Intervention de Patricia Adam

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 15h00
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées :

J’ajoute que c’est notamment l’évolution non maîtrisée des dépenses de rémunération les années précédentes qui rend ce choix nécessaire. Donc là non plus, n’ouvrons pas de mauvais débats de diversion.

Un débat connexe a été ouvert en commission, celui sur le dépyramidage. Il me semble d’ailleurs qu’il faut plutôt parler de repyramidage puisqu’il s’agirait de passer d’un cylindre à une pyramide dont la pente est le sujet de discussion. Là aussi, il nous faut éviter les mauvais débats. Pourquoi le pourcentage d’officiers a-t-il augmenté ces dernières années ? Tout simplement parce que, lorsqu’on décide de supprimer 54 000 postes d’un trait de plume au titre de la RGPP, la seule façon de remplir l’objectif politique assigné est de ne pas renouveler les contrats d’engagement qui arrivent à échéance. Or tous les militaires du rang et les jeunes sous-officiers servent en vertu d’un contrat. À l’inverse, la grande majorité des officiers sert sous statut, et il n’est pas possible de faire partir un officier qui ne le souhaite pas. Il y a donc un effet mécanique. Ce n’est pas le haut de la pyramide qui a crû, c’est la base qui a été rabotée.

Prenons un exemple. L’armée de terre a le taux d’encadrement officier le plus bas du ministère. Elle va néanmoins supporter le gros des diminutions d’effectifs à venir car c’est elle qui dispose encore, et c’est bien normal, des effectifs les plus importants. Ces diminutions toucheront très majoritairement les premiers grades de la hiérarchie militaire générale. À l’issue, il n’y aura pourtant pas d’officier en plus dans l’armée de terre. Je remarque incidemment que les deux composantes les plus encadrées du ministère de la défense sont la DGA et le service de santé. Monsieur de Rugy, tant qu’il y aura des ingénieurs militaires au sein du ministère, ils seront officiers, ainsi que les médecins. Est-ce choquant ? Je ne le crois pas. Je rends plutôt hommage aux efforts consentis par tout le personnel. En outre, j’ai d’ores et déjà informé le bureau de la commission de la défense de mon souhait de travailler sur les questions du personnel du ministère de la défense. Nous pourrions lancer bientôt une mission sur les questions de formation.

Toujours d’agissant du personnel, je suis désormais convaincue qu’il ne pourra être traité demain comme il l’était hier. Geneviève Gosselin-Fleury y reviendra mais j’en dis néanmoins un mot. Tout le monde sait que la discipline est la première force des armées. C’est en tout cas le règlement de discipline générale de 1933 qui l’affirme. Personne ici ne croit qu’un texte réglementaire puisse résister indéfiniment à l’épreuve du temps. D’ailleurs, le règlement de 1933 dura trente-trois ans puis fut remplacé, en 1966. À nous aussi, il appartient de tenir compte de la marche du monde. Il n’y a plus d’ennemi aux frontières et, surtout, les armées ont été professionnalisées il y a quinze ans. Le personnel du ministère de la défense, civil et militaire, a, sans sourciller, encaissé un train ininterrompu de mesures difficiles depuis lors. Il a incontestablement fait la démonstration de sa loyauté, de son esprit de responsabilité et de sa maturité. Cela doit être pris en compte par le commandement.

J’en appelle donc à une rénovation de la concertation au sein de ce ministère, comme le souhaitent d’ailleurs le Premier ministre et le Président de la République. Les droits des militaires sont garantis par la hiérarchie, ceux des civils sont limités par la loi de 1984. Sans remettre en cause les motifs qui fondent ces particularismes, il convient néanmoins d’adapter les modes de concertation afin de mieux répondre aux besoins et aux intérêts du ministère. Ceux qui vont au feu ont le droit de donner leur avis sur les questions statutaires, ceux qui servent comme personnel civil au sein de la défense doivent pouvoir évoquer les questions d’organisation au sein des instances compétentes. On n’a jamais été déçu lorsque l’on a fait confiance au personnel de ce ministère, alors poursuivons.

Le dernier sujet que je souhaite aborder est l’introduction de la justice de droit commun dans les opérations militaires – j’ai failli parler d’immixtion. La commission a considéré comme justifiées les deux modifications de procédure pénales introduites par le projet de loi. Je rappelle qu’il s’agit de présumer que la mort en opérations militaires n’est pas de cause inconnue et de n’engager d’éventuelles investigations qu’à l’initiative du parquet pour les faits commis par un militaire dans l’accomplissement de sa mission hors du territoire national.

Il ne s’agit en aucun cas pour nous d’offrir une impunité aux militaires. En revanche, il s’agit de réaffirmer une évidence : le militaire en opérations n’est pas un civil. Sa mission est particulière. Il tire sur ordre, il court le risque d’être tué et il a le droit de tuer. C’est cette nature particulière et unique de la mission du soldat qui justifie l’existence d’un statut général des militaires particulier, dérogatoire à celui de la fonction publique. C’est cette nature particulière qui rend le militaire vulnérable en cas d’application du code de procédure pénale. Il convenait d’y mettre bon ordre. C’est fait, et je remercie l’ensemble des membres de la commission. C’est aussi une marque de confiance de la République à l’endroit de ses soldats.

Tels sont les points que je voulais aborder, je vais laisser Geneviève Gosselin-Fleury présenter les autres aspects de ce projet de loi de programmation.

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