Intervention de Victor Haïm

Réunion du 6 novembre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Victor Haïm, président de l'ACNUSA :

L'important est de sauvegarder les opérateurs économiques.

S'agissant des vols de nuit, nous avons émis quelques suggestions, à la fois juridiquement possibles et pratiquement faisables. Par exemple, à Roissy, nous avons proposé une alternance des doublés, de façon à ce que ne soit pas systématiquement les mêmes populations qui soient impactées. M. Augustin de Romanet a souhaité que nous nous saisissions de ce sujet, actuellement à l'étude, et j'espère que les options choisies soulageront, pendant une partie de la nuit, les riverains concernés.

Nous avons aussi proposé l'interdiction – entre 5 et 6 heures le matin, ainsi qu'entre 22 heures et minuit – de vol pour les avions les plus bruyants – moins de 13 EPNdB – mais qui utilisent notre espace aérien en toute légalité. L'aéroport de Nice a, par exemple, instauré une telle interdiction. Cela paraît donc faisable, la plupart des aéronefs générant des nuisances sonores d'un niveau inférieur : il suffit de dire que, à échéance de deux ou trois ans, de tels avions ne pourront plus circuler à partir de dix heures du soir.

Nous avons également demandé qu'une nuit par semaine, les avions – je ne parle évidemment pas des vols d'État, des secours, ni des services publics prioritaires – arrêtent de voler. Je m'inscris cependant en faux contre la position d'une de vos collègues, qui a interrogé le ministre chargé des transports sur la faisabilité d'une interdiction hebdomadaire, complète et continue des vols passagers pendant 24 heures. La position de la DGAC sur cette question ne me paraît pas honnête : elle argue des contraintes du service aéropostal et du fret rapide. Or je ne connais pas de postier qui travaille dans la nuit de samedi à dimanche, et il n'y pas de distribution du courrier le dimanche ; de même, les entreprises du fret rapide restent pour la plupart fermées le week-end, et ne reprennent leurs livraisons que le lundi. Je ne minimise bien évidemment pas les conséquences économiques de cette proposition, mais il me semble que les avantages escomptés pour la collectivité leur seraient bien supérieurs. Songez que, dans son rapport datant de 2009, l'Organisation mondiale de la santé estimait qu'une nuit complète de sommeil par semaine permet de rétablir l'équilibre nécessaire pour la santé. Elle a calculé qu'un niveau sonore nocturne moyen de 50 dB, peut-être bientôt de 40, reste compatible avec le sommeil. L'interdiction de vol une nuit par semaine permettrait de rétablir cet équilibre sur une base annuelle. Je regrette que la DGAC ne travaille pas sur cette éventualité, qu'elle écarte avec de mauvais arguments.

L'interdiction de vol nocturne pourrait également s'appliquer aux avions qui n'ont pas de créneau, même si cela aurait un coût.

L'étude de l'impact des aéroports sur la santé, qui a été entamée avant mon arrivée à la tête de l'ACNUSA, doit à mon sens être poursuivie. Elle porte, dans un premier temps, sur trois aéroports, Roissy, Lyon et Toulouse, pendant une durée de cinq ans. Cette étude a failli être interrompue, faute de crédits, et un certain nombre d'entre vous ont eu la gentillesse d'interroger le ministre à ce sujet. Comme par magie, le financement qui faisait défaut a été rétabli. J'en suis heureux.

Nous poursuivons par ailleurs des tâches de fond, en donnant des avis sur les trajectoires ou la réduction du bruit à la source, sujet auquel je suis très attaché mais qui est très technique. Airbus et Boeing, notamment en raison de la pression mondiale en faveur de la réduction des nuisances sonores et de la consommation de kérosène, s'y emploient, et n'ont pas besoin de l'ACNUSA pour ce faire.

Les procédures opérationnelles et les restrictions représentent aussi une part récurrente de notre activité bien que, sur le premier point, la DGAC ne nous ait pas encore donné accès aux données autres que celles concernant les aéroports parisiens. Un accès direct à ces mêmes données améliorerait notre efficacité, en nous donnant la faculté de porter une appréciation au cas par cas.

La planification de l'utilisation des terrains reste un de nos sujets de préoccupation. L'ACNUSA est bien conscience de la gêne entraînée par les nuisances aéroportuaires : pour cette raison, elle ne se montre pas favorable à un développement de l'urbanisation à proximité des aéroports. Cependant, dans les zones à fort développement économique – comme Roissy, Orly, Toulouse, Bordeaux et Lyon –, une pression très forte s'exerce en sens inverse, ce qui y explique la multiplication des constructions, constructions dont la régularité n'est pas toujours évidente. Je reste dubitatif quand on surélève d'un étage une maison, parfois importante, en déclarant qu'il va s'agir d'une dépendance.

Peut-être faudrait-il, au lieu de s'opposer dogmatiquement à ce mouvement, étudier les voies et moyens qui permettraient d'autoriser ou d'interdire ce type d'opération. Prenons le taureau par les cornes : si l'on prend le plan d'exposition au bruit (PEB), et qu'on « descend » la zone B, sur laquelle aucune construction n'est autorisée, tout en affinant les contours de la zone C, je suis persuadé qu'on peut se mettre d'accord sur une extension des droits à construire qui ne pénaliserait pas nos concitoyens et qui éviterait un accroissement des nuisances.

Nous avons lancé une étude, que nous poursuivrons l'an prochain si vous votez le budget de l'ACNUSA, sur les bâtiments situés à 1,5 kilomètre du départ des pistes. Il s'agit de pavillons, qui reçoivent d'un côté 60 dB, et de l'autre 40. Cela veut dire que si l'on opte pour une implantation parallèle aux pistes, en prévoyant les pièces de jour du côté exposé au bruit, et les pièces de nuit de l'autre, et si de plus on « gagne » 5 dB en installant un auvent, et un peu moins en végétalisant la toiture, on peut limiter de façon très significative les nuisances sonores. Nous en reparlerons l'an prochain, car la législation relative à l'urbanisation jouxtant les plateformes aéroportuaires, comme celle s'appliquant à l'indemnisation, devra être revue.

En effet, en jouant sur la combinatoire nombre d'avions – niveau de nuisance sonore, il y a des zones, relativement limitées mais où les nuisances sont fortes, dans lesquelles on peut proposer aux propriétaires, pour des raisons de santé, de racheter leur bien mais à leur valeur « vraie », c'est-à-dire abstraction faite de la présence de l'aéroport. L'ancien fiscaliste que je suis ne voit pas là de problème sérieux, ni éthique ni politique : on peut évaluer ces biens par comparaison avec des biens équivalents mais non impactés par des nuisances sonores ; dans des zones plus éloignées, on peut imaginer une prise en charge à 100 % de l'isolation.

À ce sujet, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour m'inquiéter du plafonnement, dans le projet de loi de finances pour 2014, de la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires (TNSA), qui constitue une application limpide du principe pollueur-payeur. Les pollueurs doivent payer pour la protection des pollués. Je comprends bien évidemment que l'administration des finances préfère la qualifier de taxe plutôt que d'indemnisation, mais il n'en reste pas moins qu'un tel plafonnement privera, à due concurrence du montant non affecté, les populations concernées justement des moyens d'être indemnisées.

J'ajoute qu'une telle mesure me paraît inconstitutionnelle, compte tenu du fait que l'État perçoit déjà des impôts assis sur les revenus des sociétés et de la rupture d'égalité induite par ledit plafonnement. Je vous rappelle que 1 500 logements, il me semble, mais je dois vérifier ce chiffre, restent en attente d'une prise en charge de leur isolation. À Bordeaux, le rythme de propriétaires bénéficiaires oscille entre 40 et 50, et il reste un « stock » de 300 logements à traiter. Il s'agit de zones fragiles, peu riches, au sein desquelles ce type de mesure va faire prendre du retard à des habitants qui ne peuvent se lancer seuls dans les travaux.

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