Intervention de Edward Jossa

Réunion du 15 octobre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Edward Jossa, président directeur général de l'ASP :

Je commencerai par vous présenter le rôle des services de l'ASP dans les départements d'outre-mer, puis j'aborderai quelques sujets d'actualité directement liés à l'aménagement foncier et à l'installation des agriculteurs.

L'ASP est un établissement public administratif qui emploie 2 200 agents. Elle verse des crédits d'intervention, dont 50 % dans le domaine de l'agriculture et 50 % pour le compte d'autres ministères, pour un montant total de l'ordre de 18 milliards d'euros. Environ la moitié est donc destinée à payer aux agriculteurs les aides de la PAC.

L'Agence a trois missions outre-mer : elle effectue les paiements issus des fonds européens, elle joue un rôle d'opérateur dans le domaine de l'installation des jeunes agriculteurs et elle effectue des missions spécifiques dans le domaine foncier dans deux départements.

Notre premier métier, effectuer les paiements, mobilise le plus grand nombre de nos agents outre-mer. Il faut distinguer les aides du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural), second pilier de la PAC, pour lesquelles l'outre-mer n'a pas de réelle spécificité par rapport au territoire national, les aides plus spécifiques que nous versons dans le cadre du POSEI (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) et les aides issues des autres fonds.

Avec le prochain transfert aux régions de l'autorité de gestion au titre du FEADER, nous jouerons un rôle plus direct auprès des conseils régionaux, sauf, sous réserve de confirmation de la décision, à La Réunion, où l'autorité de gestion sera le département, qui verse déjà l'essentiel des contreparties nationales, et à Mayotte où ce rôle est confié au préfet.

Autre particularité, l'ASP paie les contreparties nationales pour le compte de l'ODEADOM (Office de développement de l'économie agricole des DOM) non pas en crédits dissociés mais en paiements associés.

S'agissant de certaines aides du POSEI, l'Agence est à la fois organisme payeur et prestataire pour le compte de l'ODEADOM. En tant qu'organisme payeur, nous versons directement les aides animales, principalement l'ADMCA (aide au développement et au maintien du cheptel allaitant) qui remplace la PMTVA (prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes) en place sur le territoire métropolitain. En tant que prestataire, l'ASP assure les contrôles sur place dans les domaines de la canne et de la banane, l'ODEADOM n'ayant pas de délégation régionale.

Parmi les autres aides, qui représentent près de 50 millions d'euros, on trouve des aides spécifiques destinées à accompagner la filière canne-sucre à La Réunion.

À Mayotte, nous versons également des aides dans le cadre des OGAF (opérations groupées d'aménagement foncier), ainsi que les ICAM (indemnités compensatoires annuelles à Mayotte) en remplacement des ICHN (indemnités compensatoires aux handicaps naturels), et la DIA (dotation à l'installation des agriculteurs), qui est l'équivalent de la DJA (dotation Jeune agriculteur). Toutes ces aides nationales ont vocation, avec la départementalisation, à entrer dans le droit commun du FEADER.

Enfin, en Guyane, l'ASP est l'autorité de certification du programme opérationnel PO Amazonie qui est financé par le FEDER.

L'ASP est également, dans les DOM comme ailleurs, l'autorité de paiement et de certification du FEP (Fonds européen pour la pêche), destiné à devenir le FEAMP (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche), qui représente des enjeux importants outre-mer.

Le deuxième volet de notre mission est notre rôle dans les aides à l'installation qui nous a été confié à l'époque où le CNASEA (Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles), aujourd'hui intégré à l'ASP, jouait un rôle de tête de pont des ADASEA (associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles). Il s'agit d'un rôle d'animation et d'information, individuelle ou collective, et de conseil pour la constitution des dossiers de demande d'aide. Dans certains départements, nous avons aussi la responsabilité du Point Info Installation (PII).

Mais il est prévu que cette mission relative à l'installation soit progressivement transférée aux chambres d'agriculture.

Enfin, l'ASP intervient de manière transversale sur le foncier agricole puisque nous sommes membres du conseil d'administration des SAFER de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion et opérateur foncier en Guyane et à Mayotte.

En Guyane, le programme de développement rural (PDR) 2007-2013 nous a confié deux missions principales : la gestion de l'observatoire du foncier agricole disponible et la mise en oeuvre de la gestion des périmètres d'attribution simplifiée (PAS).

À Mayotte, le contexte juridique est différent puisque l'ordonnance du 31 mai 2012 a confié officiellement à l'ASP la mission de SAFER. Mais compte tenu des difficultés que nous rencontrons, liés à la disponibilité du foncier et à de nombreux cas d'occupation irrégulière, il a été convenu avec le ministère en charge de l'agriculture et les autorités concernées de ne jouer que deux rôles : gérer l'observatoire du foncier agricole et établir le diagnostic foncier sur les périmètres à forte potentialité agricole, avec pour objectif de préserver et de renforcer le rôle de l'agriculture dans la perspective du passage aux aides du premier et du second pilier de la PAC.

Nous exercions à Mayotte pour le conseil général deux missions très proches de celles des SAFER, dont la première était la gestion de la régularisation foncière, comme nous l'avons fait en Nouvelle-Calédonie. Nous avons ainsi géré la procédure relative à la délivrance des titres de propriété pour 18 000 parcelles, mais malheureusement, sans doute par manque de moyens, le conseil général n'a validé que 2 200 dossiers.

La seconde était d'acquérir à l'amiable ou par voie de préemption pour le compte et à la demande du conseil général un certain nombre de parcelles destinées à constituer des réserves foncières ou à installer des agriculteurs. Nous avons ainsi été à Mayotte délégataires du droit de préemption pour le compte du conseil général. Nous avons aujourd'hui rétrocédé la quasi-totalité des parcelles au conseil général..

Comme vous le voyez, les missions de l'ASP dans les outre-mer reflètent la diversité des problématiques de ces territoires.

J'en viens aux questions d'actualité. J'ai lu les comptes rendus des auditions précédentes. Notre diagnostic, s'agissant du foncier, rejoint en grande partie les conclusions des divers intervenants. Nous partageons l'analyse qui a été faite à propos de la faiblesse de la taille des exploitations dans les DOM, en particulier à Mayotte où la SAU (surface agricole utile) n'est que de 0,45 hectare. Nous notons la diminution globale de la SAU, sous la pression foncière et l'urbanisation, à l'exception de la Guyane où elle a augmenté au cours des dernières années de 8 %.

Nous constatons également un phénomène de concentration des exploitations. Celle-ci peut être souhaitable sauf lorsqu'elle conduit, cumulée à la réduction de la SAU, à une forte diminution du nombre d'exploitants. Le cas le plus frappant est celui de la Martinique où, en dix ans, 80 % des exploitations de moins d'un hectare et 60 % des exploitations de un à deux hectares ont disparu, ce qui n'est pas sans conséquence sur la sociologie agricole de ces départements.

J'en viens aux aides à l'installation, dossier sur lequel mon diagnostic rejoint celui établi par les intervenants des précédentes auditions.

Dans les DOM, 90 à 100 dossiers d'installation bénéficient de la dotation Jeune agriculteur, à rapporter aux 6 000 dossiers enregistrés sur l'ensemble du territoire, ce qui place les DOM largement en dessous de la moyenne nationale. Dans ces départements, 40 % des installations effectives d'agriculteurs de moins de 40 ans bénéficient de la Dotation jeune agriculteur, contre 56 % en métropole. Qui plus est, l'âge moyen d'accès à la DJA est de 34 ans dans les DOM contre 29 ans en métropole. Cette particularité s'explique, selon nous, plus par les difficultés d'accès au foncier que par les critères de formation exigés pour l'obtention de la DJA.

L'analyse des situations locales nous a appris qu'il existe en matière de DJA une dynamique plus forte à La Réunion que dans les autres DOM. En effet, 41 % des dossiers DJA proviennent de La Réunion, mais les agriculteurs y bénéficient plus qu'ailleurs de prêts bonifiés.

Le dispositif OGAF avait par le passé permis d'inciter à la mobilité du foncier, notamment en direction des jeunes agriculteurs.

J'en viens aux perspectives offertes à l'ASP.

Comme vous le savez, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) dispose que nos missions dans le domaine des installations dans les DOM soient transférées aux chambres d'agriculture avant janvier 2016.

Les discussions n'ont pas beaucoup progressé, essentiellement parce que la situation financière d'un certain nombre de chambres d'agriculture ne leur permettrait pas d'assumer cette mission. Face à ce constat, le projet de loi d'avenir pour l'agriculture reporte à 2020 la date limite de transfert. J'espère que la situation sera clarifiée dans les prochaines années. Je crois savoir que la situation est très différente d'un département à l'autre.

Nous intervenons de plus en plus dans un cadre conventionnel auprès du ministère, et demain nous effectuerons des missions ponctuelles en liaison avec les autorités de gestion. L'ASP a de nombreux atouts : notre expérience en matière de foncier, notre maîtrise à la fois de sujets très techniques et des règles qui encadrent les fonds européens, notre position d'opérateur et enfin notre neutralité vis-à-vis des politiques engagées en amont.

En revanche, comme tous les opérateurs publics, nous sommes soumis à un plafond d'emplois, ce qui limite notre capacité à engager de nouvelles missions.

Nous réalisons un certain nombre d'actions dans le cadre des conventions, mais nous nous heurtons quelquefois aux difficultés pour les collectivités territoriales de nous payer ce qu'elles nous doivent, ce qui illustre la situation financière très tendue d'un certain nombre de collectivités d'outre-mer. Nous rencontrons plus souvent cette difficulté à Mayotte.

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