Intervention de Claude Goasguen

Séance en hémicycle du 13 novembre 2013 à 21h35
Loi de finances pour 2014 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Partant de ce constat, j’ai interrogé Mme Marisol Touraine en commission élargie sur les moyens que le Gouvernement entend consacrer à la prévention en matière de santé. Loin des engagements du mois de septembre dernier, elle a souligné qu’il n’est pas possible de transformer en un an notre système de soins pour le faire passer d’une logique curative à une logique préventive.

Mais quels seront effectivement les crédits que vous engagerez en 2014 à ce sujet ? Faudra-t-il encore attendre et, si oui, jusqu’à quand ?

À ce sujet, je dois également dire que j’étais très déçu de votre réponse sur l’avenir du dossier médical personnel. J’ai bien compris que vous souhaitiez réduire son champ et sa portée, c’est-à-dire, en pratique, renoncer à son utilisation. Vous fermez ainsi notre pays à la voie de la dématérialisation et de l’avenir dans laquelle il y aurait pourtant intérêt à s’engager en termes de contrôle et d’économies.

Sur la réorganisation des agences, je note une fois encore que vous reportez votre décision, arguant du fait que les rapports nécessaires ne vous ont été remis qu’au mois de juillet dernier.

J’en viens à l’aide médicale d’État, car les questions précises que j’ai soulevées en commission élargie n’ont toujours pas trouvé de réponse.

Vous nous avez indiqué que la dépense pour l’État devrait atteindre 700 millions d’euros cette année, soit un dérapage de 20 % par rapport à la prévision initiale. Je considère pour ma part que cette somme sera plus importante, surtout si l’on intègre les restes de dettes envers la Sécurité sociale qui sont à la charge de l’État – à hauteur de 40 millions d’euros –et les crédits d’urgence, inscrits à 40 millions d’euros dans la loi de finances, mais pour lesquels le besoin dépasse déjà, de toute évidence, 120 millions d’euros. Nous nous dirigeons donc allègrement vers une somme qui, à la fin de l’année, atteindra 1 milliard d’euros. Dans tous les cas, comment comptez-vous financer cette hausse ?

Vous avez considéré que tous les éléments m’avaient été transmis en temps et en heure : c’est en tout cas la réponse qu’a faite la ministre de la santé. C’est tout simplement faux, puisque, avant mon contrôle sur place et sur pièce du 23 octobre, je ne disposais d’aucune donnée sur l’exécution 2013, alors même que le délai de réponse à mon questionnaire budgétaire avait expiré. En réalité, l’absence de contrôle du système AME montre que celui-ci est à bout de souffle. Les faits éclatent en pleine lumière : l’État se contente de rembourser la Sécurité sociale, sans que nous soyons certains que de vrais contrôles sont effectués. Les chiffres avancés par la Caisse nationale d’assurance-maladie sont dérisoires et prêtent à sourire. Nous sommes bel et bien dans une économie de guichet.

Je vous ai interrogé sur les conséquences du déploiement à venir de l’AME à Mayotte. Elle ne s’y applique pas encore, mais sa mise en oeuvre interviendra tôt au tard, et il me paraît absolument nécessaire d’avoir une vision comptable en perspective. Vous avez refusé de me répondre et utilisé pour cela un artifice de procédure, en indiquant que mes questions excédaient mon domaine de compétences. Pourtant, la ministre de la santé n’a pas hésité à répondre sur des sujets hors compétence en commission élargie. En tant que législateur appelé à voter la loi de finances, je vous demande s’il est normal que l’Assemblée nationale ne connaisse pas les déficits de l’hôpital de Mayotte, qui est le premier hôpital public de France pour la maternité. Ces chiffres ne sont ni dans le PLF, ni dans le PLFSS, où je les ai cherchés. Est-ce parce que la situation est à ce point catastrophique ?

De même, pourquoi ne pas répondre sur la Guyane, qui est, quant à elle, dans le champ de cet examen ? La sous-évaluation évidente des chiffres de l’AME en Guyane est contredite par le rapport de la cour régionale des comptes des Antilles d’octobre 2011 qui évalue à 75 000 le nombre de ressortissants du bassin de vie du Suriname, sur les rives du fleuve Maroni, bénéficiant du dispositif. On ne trouve rien sur ces sujets, ni dans le PLF, ni dans le PLFSS.

Nous ne sortirons pas de ce débat stérile sur l’AME, tant que vous refuserez de communiquer librement sur les chiffres, et tant que vous n’admettrez pas que contrôler cette dépense n’est ni insultant, ni contraire aux principes humanistes. Cela consiste, au contraire, à voir la réalité en face pour assumer, en toute connaissance de cause, ses responsabilités.

L’AME est hors contrôle, hors du contrôle de la Sécurité sociale et de l’État.

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