l'ensemble de la chaîne alimentaire – animaux et végétaux –, le respect sur le terrain de la réglementation relative aux OGM, les contrôles sanitaires dans les exploitations animales – vaccinations, contrôles et décisions portant sur les animaux malades – ainsi que dans les abattoirs, enfin les contrôles à l'importation. Pour remplir efficacement ces tâches au meilleur coût, elle a développé des liaisons, d'une part avec les institutions européennes spécialisées, d'autre part avec les professionnels. Nombre de ses tâches sont accomplies, sous son contrôle étroit, par les professionnels du secteur, les vétérinaires ou encore les agriculteurs et leurs groupements.

Dans certains secteurs, comme l'équarrissage, elle a réussi à susciter la constitution de filières de valorisation des sous-produits pour des activités qui, autrefois, représentaient essentiellement une charge pour l'État.

Au regard de l'ensemble des missions de la DGAL, son budget est sous tension. Car pour couvrir l'ensemble des domaines de sa compétence avec le professionnalisme nécessaire, les moyens humains arrivent désormais à un étiage. Alors même que, pour des raisons techniques, un effet de ciseaux, comme dans beaucoup d'autres domaines, se développe entre rémunérations des personnels et effectifs. En 2013, le plafond d'emplois du programme continue de diminuer, perdant encore 97 équivalents temps plein travaillés, pour n'en atteindre que 4 579. Malgré cela, la charge des dépenses de personnel augmente de 12,3 millions d'euros, accroissement principalement dû à la charge des cotisations d'équilibre au compte d'affectation spéciale des pensions, qui passe de 70,7 à 78,3 millions d'euros.

La gestion au meilleur coût, permise par une organisation au plus près du terrain, a maintenant atteint ses limites, les crédits de la mission devant être réabondés en cas de crise sanitaire. Ainsi l'exercice 2011, pour lequel 509,5 millions d'euros avaient été inscrits, contre 561,3 en 2010, s'était clos par une dépense de 546,2 millions d'euros.

Or, dans un contexte où la confiance de nos concitoyens s'émousse et où les Français se préoccupent de l'impact de l'environnement sur la santé, les actions du programme 206 sont primordiales et exigent la mobilisation de moyens importants, d'une part afin de renforcer la surveillance de l'alimentation et les contrôles afférents, d'autre part de réaliser des études au long cours. À un moment où les signalements et les controverses n'ont jamais été aussi fréquents, il faut privilégier, en face des nouveaux risques sanitaires et environnementaux, une logique préventive plutôt que curative.

Dans ces conditions, on comprendra que les 4 % de hausse des crédits du programme 206 constituent bel et bien une participation à la maîtrise des comptes de l'État, alors même que son champ d'action est extrêmement sensible non seulement pour la santé de notre agriculture, mais aussi pour celle de nos compatriotes. Cette augmentation marque également l'importance que le Gouvernement accorde à ces thèmes.

Les crises sanitaires traversées par notre société au cours des dernières années avaient en commun une apparition brutale de leurs manifestations, une origine virale ou microbienne, une traçabilité que l'on est parvenu, tôt ou tard, à suivre, enfin une capacité des pouvoirs publics à contenir puis à éradiquer les risques.

Nous voilà maintenant exposés à des menaces plus lentes, plus sournoises et donc plus difficiles à cerner, avec une forte inertie, aussi bien lors de leur apparition que de leur disparition. Elles ne sont plus d'origine virale ou microbienne mais chimique et complexe. Ce sont les risques sanitaires environnementaux, que le Président de la République a parfaitement pointés lors de son discours d'ouverture de la conférence environnementale en soulignant que l'on doit interroger, à propos des conséquences de la dégradation de notre environnement, sur l'augmentation d'un certain nombre de pathologies chroniques, souvent générées par des produits chimiques. Il en va ainsi des maladies dégénératives, notamment des cancers et des maladies cardio-vasculaires, sans doute favorisées par des perturbateurs endocriniens ou par les OGM, comme tend à le démontrer l'étude du professeur Gilles-Éric Séralini. D'autres questions se posent de la même façon, au titre des nanotechnologies et autres.

Les pouvoirs publics seront donc de plus en plus sollicités pour apporter des réponses à toutes les questions qui se posent sur ces sujets, dont la gravité rend extrêmement modeste le coût de 500 millions d'euros de la mission Sécurité sanitaire.

Ne nous laissons pas abuser par l'augmentation en trompe l'oeil de son budget quand on en analyse attentivement les raisons : l'augmentation du coût du personnel, pour 7 millions d'euros, notamment à travers les pensions, et la protection contre la tuberculose du cheptel bovin destiné à l'exportation, pour 11 millions.

Parallèlement, le budget de l'Ansès diminue de 5,4 %, du fait d'une réduction de 3 millions d'euros de sa subvention. L'agence va donc devoir renoncer à une partie de ses projets d'études, ce qui peut paraître paradoxal dans le contexte que je viens de rappeler. Il est préoccupant de découvrir que les agences de l'État ne disposent pas des ressources suffisantes pour mener des études de référence sur des périodes longues, alors qu'on les mobilise pour fournir des avis au gré des controverses qui se succèdent.

J'ai toutefois l'honneur de proposer à la Commission d'adopter les crédits du programme 206, tout en attirant votre attention sur les enjeux et les besoins de l'avenir.

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