Intervention de Jean Champagne

Réunion du 1er octobre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Jean Champagne, directeur adjoint chargé de l'outre-mer à l'ACTA :

Je représente donc l'ACTA, qui est la tête de réseau des instituts techniques des filières animales et végétale. Or, si l'on connaît relativement bien les organismes de recherche, comme l'INRA ou le CIRAD, les établissements d'enseignement supérieur et les chambres agricultures, on connaît moins bien les instituts techniques.

L'ACTA réunit environ 1 200 collaborateurs, répartis dans une quinzaine d'organismes, certains plus particulièrement compétents dans le suivi des productions animales, végétales, de grands champs ou spécialisées. Le métier des instituts techniques est tout à fait complémentaire des autres : apporter un appui aux filières en faisant remonter vers la recherche un certain nombre de leurs besoins et contribuer à l'expérimentation, afin de rendre directement utilisables les progrès de la recherche par les professionnels.

Historiquement, dans les territoires ultramarins, certains instituts apportent leur appui à l'organisation des filières, notamment dans le cadre des programmes sectoriels soutenus par l'ODEADOM (Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer). Plusieurs instituts sont ainsi intervenus dans le secteur animal et végétal. Ils sont plus récemment intervenus dans la mise en place de réseaux de référence dans les productions végétales pour avoir des indicateurs technico-économiques – que ce soit pour les organismes bancaires ou pour les investisseurs. Plus récemment encore, l'ACTA a été conduite à observer de plus près l'agriculture ultramarine. De fait, il faut bien reconnaître que nous étions relativement peu présents physiquement dans les DOM – par rapport à nos partenaires qui se sont déjà exprimés.

Cette évolution résulte du CIOM (Conseil interministériel de l'outre-mer) – qui s'est tenu à la fin de l'année 2009– et des États généraux de l'outre-mer qui suggéraient, notamment, la mise en place d'un institut agricole par DOM. Après une première mission réalisée par des ingénieurs généraux en 2010, qui a surtout consisté à faire un état des lieux, le ministère de l'Agriculture a confié au CIRAD et à l'ACTA, plus précisément à M. François Cote et à moi-même, la mission de rendre opérationnel ce projet. Après avoir rencontré de nombreux opérateurs sur place, il nous a semblé – plutôt que de créer un organisme de plus – qu'il était préférable de faire en sorte que les organismes présents sur place travaillent ensemble. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé au comité de pilotage, présidé par M. Jean-Pierre Bastié, la création de réseaux d'innovation et de transfert agricole : les RITA. Chacun de ces quatre termes a son importance.

Ces « réseaux » regroupent les organismes de recherche comme le CIRAD et l'INRA, les chambres d'agriculture, les organismes à vocation technique comme les groupements de défense sanitaire ou les FREDON (Fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles) ; ils regroupent également des organismes de formation initiale ou de formation pour adultes, des organismes d'enseignement supérieur et, bien sûr, les instituts techniques.

Ce sont des réseaux « d'innovation » parce que nous sommes persuadés que le développement de l'agriculture passera, plus particulièrement dans les DOM, par l'innovation.

Ce sont des réseaux d'innovation et de « transfert ». C'est sans doute ce mot de « transfert » qui est le plus important. En effet, le passage entre les travaux effectués par nos partenaires de la recherche, ici présents, et les agriculteurs constitue un point faible, d'autant plus que l'organisation professionnelle est souvent défaillante dans l'ensemble des DOM.

Ce sont enfin des réseaux d'innovation et de transfert « agricole » parce que nous sommes dans le monde agricole. Mais ce pourrait aussi bien être des réseaux « d'innovation et de transfert agroalimentaire », dans la mesure où nous serons amenés à nous engager de plus en plus dans ce secteur.

Pour l'instant, l'activité des RITA est focalisée sur les productions de diversification, en complément des productions traditionnelles d'exportation dont on a parlé tout à l'heure, comme la banane et la canne. Elle a peut-être vocation à s'étendre à d'autres secteurs : d'une part, les grandes filières exportatrices et, d'autre part, les petites et très petites exploitations agricoles familiales dont parlait M. François Cote tout à l'heure, exploitations qui sont particulièrement importantes et qui se trouvent en dehors de tout système.

Ces réseaux doivent favoriser l'expression des besoins – y compris sociaux – dans le cadre d'une agriculture durable. Comme on l'a dit tout à l'heure, ce n'est pas à la recherche de définir les orientations et les priorités, mais aux professionnels de l'agriculture, aux collectivités territoriales, aux chambres d'agriculture, aux organisations de producteurs ou aux organismes interprofessionnels.

La réponse qui doit être apportée à ces besoins n'a évidemment rien à voir avec celle qui pourrait être apportée en métropole. Le contexte de chaque DOM, voire de chaque région au sein du même DOM, est différent. Les approches doivent donc être très variées. Mais, à l'expression locale et à l'approche locale, doivent répondre l'ensemble des compétences, non seulement départementales ou régionales, mais aussi nationales.

Nous pensons également qu'il est important d'associer aux réseaux RITA le savoir-faire et les compétences, notamment méthodologiques, du réseau ACTA, et notamment toute la capacité d'expertise de certains instituts techniques dont la création remonte, pour certains, à une vingtaine d'années. Je citerai Armeflhor à La Réunion, pour les productions horticoles ; IKARE, qui intervient dans le secteur animal aux Antilles et en Guyane, et dont M. Jean-Louis Peyraud préside le conseil scientifique ; ou IT2, qui intervient dans le secteur de la diversification végétale aux Antilles, et dont M. François Cote préside également le conseil scientifique.

En conclusion, les RITA constituent, selon nous, un cadre très important. Ils permettent d'éviter les doublons, de combler les vides, et donc de mieux gérer les crédits.

Toujours à propos de l'ACTA, il nous semblerait utile de doter les territoires ultramarins d'un appel à projets spécifique. Certes, il existe aujourd'hui des appels à projets gérés par le CASDAR – Compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural – sur des thématiques particulières. Les DOM pourraient s'y insérer. Mais il faut bien reconnaître que, d'une manière générale, le CASDAR intervient pour des programmes de recherche qui concernent un cadre tempéré, et non un cadre tropical. Voilà pourquoi nous pensons que les spécificités de l'outre-mer pourraient être abordées et traitées dans le cadre d'un appel à projets spécialement conçu pour les DOM ou les COM.

Je souhaiterais par ailleurs insister sur le volet « transfert » et sur la plus-value apportée par l'Inter-Dom. Ce qui est fait dans un DOM peut servir – mais pas forcément systématiquement – dans un autre, et réciproquement. Voilà pourquoi, en collaboration notamment avec le CIRAD, se tient tous les ans un séminaire d'échanges, où tous les partenaires (techniques, financiers, professionnels, issus du monde de la recherche, etc.) peuvent se retrouver – soit en métropole, soit dans les DOM – et débattre librement de tout ce qui pourrait être mutualisé, ainsi que de toutes les perspectives d'avenir. Le prochain Inter-Dom aura lieu prochainement, sans doute à la même époque que le salon de l'agriculture.

Enfin, il me semblerait important que la prochaine loi d'avenir pour l'agriculture fasse référence aux RITA, et peut-être même que l'on y précise que tout financement public dans les DOM devra obtenir un label RITA. Ce serait en effet, pour nous, une façon d'assurer la cohérence de l'ensemble.

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