Intervention de Vincent Peillon

Réunion du 23 octobre 2013 à 9h45
Commission élargie : enseignement scolaire

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Enfin, ma dernière question a trait au programme 139, « Enseignement privé du premier et du second degré ». C'est le seul budget de cette mission qui, curieusement, reste quasiment étale. Je souhaiterais avoir une explication sur ce choix.

Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste. Le budget de l'enseignement scolaire fait partie des rares budgets en légère augmentation et prolonge avec cohérence la loi relative à la refondation de l'école.

Ce sont pour nous de très bons signes, car les écologistes soutiennent les grands principes de la réforme engagée l'année dernière. Nous soutenons la priorité donnée à l'école primaire, la décision de former à nouveau les enseignants ou encore la volonté d'accueillir les enfants des moins de trois ans. De même, vous rencontrerez tout notre soutien pour toute action volontariste en faveur de la scolarisation des élèves en situation de handicap. L'augmentation des crédits prévus à cet effet est une très bonne chose.

Les créations de postes correspondent aussi à une promesse tenue et nous nous en réjouissons. Le « plus de maîtres que de classes » est un principe qui prend vie. Je pense aussi à la professionnalisation des AVS et aux nombreux contrats aidés supplémentaires pour l'accompagnement des élèves en situation de handicap.

J'en viens aux nécessaires revalorisations salariales. Au-delà de la prime annuelle pour les professeurs des écoles, où en sont les concertations sur la revalorisation du statut des enseignants ? De même, il est important de mieux reconnaître le rôle des chefs d'établissements et des professeurs principaux. Il s'agit de créer de véritables dynamiques d'équipe, car l'existence d'équipes éducatives soudées autour d'un projet d'établissement est déterminante dans la réussite des dispositifs d'éducation prioritaire. Vous nous en avez dit un mot, monsieur le ministre, mais pouvez-vous nous apporter des précisions supplémentaires ?

Cela m'amène aux internats de la réussite, sujet sur lequel je rejoins ma collègue Lagarde. Certes, ils coûtent 50 millions d'euros de moins que les internats d'excellence, et offriront plus de places à des élèves issus de familles défavorisées, sur des critères de motivation et non plus de notation, mais le recours à ce modèle largement décrié ne semble pas être la meilleure façon de mener une politique d'aide aux élèves les plus en difficulté. Les 150 millions prévus auraient probablement plus d'effet s'ils venaient renforcer l'action « Besoins éducatifs particuliers », dont les montants augmentent, certes, mais insuffisamment. Je pense notamment aux RASED, qui s'adressent très tôt à tous les élèves en difficulté et non à une minorité d'entre eux, sectionnés en fonction de leur motivation, pour reprendre les explications du bleu budgétaire.

Renforcer le taux d'encadrement des élèves dès la maternelle, les accueillir dès leur plus jeune âge, avoir des équipes pédagogiques motivées et soudées autour d'un projet d'établissement : voilà ce que nous voudrions pour oeuvrer à la réussite de toutes et tous. Aussi, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements afin de lever peut-être nos craintes et doutes sur le sujet ?

En outre, si la politique d'internat doit être relancée, pourquoi ne pas simplement renforcer le budget dédié à l'action « Politique de l'internat et établissements à la charge de l'État », qui n'augmente que de 1,2 % pour un atteindre le montant total, bien insuffisant, d'environ 53 millions d'euros ?

Par ailleurs, permettez-moi de revenir sur la nécessaire intégration progressive aux universités des BTS et des classes préparatoires. Pourriez-vous nous indiquer si ce transfert sera organisé en 2015 ? Le coût pour l'éducation nationale est tout de même de plus de 2 milliards. Face à ce montant, les 55,6 millions consacrés aux innovations pédagogiques nous semblent bien maigres. Alors que nous regrettions déjà la faiblesse de ce budget l'année dernière, il a encore diminué d'un tiers pour représenter à peine 5 euros par élève.

Si l'on veut réellement rénover la pédagogie et lutter contre le décrochage scolaire, il faut donner aux enseignants les moyens matériels d'innover. C'est d'autant plus regrettable que se met en place la réforme des rythmes scolaires qui doit justement permettre de mener des projets pédagogiques innovants transversaux et hors les murs, en renforçant les liens avec le tissu culturel, artistique et associatif local, tout en associant les parents. Face aux difficultés, notamment financières, que rencontrent certaines communes dans la mise en place de cette réforme, pourriez-vous nous rassurer sur les aides financières prévues et sur leur pérennisation ?

Je conclurai sur la formation. Si la création des ESPE est une excellente chose, leur mise en place suscite, comme toute réforme, quelques difficultés, et il est normal de procéder à des ajustements. C'est pourquoi il faudra veiller à ce que les dysfonctionnements éventuels soient corrigés le plus rapidement possible. Il convient de ne pas oublier non plus que la formation continue doit également être une priorité. De même, l'ouverture des ESPE à l'ensemble des acteurs oeuvrant dans le champ de l'éducation est une avancée dont la mise en oeuvre doit être garantie.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les précisions que vous voudrez bien nous apporter concernant ce budget dont je souligne, une fois encore, la cohérence avec la réforme engagée l'année dernière.

M. Olivier Falorni, pour le groupe RRDP. Par les choix qu'il fait en matière d'éducation, l'État dessine les contours de la société qu'il veut léguer aux citoyens de demain. Bâtir une société plus juste, plus fraternelle, plus audacieuse et innovante, plus forte économiquement, mais aussi plus responsable, avec des citoyens davantage éclairés et impliqués : tels sont les objectifs qui ont été ébauchés par la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école de la République, et qui se traduisent dans le budget de l'enseignement scolaire pour 2014. Ce n'est pas moins de 15,9 % du budget de l'État qui est consacré à l'école : 64,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,2 % par rapport à l'an dernier.

Mais l'argent n'est pas tout dans la vie. (Sourires.) C'est ce à quoi il est consacré qui traduit réellement la politique conduite et l'ambition de cette politique. Ainsi, en 2014, près de 874 millions seront consacrés à la formation des personnels enseignants. Le travail de sape du gouvernement Fillon est désormais révolu, avec la mise en place d'une véritable formation pour le corps enseignant. Leur formation, en effet, avait été brutalement supprimée, comme si enseigner était un simple hobby ou un job d'été, comme si la pédagogie n'avait pas sa place au sein de l'enseignement scolaire.

Oui, enseigner est un métier. La loi du 8 juillet 2013 réaffirme ce qui n'aurait jamais dû être remis en cause, et c'est une fierté pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, que je représente ce matin, d'avoir contribué à ce que ce texte soit adopté. Oui, réintroduire une vraie formation professionnelle et apprendre aux élèves à réfléchir, tout cela a un coût. Si l'éducation coûte cher, l'absence d'éducation coûte plus cher encore à la société en termes économiques, sociaux et démocratiques car c'est à l'école que se construit l'attachement citoyen aux valeurs de la République.

Le budget 2014 marque aussi la volonté d'affecter les moyens humains nécessaires, notamment pour l'instauration du dispositif « plus de maîtres que de classes ». Ce sont ainsi 10 247 emplois de stagiaires qui viennent s'ajouter aux 11 476 postes créés en 2013. C'est une politique courageuse et volontaire, puisque ces quelque 22 000 jeunes enseignants seront rémunérés à temps plein pour assurer un mi-temps devant les élèves, tout en bénéficiant d'une formation. Il s'agit, une fois encore, de réparer ce qui a été détruit sous l'ère Sarkozy, car ces 22 000 postes ne seront qu'une étape vers l'objectif fixé : 60 000 emplois créés dans l'éducation nationale d'ici la fin du quinquennat, effort d'autant plus important qu'il faut garder à l'esprit les 80 000 postes supprimés entre 2007 et 2012.

Agir pour l'école de la République, c'est tout mettre en oeuvre pour que l'école puisse poursuivre son objectif fondamental, à savoir l'égalité des chances. Cet objectif a été le fil conducteur de la loi du 8 juillet 2013, mais aussi de l'action du groupe RRDP lors de la présentation de ses amendements à ladite loi, notamment en faveur de la scolarisation des élèves en situation de handicap. La loi du 11 février 2005 posait déjà comme principe cette scolarisation, les auxiliaires de vie scolaire ayant en charge leur accompagnement au quotidien. Cela étant, elle maintenait dans la précarité ces personnels dont le rôle fondamental n'est plus à démontrer.

Le Gouvernement, sous votre impulsion, monsieur le ministre, a commencé à corriger cette anomalie. Ainsi, après un premier effort à la rentrée 2012, avec la création de 1 500 nouveaux postes d'AVS, le projet de loi de finances pour 2014 montre une très large volonté de mettre fin aux contrats à temps partiel, à l'absence de formation ou encore à l'instabilité des postes lors du renouvellement – lorsqu'il intervient – des contrats. L'ambition est là : mettre fin aux situations instables, bancales et provisoires, qui pénalisent à la fois les élèves accompagnés, les familles, les accompagnants et les enseignants.

Le PLF 2014 consacre des moyens importants à l'action « Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap » du programme 230. Plus de 709 millions d'euros de crédits sont ainsi débloqués, ce qui représente près de 3 000 auxiliaires de vie scolaire qui verront leurs contrats transformés en CDI, 350 postes créés et 8 000 nouveaux contrats aidés. L'effort budgétaire est consolidé, et c'est une source indéniable de satisfaction.

En revanche, certaines solutions apportées semblent insuffisantes. Les AVS titulaires d'un contrat unique d'insertion ne seront pas reconduits dans leurs fonctions après deux ans d'exercice, seuls les AVS titulaires d'un contrat de travail d'auxiliaire d'éducation étant titularisés. Il est regrettable de ne pas s'appuyer sur ces compétences reconnues. Ce bémol, ce regret, cet appel que le groupe RRDP tient à exprimer ne peut rester sans réponse tant les enjeux sont grands. Il est impérieux que le budget de l'État offre à l'éducation nationale les pleins moyens de son action ambitieuse. Cette ambition, nous la partageons avec vous, monsieur le ministre.

Mme Marie-George Buffet, pour le groupe GDR. On peut se féliciter, en effet, de l'augmentation de ce budget, que nous constatons pour la deuxième année consécutive. Ces moyens supplémentaires sont tout à fait les bienvenus pour mettre en oeuvre la loi de refondation de l'école, et nous devrons poursuivre cet effort budgétaire dans les prochaines années, afin de combler les déficits nés d'années de diète au détriment de l'éducation nationale, de répondre aux besoins de formation des maîtres, cette formation qui est au coeur de notre réforme – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – et d'accueillir de la meilleure façon possible, dans nos 50 000 écoles, les 30 000 élèves supplémentaires attendus à la prochaine rentrée.

J'insiste sur la création de postes supplémentaires. Vous annoncez la création de 2 355 postes d'enseignants dans le premier degré, ce qui est un peu moins que les 3 046 créations de poste de 2013, mais cela doit nous permettre d'avoir réellement un maître devant chaque classe, ce qui n'était pas le cas lors des précédentes rentrées, et d'avoir un maître supplémentaire par école dans le plus grand nombre possible d'écoles, pour répondre aux besoins de travail en équipe et pour aider les enfants en difficulté.

Je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, sur plusieurs points et poser plusieurs questions.

D'abord, je viens de le dire, nous avons besoin de maîtres formés. Vous avez vous-même soulevé le problème de l'inégalité de la mise en place des ESPE dans les différentes universités. Quels moyens vous donnez-vous pour mettre un terme, très rapidement, à ces disparités parfois très importantes dans la répartition des formations dans ces écoles ?

Ensuite, la communauté éducative du département de Seine-Saint-Denis insiste sur des problèmes importants comme la précarité dans les équipes éducatives et leur manque de stabilité, question que nous devons absolument traitée pour pouvoir améliorer la qualité éducative dans nos écoles.

Je veux également vous interroger sur les RASED. Il n'y a, je crois, que 72 créations de postes pour ce dispositif d'aide aux enfants les plus en difficulté. Vous aviez annoncé que vous engagiez une réflexion sur son avenir. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J'aimerais également insister sur la nécessaire concertation avec les élus sur l'éducation prioritaire. Les élus, notamment nos maires-adjoints chargés de suivre les questions scolaires, sont, eux aussi, des spécialistes de ces questions. Or ils n'ont pas été associés à cette réflexion. Je le regrette.

Concernant les emplois d'avenir, je n'arrive pas à savoir précisément où en est le recrutement. Nous disposons, bien sûr, du nombre de postes ouverts au titre des emplois d'avenir de professeur, mais quelle est la réalité du recrutement ? Il semblerait que certaines académies rencontrent des difficultés pour procéder à ce recrutement et pourvoir tous les postes créés.

Répondant tout à l'heure à Mmes les rapporteures, vous avez eu une formule assez forte, déclarant que, pour le secondaire, il faudrait « inventer ». Je pense que vous avez effectivement raison de placer l'exigence à ce niveau. J'aimerais plus particulièrement vous entendre à propos de la filière professionnelle. Quelles sont vos pistes ? Quel est le programme du travail sur cette filière ?

Si je suis attachée à la réforme des rythmes scolaires, il ne faut cependant pas nier les problèmes rencontrés, ne serait-ce que parce qu'il faut les résoudre pour mettre en oeuvre la réforme. Des villes se sont donné un an et mènent un travail préparatoire extrêmement important de consultation pour l'appliquer à la rentrée 2014. Comment ferez-vous remonter les fruits de cette expérience, de cette concertation actuellement menée au niveau local ?

Hier, nous avons discuté, en examinant en commission élargie le budget « Jeunesse, sport et vie associative », du fameux programme d'investissement d'avenir en faveur de la jeunesse, que vous faites aussi apparaître, bien sûr, dans le budget de l'éducation nationale. Vous parlez d'employabilité, de lutte contre le décrochage scolaire et de programmes innovants, mais avez-vous déjà une idée du contenu de ceux-ci ? Nous avons effectivement du mal à y voir clair en ce qui concerne l'utilisation de ces fameux 100 millions d'euros.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Avant de donner la parole à chacun des députés qui souhaitent poser une question, je voudrais, monsieur le ministre, vous en poser une, très brièvement. Comme nous avons beaucoup parlé de la formation des enseignants, je voudrais que nous parliez aussi de celle des chefs d'établissement. Dans mes fonctions de maire, je constate sans cesse à quel point la qualité du chef d'établissement est déterminante, que l'établissement soit une école primaire, une école maternelle ou, a fortiori, un collège ou un lycée.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Je vous poserai moi aussi une petite question, monsieur le ministre. Elle porte sur un sujet qui, je le sais, vous mobilise beaucoup : l'éducation artistique et culturelle, au-delà des parcours que nous avons inscrits dans la loi de refondation. Ne serait-il pas nécessaire d'avoir une réflexion globale, compte tenu de l'aménagement des rythmes éducatifs et du fait qu'une large part du temps périscolaire est consacrée à des activités culturelles et artistiques, si bien que les enfants ont aujourd'hui la possibilité d'appréhender les arts et la culture à la fois dans le temps scolaire, à travers les apprentissages, et dans le temps périscolaire ? Je ne parle même pas de ceux qui ont la chance d'appréhender des apprentissages artistiques dans le temps extrascolaire. Ne faut-il pas, à un moment donné, faire une analyse de toutes ces possibilités ?

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