Intervention de Ségolène Neuville

Séance en hémicycle du 29 novembre 2013 à 15h00
Renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSégolène Neuville :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un sujet très grave : la situation de plusieurs dizaines de milliers de personnes prostituées en France.

Pour certains, des interrogations subsistent : une nouvelle loi sur la prostitution est-elle vraiment nécessaire, est-ce le bon moment, en quoi les choses ont-elles changé, qui obligeraient à intervenir maintenant, pourquoi donc ne pas continuer à fermer les yeux ? La réponse est simple, parce que la situation actuelle des personnes prostituées en France est désastreuse, sur le plan humain, sur le plan social et sur le plan sanitaire.

Mon propos n’est pas idéologique, il est pragmatique. C’est en tant que médecin que j’ai choisi de vous lire cette description de l’un de mes confrères gynécologues, parue dans le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur l’état de santé des personnes prostituées :

« Ces femmes ont été exposées aux violences de la part des clients, incluant des menaces avec couteaux ou pistolets, des positions acrobatiques imposées avec les membres liés au lit. Elles ont aussi fait l’objet de brûlures de cigarettes assez récurrentes sur les seins et la face interne des cuisses. Elles peuvent aussi subir les violences des proxénètes, qui commencent souvent chez les jeunes vierges par une défloration rapide mais violente, laissant souvent des lésions importantes des organes génitaux, qui seront source de douleurs par la suite. À l’examen clinique, les lésions constatées chez ces femmes sont des cicatrices, surtout au niveau des membres, consécutives au fait d’avoir été attachées, traînées, griffées, ainsi que des arrachages de cheveux et des brûlures de cigarettes. Au niveau vulvo-vaginal, l’examen retrouve des vulves très déformées et parfois des vagins cicatriciels durs et très douloureux. »

Face à cette réalité atroce, certains s’interrogent : la violence est-elle inhérente à l’activité prostitutionnelle ou n’est-elle associée qu’à la traite des êtres humains et aux réseaux criminels ? Autrement dit, existe-t-il une forme de prostitution sans risque et sans violence ?

L’association Médecins du Monde a étudié la situation des femmes chinoises prostituées à Paris. La quasi-totalité d’entre elles déclarent avoir choisi d’exercer cette activité et ne pas reverser d’argent à une tierce personne. Il s’agirait donc pour ces femmes d’une prostitution « choisie ». Pourtant, 55 % d’entre elles déclarent avoir subi des violences physiques, et 38 % d’entre elles ont été violées au moins une fois au cours de leur activité.

Certains s’interrogent encore : la fréquence des violences ne serait-elle pas uniquement liée à la précarité de ces femmes, étrangères et souvent sans papiers, n’est-ce pas tout à fait différent pour la prostitution dite traditionnelle, celle des femmes françaises qui affirment exercer librement cette activité ? La réponse est non. Dans une étude récente menée par l’Institut de veille sanitaire, 55 % des femmes prostituées françaises interrogées déclarent avoir subi des violences physiques au cours des douze derniers mois, et 48 % d’entre elles ont déjà été violées au cours de leur activité. La constance des chiffres est impressionnante.

Mais certains s’interrogent encore. Parmi les personnes prostituées, il n’y a pas que des femmes. Qu’en est-il des hommes et des personnes transgenres qui se prostituent ? Leur situation est-elle plus enviable ? La réponse est encore non. D’après la même étude, 32 % des hommes et 39 % des transgenres prostitués interrogés ont déjà été violés au moins une fois.

Il y a donc une réalité que l’on ne peut occulter, les personnes prostituées en France sont en danger permanent.

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