Intervention de Béatrice Santais

Séance en hémicycle du 31 octobre 2013 à 9h30
Approbation de l'accord entre la france et l'italie sur une nouvelle ligne ferroviaire lyon-turin — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Santais :

Le projet de loi qui nous est soumis ce matin est une nouvelle étape vers la réalisation définitive du projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin. C’est une étape importante : l’accord franco-italien qui sera ainsi approuvé fixe les conditions de conduite du projet de ligne nouvelle entre Lyon et Turin, notamment avec l’institution d’un nouveau promoteur public pour la partie transfrontalière du projet et les règles juridiques applicables à la réalisation de l’ouvrage. L’accord fixe aussi les clés de financement de l’opération et détermine entre la France et l’Italie les conditions de l’exploitation future de l’ouvrage.

Le Lyon-Turin est plus que jamais un grand projet européen, nous l’avons vu ce matin. En confirmant encore très récemment sa nouvelle politique en matière d’infrastructures de transports, la Commission européenne a mis en évidence la nécessité de ce type d’infrastructures pour une économie européenne efficace. La croissance a en effet besoin de commerce et d’échanges et les échanges supposent des moyens de transport.

Je me réjouis que le Lyon-Turin ait été reconnu comme un projet majeur dans l’un des neuf corridors imaginés par l’Union européenne, le corridor méditerranéen qui relie la péninsule ibérique à la frontière entre la Hongrie et l’Ukraine. Je me réjouis aussi que dans le cadre de cette nouvelle politique, l’Europe ait décidé de tripler les fonds consacrés au transport sur la période 2014-2020, confirmant le cofinancement des grandes infrastructures transfrontalières à 40 % de leur coût, soit 3,4 milliards d’euros pour percer et aménager le tunnel de base de cinquante-sept kilomètres sous les Alpes, la France gardant à sa charge la somme de 2,2 milliards d’euros et l’Italie 2,9 milliards d’euros.

Le Lyon-Turin répondra à des enjeux majeurs en matière de sécurité et de protection de l’environnement qui nous concernent tous, mais qui prennent peut-être une dimension particulière dans nos vallées savoyardes et alpines. Le Lyon-Turin et ses différents itinéraires d’accès permettront pour les voyageurs de lever enfin l’obstacle des quarante-trois kilomètres de voie unique entre Saint-André-le-Gaz et Chambéry. Bref, d’améliorer la desserte ferroviaire de l’est de la région Rhône-Alpes qui, pour l’essentiel, date du XIXe siècle et qui est aujourd’hui à saturation. Le trafic fret acheminé le long du lac du Bourget traverse les agglomérations d’Aix-les-Bains, de Chambéry, de Montmélian et de la plupart des chefs-lieux de canton de la vallée de la Maurienne jusqu’à Modane.

C’est aussi cela la réalité du fret ferroviaire sur notre territoire. Malgré les récents travaux de modernisation de la ligne historique, le bruit, les nuisances, l’insécurité sont toujours bien présents pour plus de 300 000 Savoyards. À cette traversée de zones urbaines parfois denses, il faut bien sûr ajouter la difficulté physique du franchissement des Alpes par la voie historique avec ses pentes rédhibitoires à l’exploitation technique optimale de la ligne et la nécessité de doubler les locomotives sur les trains de fret trop lourds, en particulier sur le dernier tronçon entre Saint-Michel-de-Maurienne et Modane et jusqu’à 1 300 mètres d’altitude.

Ces caractéristiques structurelles et géographiques constituent des obstacles insurmontables à l’intérêt d’une rénovation totale de la ligne historique et rendent totalement inopérant l’argument de la non-saturation de cette ligne pour contrer le projet qui nous rassemble ce matin. Ce sont 40 millions de tonnes de marchandises, tous modes de transport confondus, qui transitent chaque jour à travers les passages alpins franco-italiens du lac Léman à la Méditerranée, mais 85 % des flux de fret entre la France et l’Italie sont routiers. Dans les dernières décennies, le réseau routier alpin a connu une expansion considérable tandis que le chemin de fer utilise encore essentiellement le réseau installé au XIXe siècle et durant la première moitié du XXe. Notre responsabilité est d’encourager un transport fret qui se fasse dans des conditions de sécurité optimales et de préservation du cadre de vie des riverains. Cela, seul le Lyon-Turin le propose aujourd’hui.

La Savoie et la vallée de la Maurienne, à l’image de la vallée de l’Arve en Haute-Savoie, ont vécu, cela a été dit à plusieurs reprises ce matin, des moments douloureux, avec les accidents routiers des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus. Comment peut-on accepter que ces vallées voient encore aujourd’hui défiler des milliers de camions chaque jour, à quelques centaines de mètres des plus beaux paysages montagnards, du parc national de la Vanoise, les parcs régionaux des Bauges et de Chartreuse sans que cela ne semble émouvoir quiconque ? Il est plus que jamais temps d’impulser une vraie volonté en faveur du report modal.

L’ancêtre du tunnel de base, le tunnel ferroviaire du Mont-Cenis, a été initié en 1857 par un État de moins de cinq millions d’habitants, le royaume de Piémont-Sardaigne. Les questions sur l’opportunité de la réalisation d’un ouvrage titanesque pour l’époque et pour un si petit État se posaient déjà. Ce sont la combativité et la clairvoyance d’une poignée d’hommes d’État qui ont permis que le tunnel soit creusé – au commencement, à la pelle et à la pioche et sans crédits européens. C’est cette même combativité qui anime les responsables français et italiens sur ce projet depuis maintenant trois décennies. Je souhaite moi aussi saluer tout particulièrement Louis Besson pour la détermination, l’énergie et l’enthousiasme qui président à son action dans ce dossier depuis si longtemps. Il nous revient aujourd’hui de mettre en oeuvre les conditions de réalisation de cet ouvrage visionnaire qui permettra l’exploitation du service ferroviaire du XXIe et au-delà avec toutes les assurances d’un report modal facilité, d’une exigence environnementale et de sécurité renforcées et d’une efficacité économique que nous devons à nos concitoyens.

C’est pourquoi il faut voter le texte que le Gouvernement nous propose ce matin pour la mise en oeuvre du projet Lyon-Turin qui, comme nous l’a écrit récemment Michel Bouvard, qui m’a précédée sur ces bancs…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion