Intervention de Michel Piron

Séance en hémicycle du 13 septembre 2013 à 9h30
Accès au logement et urbanisme rénové — Article 58

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

…d’avoir eu le courage, oui, le courage, de remettre ce sujet majeur à l’ordre du jour et de l’avoir réintroduit dans nos discussions.

Quel est le problème ? Je le rappelle : des entrées de villes massacrées, des périphéries désorganisant la ville, et, pire, des centres villes de plus en plus asséchés, notamment dans les villes moyennes. Ce désastre a une cause. Je le dis très clairement : la première de ces causes, c’est l’urbanisme commercial, exception française unique : il s’agit d’un urbanisme dérogatoire qui n’a pas d’équivalent dans les pays européens voisins. Au nom du droit de la concurrence, on s’exonère de toute contrainte, ou presque, d’aménagement du territoire.

Ce sujet a fait l’objet de multiples contentieux, qui sont remontés jusqu’à la Cour de justice des communautés européennes. La jurisprudence de la Cour a beaucoup évolué. Celle-ci reconnaît désormais que, si la liberté d’installation du commerce existe, elle peut parfaitement être encadrée, je le répète, par les politiques d’aménagement du territoire.

Cette reconnaissance est une évolution majeure. Elle a été réaffirmée dans un jugement qui a renvoyé dos à dos des personnes qui s’opposaient sur ce sujet en Espagne, et plus récemment encore en Hollande, à l’occasion d’un contentieux fort intéressant.

Quel est donc l’enjeu ? L’enjeu, mes chers collègues, et je le dis surtout pour les nouveaux élus, ceux de la dernière législature, c’est de refabriquer de la ville. C’est de refabriquer de l’urbanité. Pour cela, il y a un mot très ancien, et qui est admirable : refaire de la cité. La cité, au départ, se fait à partir de places. Nous ne sommes plus à l’époque de l’agora, dans la mesure où il n’y a plus de place unique. Mais, quand les places ne vivent plus, les échanges ne sont plus possibles. Il faut refaire de la citoyenneté à travers la cité.

De ce point de vue, le commerce, ou l’activité commerciale, n’est pas seulement une activité marchande. C’est aussi la possibilité de mettre en relation un certain nombre de gens, et d’animer des lieux de rencontres qui se font d’abord autour de place. C’est cela, l’enjeu : refaire de la ville.

Or, aujourd’hui, nous avons, grâce à l’initiative particulièrement bienvenue du président Brottes, la possibilité de débattre à nouveau de ce sujet, avec un amendement gouvernemental. Celui-ci reprend une partie du texte qui avait été beaucoup travaillé en première lecture à l’Assemblée, puis infiniment amélioré et renforcé au Sénat. Cette version ressemble donc au texte dont nous aurions unanimement souhaité le retour en seconde lecture à l’Assemblée, sous la dernière législature. Malheureusement, si cela y ressemble, cela n’est pas du tout la même version ni la même base.

Je vais donc mettre l’accent sur un certain nombre de points. Une loi de modernisation de l’économie avait été adoptée, qui promettait dans l’un de ses chapitres la maîtrise de ces choses. On a vu le résultat : six mois après, un rapport délétère trans-partis dressait un bilan catastrophique de cette loi LME : même ceux qui y avaient cru ont participé à sa rédaction. J’étais de ceux qui ne l’ont pas votée, je m’en félicite.

Nous pourrions avec ce texte avoir un deuxième faux nez. On me dit qu’il faut des petits pas pour avancer : oui, mais à condition de connaître la direction. Si les petits pas vont toujours dans la mauvaise direction, mieux vaut ne pas en faire. Car nous avons aujourd’hui affaire, et je pèse mes mots, à un deuxième faux nez. Pourquoi ?

Premièrement, je découvre dans ce texte que la commission départementale d’aménagement commercial, la CDAC, et la commission nationale d’aménagement commercial, la CNAC, sont maintenues. L’objet est bien de faire rentrer les implantations commerciales dans le cadre de l’urbanisme général. On rentre donc dans le code du permis de construire, dont je crois savoir que le contentieux relève du tribunal administratif et du Conseil d’État. C’est la procédure normale. Si nous y dérogeons, nous maintenons derrière le masque de l’urbanisme général la place ancienne de l’urbanisme d’exception commercial.

J’ai même entendu – c’est dans le texte – que l’on pourrait se satisfaire d’un avis conforme, avec un pouvoir de recours conféré à la CNAC. On est totalement hors du sujet : derrière une apparence d’urbanisme qui rentre dans le droit commun, on n’est plus du tout dans l’urbanisme.

J’ai vu également que la composition de la commission régionale d’aménagement commercial, la CRAC, que nous avions déclinée dans le texte de loi, serait désormais définie en Conseil d’État. Je me souviens des débats assez rugueux que nous avons eu sur ce sujet : il est essentiel que les membres de la CRAC aient la légitimité des élus, qui ont eux-mêmes la légitimité pour planifier l’occupation des sols. Je ne parle pas là d’exclusivité, mais de majorité. Nous avions également établi une typologie qui faisait un peu l’effet d’un chiffon rouge.

Si nous devions faire quelques concessions, nous pourrions imaginer de contourner cette typologie, au nom d’un certain nombre de principes d’aménagement du territoire – déplacement réduits, moins de consommation de carbone, plus de proximité .

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