Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 5 novembre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, corapporteur :

La faiblesse de l'outil statistique concernant les COM et concernant Mayotte a été signalée dans le rapport. Nous nous efforcerons, au moment de la publication de ce dernier, de mettre mieux en relief les chiffres les plus intéressants que nous avons pu rassembler sur la situation foncière à Mayotte.

Du point de vue des activités agricoles, la situation de Mayotte est incontestablement une situation spécifique.

Il n'existe pas de cadastre sur l'île. Les structures agricoles sont constituées par des micro-exploitations de moins d'un hectare qui pratiquent une agriculture essentiellement vivrière. Il n'y a aucune filière – même la récolte de l'ylang-ylang tend à décroître – et tout est donc à créer et à organiser en ce domaine. Le Gouvernement doit donc apporter des réponses spécifiques aux besoins du nouveau département.

S'agissant des remarques qui ont été formulées par certains collègues sur les deux questions de l'autosuffisance alimentaire et de la diversification des cultures, je voudrais apporter, à titre personnel, quelques éléments de réflexion pour alimenter un débat qui est maintenant très ancien.

Bien entendu, la diversification des cultures est utile et même nécessaire, et dans certains territoires beaucoup de progrès ont été réalisés en ce domaine.

Mais il existe aussi des obstacles structurels incontournables qui font que la diversification des cultures outre-mer trouvera toujours ses limites.

Il y a d'abord l'obstacle du climat. Il existe des spécificités climatiques outre-mer et il est quasi impossible d'aller à leur encontre. La plupart des experts le confirmeront.

Il y a aussi le facteur démographique. Pour reprendre l'exemple de Mayotte, ce territoire comptait, il y a une quinzaine d'années, environ 70 000 habitants. Il en compte aujourd'hui 260 000. Il est clair que l'on ne peut pas nourrir 70 000 personnes de la même manière que 260 000, surtout avec des cultures endogènes. La démographie constitue une limite évidente à l'autosuffisance.

Par ailleurs, les habitudes alimentaires doivent être également prises en considération. Elles varient dans tous les pays. Par exemple, en Europe, on ne connaîtrait pas le blé dur sans l'apport des Chinois. Au Sénégal, on ne connaîtrait pas le riz sans l'influence de l'Europe. Les habitudes alimentaires sont soumises à évolution et les territoires ne peuvent pas tout produire.

Il y a aussi la question de la transformation. Pour créer des filières de diversification, il ne faut pas seulement produire, il faut aussi que la production enregistre une valeur ajoutée et que celle-ci demeure sur le territoire. Or, les capacités industrielles des pays d'outre-mer sont souvent beaucoup trop faibles pour que la création d'une telle valeur ajoutée puisse être durablement inscrite dans le temps.

Par conséquent, la diversification n'est pas une panacée. Les collectivités d'outre-mer ne doivent pas se laisser enfermer dans un choix binaire : exportation ou diversification. Il est nécessaire d'encourager à la fois l'agriculture endogène et l'agriculture traditionnelle exportatrice, les deux activités étant susceptibles de dégager des excédents commerciaux pour couvrir les importations.

Pour répondre maintenant plus précisément à la question de M. Serge Letchimy sur l'utilisation de la clause de sauvegarde, je suis évidemment tout à fait d'accord avec l'idée qu'un État puisse utiliser, de temps à autre, ce dispositif juridique. La Commission européenne est toujours spécialement timorée sur ce sujet. Pourtant, beaucoup de pays extra-européens ne se privent pas d'utiliser une telle clause.

Pour répondre à M. Jean Jacques Vlody sur la recherche et sur les liens qu'elle peut entretenir avec les produits phytosanitaires et avec leurs spécificités tropicales, il paraît bien clair que, pour développer des programmes de recherche, il est nécessaire de disposer de marchés suffisamment vastes. Pour obtenir ces marchés, une solution intéressante pourrait consister en l'élaboration de programmes communs entre les grands organismes de recherche publique, tels que l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) ou le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), et leurs homologues étrangers. Les résultats de ces programmes pourraient être diffusés au même moment dans différentes parties du monde, ce qui pourrait sembler beaucoup plus attractif pour les financeurs.

Par ailleurs, bien évidemment, je partage le sentiment de M. Jean Jacques Vlody sur le fait que le cycle d'épandage n'est pas adapté. Le cycle tropical dure douze mois, tandis que le cycle tempéré dure trois mois. On ne peut pas calquer l'un sur l'autre.

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