Intervention de Marcel Rogemont

Séance en hémicycle du 31 octobre 2013 à 9h30
Indépendance de l'audiovisuel public — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont, rapporteur de la commissions mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de cette loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public, après un débat probablement trop court pour aller au bout des questions que le Sénat comme l’Assemblée nationale ont abordées.

Cependant, dans le temps imparti à l’examen de ce texte, je crois que nous pouvons être satisfaits du travail parlementaire. Il a été mené en bonne intelligence entre les deux assemblées de notre Parlement, comme le montre l’accord intervenu entre le Sénat et l’Assemblée nationale lors de la commission mixte paritaire.

Le nombre d’articles témoigne de ce travail effectué : nous sommes passés d’une dizaine à une trentaine d’articles. Dans la continuité des travaux de l’Assemblée nationale, le Sénat a précisé plusieurs points notamment l’étendue des pouvoirs que nous avions conférés au CSA : en élargissant le champ du règlement des différends aux services de médias audiovisuels à la demande ; en lui confiant un pouvoir de conciliation en matière de circulation des oeuvres ; en encadrant – c’était particulièrement nécessaire – la possibilité d’autoriser le passage d’une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite ; ou encore en limitant l’obligation de réaliser des études d’impact aux seuls services de télévision ou de radio nationaux.

S’agissant des nominations des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, le Sénat a souhaité assurer une transition entre les dirigeants en place et leurs successeurs, et j’y reviendrai dans mon propos. Il a également introduit davantage de parité et une représentation des associations de défense des consommateurs au sein des conseils d’administration de ces sociétés.

Le Sénat a prévu de soumettre la nomination du président de l’Institut national de l’audiovisuel par le Président de la République à l’avis des commissions des affaires culturelles de nos assemblées.

Enfin, il a permis aux chaînes de détenir des parts de coproduction. À cet égard, la détention de droits par France Télévisions sur les programmes qu’elle finance participe pleinement à son indépendance financière. Depuis sa présentation en conseil des ministres, ce projet de loi s’est donc considérablement enrichi.

Certains ont cru bon de parler de « petite » loi, oubliant que la seule question des nominations des présidents de l’audiovisuel public mais aussi des membres du CSA, nommés sur la base d’un vote des commissions compétentes de nos assemblées aux trois cinquièmes, est fondamentale. Elle participe clairement au renforcement de l’indépendance de l’audiovisuel public et du régulateur du secteur.

Le travail parlementaire auquel nous avons été tous conviés permet de proposer une réforme à la fois ambitieuse et lisible. Elle permet de donner corps à l’engagement no 51 du Président de la République, je n’y reviens pas. Elle permet aussi de renforcer le CSA dans ses missions. Pour reprendre les mots de Mme la ministre de la culture, ce projet de loi est un texte clair, direct et efficace, à l’image du principe qu’il défend, l’indépendance.

L’indépendance est le socle d’une régulation de l’audiovisuel modernisée, qui s’adapte aux évolutions des technologies et des usages que connaît le monde audiovisuel. Dans ce monde qui évolue, le CSA doit avoir toute sa place dès lors que son rôle, ses pouvoirs, ses missions et ses devoirs sont clarifiés, renforcés et légitimés.

Permettez que je revienne sur quelques aspects de notre travail qui sont venus compléter l’intention première de ce texte – les nominations dans l’audiovisuel public.

Parlons d’abord de la responsabilité économique du Conseil supérieur de l’audiovisuel. À l’issue de l’examen de ce projet de loi, le CSA se trouve renforcé et le champ de ses compétences élargi. Pour autant, le pouvoir ne peut se concevoir sans un certain nombre d’obligations.

Le texte modernise le fonctionnement du CSA en le rendant plus ouvert aux enjeux économiques et donc plus à même d’y répondre. Un certain nombre de dispositions consacrent donc une plus large place à la prise en compte des équilibres économiques de l’audiovisuel par le CSA.

Cette question des équilibres économiques a été, par exemple, très présente dans le débat sur le passage de la TNT payante à la TNT gratuite. Nous avons travaillé dans le sens de la sécurisation de la procédure permettant au CSA, par décision motivée, de donner son agrément à une modification du modèle économique des chaînes. Préalablement à sa décision, le CSA devra procéder à une étude d’impact, notamment économique, portant sur les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre.

L’étude d’impact est un outil majeur de notre volonté de responsabiliser économiquement le CSA. La modification des conventions et toute décision d’autorisation de nouveaux services seront désormais accompagnées d’une étude d’impact. Dans son rapport public annuel, le CSA devra rendre compte de l’impact économique de ses décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique.

S’agissant de la responsabilité politique, lors de l’examen au Sénat du projet de loi, madame la ministre de la culture a proposé quatre mots-clés qui définissent la nouvelle régulation audiovisuelle mise en place par ce texte : indépendance, impartialité, lucidité et modernité. J’y ajouterai la transparence.

La transparence est la contrepartie nécessaire à l’indépendance réaffirmée du CSA. Il en est ainsi pour les nominations des présidents des sociétés nationales de programmes qui font l’objet d’une décision motivée de l’autorité. Elle est encadrée et doit se fonder sur des critères de compétence et d’expérience cherchant à obtenir une plus grande diversité professionnelle des membres du CSA. Chaque année, les rapports d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens des sociétés nationales de programmes sont transmis pour avis au CSA et aux commissions parlementaires compétentes.

Venons-en maintenant à la continuité des mandats des présidents des sociétés nationales de programmes. Le service public audiovisuel souffre, me semble-t-il, d’un important manque de continuité stratégique. Le renouvellement tous les cinq ans des présidents ne favorise certainement pas cette continuité stratégique pourtant nécessaire à de telles organisations.

Dans cet esprit, il est louable que le Sénat se soit saisi de la question de la transition d’un président à l’autre, compte tenu des dates de passation de pouvoir actuelles. Le dispositif dit de tuilage, proposé par le Sénat et retenu par la commission mixte paritaire, répond à cette vraie question. Bien sûr, une réponse différente aurait pu être proposée comme celle d’arrêter tous les mandats le 31 décembre, évitant ainsi le tuilage et, ce faisant, un risque de confusion au sein de l’entreprise tant au début d’une présidence qu’à son terme. La question a trouvé, pour le moment, une réponse, et l’avenir est devant nous.

En ce qui concerne la publicité en journée, son maintien sur les chaînes du groupe France Télévision met fin à une période d’incertitude, celle de savoir si la publicité serait ou non supprimée le 1erjanvier 2016. Il était grand temps, pour stabiliser France télévisions, d’apporter un peu de visibilité tant pour les personnels de la régie que pour le plan d’affaire de la société.

Voilà mes chers collègues, rapidement rappelé, le contenu de ce texte que j’ai l’honneur, au nom de notre commission, de proposer à votre vote. Il vous propose une plus grande indépendance dans les nominations et un CSA renouvelé pour qu’il puisse emprunter le chemin qui nous fait passer, pas à pas, de l’univers de la réglementation à celui de la régulation de l’audiovisuel public. C’est un chemin nécessaire.

Comprenons que le CSA devra s’ouvrir plus encore aux enjeux de l’internet.

Une des bases importantes de notre système d’exposition et de financement du cinéma et de la production audiovisuelle repose sur la mise à disposition de fréquences radioélectriques gratuites. Qu’en est-il aujourd’hui lorsque la consommation télévisuelle s’effectue à 43 % par le filaire ? Chacun comprend que la question doit se poser.

Qu’en est-il aussi de l’audiovisuel, de la culture, si le ministre chargé des affaires européennes n’est pas disponible pour assurer la permanence nécessaire de notre ambition au sein de l’Union européenne et pas seulement puisque je le vois ici présent ? Qu’il soit remercié de sa compétence et de sa disponibilité mises à la défense de l’exception culturelle française dont nous portons ici l’ambition.

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