Intervention de Michel Piron

Séance en hémicycle du 18 novembre 2013 à 16h00
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Qu’il s’agisse d’accompagnement des entreprises, de formation professionnelle, de santé, ou encore – pardonnez-moi –de scolarité primaire, on légifère et on réglemente dans toutes ces régions, alors qu’on peine même à appliquer la réglementation dans les nôtres. Au fond, la France, qui ne s’est jamais vraiment remise du référendum de 1969, demeure ce pays hypercentralisé, dans lequel la quasi-totalité des règles continue de se fabriquer au niveau national.

En conséquence, un élu local, qu’il soit maire, conseiller régional, ou président d’une grande agglomération, n’a d’autre choix, s’il veut être capable de changer et de peser sur des réglementations – d’ailleurs toujours plus nombreuses, voire étouffantes –que de se faire élire au niveau national, et donc de cumuler les mandats. Ainsi, en interdisant aux parlementaires de cumuler leur mandat avec une fonction exécutive locale, vous apportez une mauvaise réponse à une vraie question, puisque vous ne traitez que les effets, et non les causes. Je le répète : le cumul n’est en réalité que l’enfant naturel de la centralisation. Or vous, vous voulez supprimer le cumul, et garder la centralisation !

Je m’exprime ici au nom des députés du groupe UDI, qui sont des décentralisateurs assumés, et qui sont convaincus qu’on ne peut séparer cette réflexion sur le cumul d’une réflexion sur la centralisation. Nous sommes donc invités à franchir une étape et à aller beaucoup plus loin dans le sens de la décentralisation.

Nous ne résoudrons pas correctement la question du cumul au détour de ce que je considère, hélas, comme un pastiche de réforme, et sans poser en même temps la question, beaucoup plus vaste et profonde, de la gouvernance en général, celle du rapport entre les collectivités locales et l’État, celle, enfin, qu’un certain discours de Dijon avait fort bien posée. Mais qu’est-il devenu ?

Votre remède risque même d’être pire que le mal, car l’absence de cumul aura probablement pour effet de centraliser encore davantage les décisions. Elle incitera certains parlementaires à reconstruire une cité idéale, déconnectée du pays réel – comme c’est déjà parfois le cas, hélas, avec certains textes –et à adopter des lois dont l’inapplicabilité risque de provoquer de violents rejets.

Un autre effet indésirable de l’interdiction faite aux parlementaires de cumuler des mandats exécutifs locaux ne sera-t-il pas d’accroître encore davantage les pouvoirs du Président de la République ? Ces derniers ont déjà été considérablement confortés et renforcés par la réforme de 2000. Avec l’inversion du calendrier, les députés de la majorité, désormais élus dans la foulée du Président de la République, sur son programme et pour la durée de son mandat, sont rééligibles avec lui, et donc infiniment plus dépendants de son élection. Or les députés qui sont également maires ou présidents d’un conseil général ou régional sont forcément moins dépendants du pouvoir exécutif. Le cumul tempéré, qu’on aurait souhaité, faute de mieux, devenait au moins une garantie supplémentaire de respiration démocratique.

Monsieur le ministre, je vous avais dit en première lecture, avec bon nombre de mes collègues, que si vous teniez malgré tout à légiférer sur le seul cumul, il fallait au moins tempérer votre projet en autorisant certains cumuls entre mandats territoriaux et nationaux. Vous avez récusé cette voie, et nous ne pouvons que le regretter.

Le non-cumul des mandats n’est donc qu’un mauvais expédient pour éviter une véritable réforme territoriale, ce qui est particulièrement risqué dans un pays fragilisé comme le nôtre. Vous comprendrez donc que, comme en première lecture, le groupe UDI se prononce majoritairement contre ces deux projets de loi, même si, compte tenu de l’esprit qui a présidé à la rédaction ce texte, certains de mes collègues s’abstiendront.

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