Intervention de François Pupponi

Réunion du 14 novembre 2013 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Nous sommes au terme d'une période de plus de trente ans d'action publique dans ces quartiers que l'on qualifie parfois de « défavorisés », parfois de « populaires », parfois encore de quartiers « en difficulté ». Or, on ne peut que constater que l'action publique n'a pas été suffisamment efficace pour sortir ces quartiers de l'état de relégation dans lequel ils se trouvent. Bien entendu, il n'est nullement question pour moi d'affirmer que rien n'a été fait et encore moins que la politique n'a pas été efficace. Au cours des trente dernières années, cette politique nous a permis d'agir par l'intermédiaire d'acteurs de terrain soutenus par l'État et c'est heureux. Sans cela, la situation serait bien plus catastrophique qu'elle ne l'est aujourd'hui. Mais force est de constater que l'ensemble de l'action publique n'a pas permis de régler les problèmes de ces territoires.

S'il ne s'agit nullement de dire que rien n'a été fait, c'est aussi parce qu'au-delà de la politique de la ville, plusieurs textes majeurs ont été adoptés puis appliqués, parmi lesquels la loi de programmation pour la rénovation urbaine de 2003. Nous sommes d'ailleurs tous d'accord pour saluer l'action de l'ANRU – une action réellement efficace même si elle a fait l'objet de critiques à la marge. Le projet de loi propose d'ailleurs d'en reprendre plusieurs aspects dans le cadre d'un nouveau programme de renouvellement urbain – NPNRU. Je citerai également la loi de 2005 sur la réussite éducative qui a fait en sorte de prendre en compte le parcours individuel des jeunes et des enfants en difficulté qui sont scolarisés dans ces quartiers. Enfin, la mise en oeuvre des crédits d'intervention de la politique de la ville a été réorganisée avec la création de l'Agence nationale pour l'égalité des chances en 2006.

L'idée de flécher nos actions sur les quartiers prioritaires – que sous-tend le présent projet de loi – n'est pas neuve : elle avait en effet présidé à la volonté de créer 751 zones urbaines sensibles. Cependant, le processus s'est rapidement délité si bien que l'on recense désormais plus de 2 400 quartiers – de priorité 1, 2 et 3. Et l'on ne sait plus trop qui fait quoi.

Si beaucoup a été dit sur les quartiers censés entrer ou sortir du cadre de la politique de la ville en vertu de ce projet de loi, la réalité est beaucoup plus simple – comme chacun s'en apercevra au fur et à mesure de l'étude du texte. En fait, peu de quartiers sortiront du dispositif. De surcroît, ceux-ci seront accompagnés. Il n'y a donc aucune crainte à avoir. En revanche, plusieurs territoires ont bénéficié d'aides de la politique de la ville sans que cela soit justifié. Lors du débat sur la dotation de solidarité urbaine (DSU), j'avais d'ailleurs moi-même appris en séance au ministre Woerth que la ville de Chantilly touchait 50 000 euros de dotation de solidarité urbaine (DSU). Sans aller jusqu'à dire qu'il n'y a aucune difficulté dans cette commune, on s'apercevra que certaines des communes qui sortent du champ de la politique de la ville ne touchaient jusqu'ici que 10 000 à 20 000 euros par an d'aides au titre de cette politique. On peut donc légitimement considérer qu'elles sont capables de se passer de montants qui pourront alors être réalloués aux quartiers prioritaires. Cela étant, ne soyons pas anxiogènes : loin de provoquer un grand bouleversement, nous visons au contraire à recadrer le ciblage des aides de telle sorte que les moyens de la politique de la ville soient alloués aux quartiers prioritaires et que les moyens de droit commun de l'État soient mobilisés sur les quartiers qui ont besoin d'être accompagnés.

Monsieur le ministre, vous avez fait preuve d'une grande écoute. Or, s'il est vrai que beaucoup a été accompli au cours des trente dernières années, une telle écoute n'a pas toujours été au rendez-vous. Vous avez pour votre part souhaité que ce projet de loi soit le résultat d'une grande concertation. L'ensemble des parties prenantes à cet change – élus, habitants, acteurs associatifs, services dédiés – ont d'ailleurs salué cette écoute, de même que le déroulement du processus et le résultat qui en a découlé.

Le projet de loi qui nous est soumis va dans le bon sens : il résume en effet l'ensemble des souhaits que nous formulons depuis tant d'années afin de renforcer l'efficacité de la politique de la ville.

Il propose tout d'abord une géographie prioritaire resserrée s'appuyant sur des critères simples et compréhensibles, liés à la pauvreté de la population. On part ainsi du principe que c'est dans les villes où la pauvreté est concentrée qu'il faut concentrer les moyens de la politique de la ville. Il s'agit ensuite de fédérer les acteurs autour d'un projet de territoire à l'échelle pertinente : or, si l'on songeait auparavant aux quartiers puis aux villes, tout le monde s'accorde au bout de trente ans sur le fait que c'est le territoire situé autour de ces quartiers qui doit être le lieu d'intervention de la politique de la ville et que l'intercommunalité a un rôle important à jouer. Le texte vise en outre à territorialiser cette politique en instituant des contrats de ville dans le cadre desquels les politiques de droit commun seront fléchées sur les quartiers prioritaires et sur les territoires nécessitant d'être accompagnés.

Il nous faut bien entendu repenser le pilotage de la politique de la ville : c'est à cette fin qu'est proposée la fusion de l'ACSé, de la DATAR et du Secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV). Ainsi regroupés, les acteurs pilotant la politique de la ville au niveau national gagneront en visibilité. Car si tout le monde salue le travail de l'ANRU – agence incarnée et visible avec laquelle les élus locaux peuvent aisément discuter, la critique adressée à l'ACSé ne porte guère sur le fond de son action mais sur son manque de visibilité dans les quartiers. On voit en effet fort peu ses représentants se déplacer sur le terrain. Nous ferons donc en sorte que le nouveau Commissariat général à l'égalité des territoires prenne corps et que l'aide aux quartiers prioritaires soit plus efficace. Il convient également d'affirmer le principe de co-construction des projets avec les habitants – point qui a fait l'objet d'un débat très important hier au sein de la commission du développement durable. J'insiste vraiment sur la nécessité non seulement de placer les élus au coeur de l'élaboration de ces projets mais aussi que les habitants, les acteurs économiques et les associations y participent. Il ne doit en effet y avoir aucune défiance entre les élus et la population. Cela suppose que l'on promeuve la formation des habitants. Malheureusement, l'article 40 de notre Constitution est appliqué avec une telle sévérité que lorsque certains collègues ont déposé des amendements visant à créer des instances de concertation au sein des quartiers, la Commission des finances a considéré, avec raison peut-être, que cela constituait une charge publique nouvelle. Il nous faudra donc trouver une nouvelle solution, conforme cette fois à l'article 40, pour créer des instances permettant le montage de projets en co-construction avec les habitants.

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