Intervention de Victor Haïm

Réunion du 6 novembre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Victor Haïm, président de l'ACNUSA :

L'ACNUSA est une autorité administrative indépendante créée par la loi du 12 juillet 1999, et dont la compétence essentielle est la lutte contre les nuisances sonores, que la loi du 12 juillet 2010 a étendue à l'ensemble des pollutions liées aux activités aéroportuaires. Selon l'interprétation que nous en faisons, il s'agit de traiter les problèmes liés aux avions au sol, au décollage et à l'atterrissage, mais pas aux avions en vol car ceux-ci relèvent du droit international. Nous ne nous occupons pas non plus des installations accueillant les passagers et les personnels, qui relèvent du code du travail pour la protection des salariés, et du code de l'environnement pour la protection des usagers des bâtiments publics. La modestie de nos moyens – nous sommes une petite Autorité de 10 personnes – ne nous le permettrait de toute façon pas.

Les 10 membres de l'Autorité sont nommés par décret pour 6 ans non renouvelables. Ils n'ont au moment de leur nomination aucun rapport direct avec le monde de l'aviation. Il y a également 7 membres associés, qui sont présents dans la procédure d'amende : deux représentants du monde de l'aviation, deux représentants des riverains, un représentant des associations de protection de l'environnement, un représentant des activités impactées par l'activité aérienne – en général un représentant des chambres de commerce et d'industrie - et un représentant du ministère chargé de l'aviation civile.

L'ACNUSA a trois domaines d'activité :

Elle intervient en matière de réglementation pour donner un avis sur chaque texte règlementaire relatif à la protection de l'environnement liée aux aéroports, notamment les plans d'exposition au bruit (PEB) et les plans de gêne sonore. C'est un simple rôle consultatif, nos avis ne lient pas.

L'Autorité détient un pouvoir de sanction de la méconnaissance des règles imparties aux compagnies aériennes. Sur ce point, je souhaite remercier les parlementaires : avant mon arrivée à la tête de l'Autorité, les amendes étaient plafonnées à 1 500 euros pour les personnes privées et à 20 000 euros pour les personnes morales ; ce second montant était un peu trop faible, comme l'avait jugé la Cour des comptes. J'avais donc proposé qu'il soit porté à 40 000 euros pour certaines infractions –faire s'envoler un avion la nuit sans avoir de créneau, faire atterrir un avion sur un aéroport qui lui est interdit - et cette proposition a été adoptée. Il faut bien reconnaître qu'avec un plafond de 20 000 euros, cela revenait moins cher à une compagnie de faire voler illégalement un avion que de payer une nuit d'hôtel à leurs passagers et de les indemniser. J'espère que le nouveau plafond, qui sera applicable au 1er janvier 2014, sera plus dissuasif.

J'avais également constaté que les amendes étaient systématiques infligées aux opérateurs techniques. Or il y a des cas dans lesquels un vol est opéré par un affréteur – qui peut d'ailleurs être Air France – qui loue l'avion à un propriétaire dans le cadre d'un contrat « ACMI » (Aircraft, Complete crew, Maintenance and Insurance), qui transfère la responsabilité des décisions sur l'affréteur. Il était donc nécessaire de réviser la loi pour donner la possibilité de condamner conjointement l'opérateur et l'affréteur. Cette proposition n'a pas été retenue. Le ministère avait invoqué à son encontre des considérations techniques qui n'ont jamais été explicitées. Il avait également indiqué que cette modification était superflue, et qu'en réalité, il est possible dans le cadre des textes en vigueur de procéder à ce type de sanction. L'ACNUSA le fera donc à l'avenir, en prenant le risque que cette sanction soit annulée par un tribunal, auquel cas nous reviendrons devant le Parlement.

Sur la procédure, il convient de noter qu'en tant qu'autorité administrative indépendante, l'ACNUSA doit respecter les règles applicables aux juridictions administratives que sont, notamment, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le principe du contradictoire et le principe « non bis in idem ». Nous avons un rapporteur permanent instruit le dossier et conclut de manière similaire à un rapporteur public dans une juridiction.

La troisième activité de l'ACNUSA est une mission d'impulsion, par le biais de recommandations. C'est une mission importante mais délicate, dans la mesure où l'Autorité n'a pas la personnalité morale et ne peut donc ester en justice, ce qui serait pourtant une bonne chose, et qui est d'ailleurs le cas pour d'autres autorités administratives indépendantes.

Quand j'ai pris mes fonctions, j'ignorais tout du domaine de l'aviation. J'ai bien sûr beaucoup appris depuis ! (Sourires) En particulier, j'ai relevé ce qu'avait dit M. Claude Gayssot pendant l'examen du projet de loi créant l'ACNUSA : cette création ne doit pas aboutir à paralyser l'activité aérienne, mais à faire que le dynamisme de celle-ci prenne en compte les dommages collatéraux qu'elle produit. C'est un équilibre difficile à trouver, et c'est le rôle de l'Autorité. Ceci se traduit parfois par la perception qu'ont certains riverains que l'Autorité les « lâche » au nom de cet équilibre. Or il me semble que, dans le contexte économique actuel, avec plus de 11 000 entreprises en liquidation, les seules régions qui s'en sortent sont celles qui sont dotées d'aéroports très dynamiques : ceux de Paris, de Bordeaux, de Toulouse, de Lyon et de Nantes. Il ne faut surtout pas casser cette dynamique, mais il faut combattre les dommages collatéraux pour les éliminer.

Comme il est exposé dans le rapport annuel d'activité, en 2012 l'ACNUSA a surtout travaillé sur le problème des vols de nuit. A Roissy-Charles-de-Gaulle, 170 avions décollent chaque nuit, ce qui crée de grosses difficultés. L'Autorité a donc fait des recommandations mais en écartant, d'une part, l'idée d'une interdiction des vols de nuit et d'autre part, celle d'une division par deux du trafic, dans le but de ne pas casser la « machine ». En effet, il me revient toujours cette histoire où des villageois, trouvant que leur boeuf consommait trop d'avoine, avaient décidé de réduire progressivement sa ration quotidienne jusqu'au moment où l'animal de trait est mort faute d'avoine.

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