Intervention de Victor Haïm

Réunion du 6 novembre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Victor Haïm, Président de l'Autorité de Contrôle des Nuisances Aéroportuaires :

Le village de Wattries, qui compte 110 habitants, a par exemple été proposé pour l'implantation de Fedex. Cela ne me paraît pas sérieux : le bassin d'emploi de la région entière ne suffirait pas à absorber la demande de main-d'oeuvre qu'occasionnerait cette implantation.

Pour répondre aux doutes exprimés à propos du développement urbain, un groupe de travail présidé par un préfet a travaillé sur la plateforme d'Orly. Il a relevé, entre autres, une forte poussée de l'urbanisation autour de la plateforme de Roissy. Vous savez que l'ACNUSA a pris l'habitude de se rendre sur toutes les plateformes pour juger in concreto des questions qui s'y posent : j'ai donc bien pris conscience, que ce soit à Bordeaux ou à Toulouse, de celles liées à l'urbanisation autour des plateformes.

Un membre du collège de l'ACNUSA a été directeur des services à Lyon : il m'a confié qu'on constate un mitage considérable autour de l'aéroport Saint-Exupéry. Le même phénomène peut être observé autour de Charles de Gaulle, en région Île-de-France. Les gens s'installent près de leur lieu de travail, comme ils le faisaient autour des carrefours de circulation des diligences ou des bateaux à voile au XVIIe siècle. Un rapport du CREDOC de 2012 met en lumière la souffrance des salariés liée à l'éloignement grandissant entre leur lieu de travail et leur domicile. Pour prendre un exemple que je connais, au tribunal administratif de Melun, les greffières obligées de se rendre au Mesnil-Amelot pour des audiences ont protesté en raison de l'allongement des temps de transport et des problèmes de garde d'enfants.

J'ai été par ailleurs interrogé sur le bilan des nouvelles responsabilités que l'ACNUSA s'est vue confier par la loi de juillet 2010 dite « Grenelle II ». Notre démarche reste balbutiante, même si un spécialiste de la pollution de l'air a, je l'ai indiqué, pu être recruté : je pense pouvoir vous en dire plus l'an prochain. Nous avons cependant mis en place un groupe de travail sur l'impact des pollutions liées à l'ensemble des activités aéroportuaires, et pas seulement celles liées au trafic aérien.

L'union de lutte contre les nuisances aéroportuaires, association présidée par une habitante de Toulouse, ne veut pas comprendre l'utilité du trafic aérien. Elle milite par exemple pour un niveau de nuisance sonore de 40 dB à l'intérieur des bâtiments ! L'OMS recommande ce niveau, mais à l'extérieur. Cette association pense que l'appréciation in concreto n'est pas favorable aux riverains des plateformes, et cela est vrai, mais pour l'ACNUSA, je vous l'ai dit, celle-ci n'est pas non plus favorable à la DGAC ni aux compagnies aériennes. Nous essayons de trouver un modus videndi avec l'ensemble des parties prenantes. La démarche suivie par le groupe de travail formé par Jean Rebuffel sur les vols de nuit illustre la difficulté d'atteindre cet objectif : malgré une analyse très fine et pertinente de l'existant, il a échoué à trouver un consensus quand il s'est agi de passer aux propositions. Je sais que le ministre chargé des transports a été de nouveau saisi de la question par Jean-Pierre Blazy.

Un membre de la commission a souhaité savoir quel était l'impact de l'évolution technologique sur celle des nuisances. Nous avons récemment rendu visite à Airbus, et, même si je suis resté, à titre personnel, sur ma faim, n'ayant pu rencontrer le responsable de la prospective du groupe, les nouvelles générations d'avions vont apporter des améliorations intéressantes, ce qui a été confirmé par un rapport d'Air France. La Commission européenne nous a également récemment rappelé qu'en 1978, un aéronef comme le B747-200 produisait 85 dB pour une aire de 12 km2, pour une masse de 300 tonnes, alors qu'en 2008, l'A 380 ne générait, pour un niveau d'émissions sonores comparable, que 4 km2, pour 510 tonnes, soit une masse près de deux fois plus importante.

M. Philippe Plisson a suggéré de réserver le transport aérien aux longs courriers, et tous les autres modes de transport aux distances couvertes par les court et moyen-courriers. Il faut avoir en tête que, pour un même nombre passagers transporté, un avion ATR-42 consomme 2 litres de carburant au kilomètre par passager, soit moins qu'un bus, et que son impact environnemental est plus faible que celui de tous les autres modes de transport. Au plan européen, les nuisances induites par le train touchent 6 millions de personnes, celles générées par l'avion trois seulement. Chaque mode s'avère pertinent en fonction de la distance à parcourir et du temps de transport.

La domiciliation hors du territoire national des sièges sociaux des compagnies étrangères opérant en France peut constituer un obstacle au recouvrement des amendes. Aussi la condamnation conjointe et solidaire du fréteur et de l'affréteur permet désormais d'assurer le règlement d'à peu près 85 % des litiges. En cas d'amende sanctionnant une absence de créneau, la responsabilité de l'aiguilleur du ciel ne peut être recherchée, la DGAC privilégiant la sécurité et n'intégrant pas encore la préservation de l'environnement dans ses objectifs. Elle mène actuellement une réflexion afin de trouver un moyen de sanction à l'encontre des aéronefs qui décollent sans créneau, mais je suis persuadé qu'elle pourrait relever systématiquement la liste des fautifs et nous la transmettre : à la longue, le caractère dissuasif des amendes permettrait de faire disparaître ce type de pratiques donc de limiter les nuisances.

La concertation et la communication me paraissent fondamentales, d'autant plus que la DGAC n'a pas le culte de la transparence. Cela vous explique mon obstination à obtenir la transparence du tracking, c'est-à-dire la possibilité pour tous nos concitoyens d'accéder aux informations relatives aux trajectoires des avions, par exemple sur leurs Smartphones. Je crois, compte tenu du fait que nous avons fait sauter le verrou de la sécurité, que cela va arriver. J'espère que le même résultat positif pourra être obtenu concernant le déport.

S'agissant des possibles bénéfices de l'insonorisation, grâce au produit de la TNSA, j'ignore comment se passent précisément les choses : je sais que, concernant les plateformes de taille modeste, où les bassins de population concernés sont peu importants, les opérateurs font quasiment du porte-à-porte ; dans les autres cas, ils agissent selon une méthode plus générale. À mon sens, les élus doivent assurer une information du public dans les zones concernées. Les aéroports jouent le rôle de trésorier dans la perception de cette taxe : je ne sais pas si les collectivités locales, ou une institution nationale, comme la banque publique d'investissement, pourraient le remplir de façon plus satisfaisante.

Vous aurez remarqué ma sensibilité aux procédures permettant, grâce à une modification des trajectoires, d'habiter près des plateformes en limitant l'impact des nuisances sonores. Le guidage des avions par satellite - 85 à 90 % disposant à bord de l'équipement idoine - offre la possibilité de concentrer les passages d'avions sur une route très étroite, de l'ordre de 500 mètres, ce qui implique une concentration de l'impact sonore. Cela permet un accroissement du nombre de riverains non impactés, tandis que ceux, moins nombreux, qui se trouvent impactés plus fortement pourraient soit bénéficier d'un financement de leurs travaux d'isolation, soit choisir de quitter le site, moyennant une juste et préalable indemnisation. Pour autant, la mise en oeuvre d'une telle réforme implique peut-être une formation des pilotes.

En conclusion, je voudrais insister sur le fait que la croissance du trafic aérien ne signifie pas nécessairement une augmentation des nuisances aéroportuaires. Les techniques nouvelles permettent en effet une concentration et une réduction de ces nuisances. Il faut à mon sens privilégier les solutions permettant d'une part le développement de l'activité économique et la réduction du chômage, et d'autre part minimisant le coût des nuisances pour la santé publique.

Je vois que le temps me manque pour évoquer le dossier de Notre-Dame-des-Landes (Sourires).

Un dernier mot sur le plan d'exposition au bruit du Bourget : l'administration était persuadée de l'avoir réalisé dans les formes. Mais au cours de la rencontre sur place entre l'ACNUSA et la CCE, il est apparu cette dernière n'avait qu'informée de la procédure. Il faut donc qu'elle en soit saisie, qu'elle l'approuve et qu'elle nous le transmette. Pour Orly, bien qu'elle ne soit pas concernée par l'enquête d'utilité publique, j'ai demandé à ce que tous les documents de l'enquête soient transmis à l'ACNUSA. Cela nous permettra de vérifier si certaines craintes exprimées ce matin ont un fondement, et si nous devons en conséquence faire remonter certaines réserves. Nous poursuivons cette démarche visant à améliorer la transparence avec la DGAC, en vue d'étendre le nombre de parties prenantes aux enquêtes publiques, afin de ne pas laisser tant de monde à l'extérieur.

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